L'écriture d'invention.
Présentation du livre de Maxime Abolgassemi, L'Écriture d'invention : écrire pour lire, lire pour écrire, CRDP de Rennes, Collection Lettres
Ouvertes, juin 2001.
© : Maxime Abolgassemi.
Maxime Abolgassemi est professeur certifié de Sciences physiques, professeur
agrégé de Lettres modernes au Lycée Joliot-Curie de Rennes.
Les craintes et les souhaits :
que faire de cette
« écriture d’invention » ?
L’écriture
d’invention, introduite au Lycée après plusieurs
années de pratique au Collège, cristallise beaucoup
d’appréhensions, liées, semble-t-il, à deux facteurs
principaux : le manque d’exemples disponibles, et la foisonnante
variété des réalisations pratiques, qui élargit
toujours plus le champ des possibles. À quoi il faut ajouter la
tourmente qui a soufflé, un temps, sur les nouveaux programmes et qui,
mal éteinte, laisse aussi persister quelques inquiétudes. Pour
s’en tenir à notre sujet : les élèves vont-ils
maintenant devoir inventer ce
qu’ils écriront, et nous, devoir noter de telles productions ?
Veut-on faire de nos élèves des écrivains, à la
hauteur de 80% ? Un exercice qui s’est développé au
Collège ne porte-t-il pas en germe une baisse des exigences du
Lycée ?…
Si tout questionnement (sur les
programmes particulièrement !) est souhaitable et salutaire,
témoignant d’une remise en cause réflexive sur nos
pratiques, l’essentiel des critiques contre l’écriture
d’invention me paraît infondé.
L’écriture
d’invention permet au contraire de s’engager vers d’autres
approches pédagogiques, et d’instaurer un nouveau dialogue entre
l’élève et les textes. Cela, sans jamais renoncer à
notre idéal d’exigence et de rigueur. On verra comment les questions
de l’inspiration, de l’imitation, de l’original, du travail
de l’écriture, des détournements parodiques s’en
trouvent totalement renouvelées, et mises en lumière de
manière neuve et stimulante par des pratiques cohérentes.
Mais justement,
c’est précisément cette richesse protéiforme qui
peut contribuer à dérouter l’enseignant le mieux
disposé. Les textes officiels évoquent par exemple :
« transformation »,
« transposition », « imitation »,
« reprise », « pastiches », « parodies »…
Si l’on comprend l’idée, l’application pratique se
dérobe et se complexifie rapidement.
Cet ouvrage a
donc pour but de clarifier toutes ces notions, et un tableau synthétique
en donnera une vision globale et raisonnée. Ce « tableau des
consignes possibles » permettra d’envisager d’un coup
d’œil la distribution réciproque de tous ces termes des
nouveaux programmes, dans la perspective d’exercices précis, et il
nous servira de guide dans toute la suite. La première partie fournira
ainsi des éléments d’un dossier regroupant les données
de l’exercice. La seconde partie, quant à elle, répondra
à ce tour d’horizon par des mises en situation concrète,
pour frotter les vertus théoriques à la matière des
textes, pour en faire jaillir quelques idées de pratiques en classe.
Sans nous imposer pour autant une obligation d’exhaustivité que
les contraintes de l’écriture d’invention invalident,
puisque, à la limite, ses modalités détaillées
varient à chaque texte interrogé.
Tous les
exercices que le professeur peut faire pratiquer dans sa classe ne seront donc
pas étudiés : je tenterai surtout de montrer comment
l’écriture d’invention est profitable lorsqu’elle
questionne des textes qui, en eux-mêmes, mettent en œuvre des
réécritures.
Quatre grandes
directions orienteront ce parcours à la découverte des richesses
de l’écriture d’invention : en premier lieu il faudra
faire un sort à ces deux notions centrales mais complexes de la parodie
et du pastiche ; ensuite j’examinerai l’apologue (introduit en
Première) à travers l’exemple des fables ; puis l’écriture
d’invention sera employée au service d’une étude de
la poésie ; enfin j’articulerai autour de l’Oulipo,
féru de réécritures, d’autres pratiques qui
n’auront pas encore été examinées.
Faciliter
l’usage de l’écriture d’invention, en tentant de faire
se déployer au mieux sa large envergure, s’accompagne cependant
d’un certain risque de survalorisation de ce qui n’est,
après tout, qu’un exercice au service d’autres objectifs, et
certainement jamais un but en soi.
Le
professeur-lecteur devra donc garder en tête cette règle
fondamentale : l’écriture d’invention est
l’auxiliaire passionnant d’une démarche pédagogique
globale, et l’exemple des textes littéraires vise à faire
mieux lire, écrire, commenter nos élèves.
L’écriture
d’invention est un outil d’une extrême souplesse qui couvre
un champ pédagogique immense, au service des objectifs d’une séquence.
Le professeur peut doser son utilisation de façon extrêmement
fine. Une consigne de réécriture par transposition offre aux
élèves le cadre d’un exercice d’écriture
très simple, sans pré-requis spécifique, mais
précis et exigeant, puisqu’il leur faut prouver leur
compréhension du texte et leur capacité à produire un
travail d’écriture cohérent.
Le professeur
peut aussi profiter de la dynamique propre à l’écriture
d’invention pour agréger ainsi des notions que cet exercice met en
œuvre, en parallèle scolaire aux pratiques des écrivains :
ainsi la compréhension du pastiche et de la parodie viendra alors, en
retour, enrichir la lecture des textes, la précision et la pertinence de
commentaires possibles, et le décodage de l’univers culturel du
monde médiatique contemporain. L’écriture d’invention
offre aussi un pont naturel vers l’Oulipo, dont le professeur peut facilement
profiter pour varier ses consignes, tout en ouvrant un pan littéraire
réel aux élèves, dans des contextes de modules ou
d’aide individualisée par exemple.
Cette
remarquable variété, associée à la capacité
de nouer entre eux des notions et des fils essentiels de l’enseignement
du français au Lycée, fait de l’écriture
d’invention un nouvel exercice véritablement passionnant et utile
au professeur : qu’il trouve ainsi, dans les pages de cet ouvrage,
de quoi susciter et alimenter ses envies, et matière à sa propre
élaboration de futurs cours.
Maxime
Abolgassemi