Laurent Albarracin : Hommage à Michel Valprémy.
Mis en ligne le 7 septembre 2007.
Hommage à Michel ValprémyNous apprenons avec tristesse la mort de Michel Valprémy. Ses mots avaient du chien, du mordant, du toupet comme jamais ailleurs dans la poésie française. Son style reconnaissable entre tous était d'une générosité extrême quant aux choses et aux êtres, tout ce qui est n'étant pas seulement donné pour tel mais mêlé de quantité, d'impossible fuite, d'intenable désir, de toutes ces qualités qui font que le monde éclate par tous ses bouts. Qu'on en juge par cette page prise au hasard et tirée de Cibles, cribles, aux éditions Haldernablou : Ç Dague, dard, guêpe, changer de camp, d'album, de ligne de mire. Avec des mots de bouquetière, dire la serpe du jour — coupé court — entre les cuisses du dormeur nu ; avec des mots de charbonnier, des mots criblés, toqués, usés jusqu'à la corde, jusqu'au trognon : diarrhée
de bleu mouchoir
d'ablettes myosotis
moquette saucée
d'aube (ou guenilles) lilas
sous l'eau gla•eul,
lait à la louche Au vent qui frise (barrière),
l'agneau fragile dentelle froide, fouillis
d'épingles, jabot troussé, plis et arêtes meringue grasse à claire voie È Une langue qui toise la langue, qui la ratiboise, qui la ravive et la rabiboche. Très peu de poètes sont capables comme il l'était de réinventer la langue, de lui inventer un parlé, un croquant qu'elle n'avait pas jusqu'alors. Un poète comme Michel Valprémy qui meurt, c'est un peu du vivant de la langue qui s'éteint. Laurent Albarracin |