RETOUR : Ressources communes

 

Jany Berretti : « Naïvement Verlaine (sur quelques mots des premiers poèmes) »

Jany Berretti, matre de conférences, a enseigné la Littérature générale et comparée à l'université de Paris 3.

Mis en ligne le 14 décembre 2007.

© Jany Berretti.


NAÏVEMENT VERLAINE…

(sur quelques mots des premiers poèmes)

Il suffit de prononcer le nom de Verlaine, d'évoquer par ce nom l'ensemble de son œuvre – ou plutôt la part de cette œuvre qui, restée dans les mémoires, y représente aux yeux du plus grand nombre le poète tout entier – pour que surgisse l'idée de « naïveté ». Mallarmé l'exprime, lui aussi, dans son « Tombeau »[1] - le mot est partiellement anagrammatique, parmi d'autres. On connaît aussi ce qu'écrit Verlaine lui-même, en 1890, dans sa « Critique des poèmes saturniens » : « JE N'AURAI PAS FAIT DE THÉORIE. C'est peut-être naïf, ce que je dis là, mais la naïveté me paraît être un des plus chers attributs du poète[2]. » Cela pendant que Mallarmé continue d'élaborer ses écrits théoriques, trouvant « prodigieuse » l'idée de Poe « que tout hasard doit être banni de l'œuvre moderne et n'y peut être que feint[3]. » L'opposition entre les deux contemporains[4] paraît flagrante.

La citation de Verlaine, toutefois, est bien postérieure aux « juvenilia »[5], qu'elle commente avec recul. Et ce sont les « juvenilia », justement, qui font pour l'essentiel la renommée de Verlaine. Il faudrait voir, peut-être, si la « naïveté » revendiquée en 1890 se lit vraiment dans les poèmes écrits quelque vingt ans plus tôt.

Je présente ici trois études qui, partant à chaque fois de l'espace étroit d'un seul mot d'un poème, tentent d'observer l'architecture à laquelle ils appartiennent et d'en tirer les conclusions possibles quant à l'élaboration de celle-ci.

I.  « Sanglots »

Le poème « Chanson d'automne »[6] fait partie de ces morceaux que chacun (en France mais aussi ailleurs), au moins jusqu'à une date récente, connaissait à peu près par cœur. Aucun paysage : il évoque « un état d'âme ». Rappelons la première strophe :

Les sanglots longs

Des violons

De l'automne

Blessent mon coeur

D'une langueur

Monotone.

Je m'arrêterai au mot « sanglot ». Il est onomatopéique : la double consonne centrale imite un brusque mouvement de glotte.

Dans un poème de Mallarmé à peu près contemporain des Poèmes saturniens, « Apparition », on voit « des séraphins en pleurs » tirer « de mourantes violes »

De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles [7].

Dans ce cas l'onomatopée du [gl][8] de sanglots est répercutée par les deux doubles consonnes : le même [gl] dans glissant et sa version affaiblie [bl] dans blancs. Ainsi l'insistance est placée sur le spasme dans le mot, et ce spasme est répété, mimant les larmes convulsives – avec ici la valeur abstraite évoquant le caractère à la fois séraphique et « martyrisé » (le mot vient ensuite) de la rêverie avant « le jour béni de son premier baiser ».

Chez Mallarmé encore, dans « Les fleurs », autre poème de jeunesse (1864)[9] :

 Et tu fis la blancheur sanglotante  des lys.

Dans les deux cas, le dernier mot reprend un seul élément du [gl], le plus « doux », le [l], produisant un effet d'apaisement en fin de vers.

Littré donne de « sanglot » la définition suivante (on y notera l'abondance des heurts consonantiques) : « Contraction spasmodique, brusque et instantanée du diaphragme, qui est aussitôt suivie d'un mouvement de relâchement par lequel le peu d'air que la contraction avait fait entrer dans la poitrine est chassé avec bruit ». Il cite Ambroise Paré – « Il n'y a pas grande différence entre la nausée et le sanglot, vu que c'est aussi un effort sans effet de l'expultrice du ventricule » et extrait cette phrase, consacrée à l'hyène, des descriptions de Buffon : « Son cri ressemble aux sanglots d'un homme qui vomirait avec effort ». Le mot sanglot, on le voit, à l'origine, désignait d'abord le hoquet[10]. Au XIXe siècle, il est encore bien chargé de connotations physiologiques. Littré précise tout de même : « Dans le langage général, sanglot se dit surtout au pluriel. C'est un signe de chagrin ». Toutefois dans Le Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier, le chat de Sigognac, pauvre bête famélique à qui la finale fortune de son maître offre un repas pantagruélique, rend l'âme pour cause d'indigestion avec un « sanglot semblable au cri d'un enfant égorgé » (on notera le double [bl] de « semblable ») : on dirait sans doute « hoquet » aujourd'hui.

Dans le poème de Verlaine, le spasme du [gl] est alternativement affaibli ou renforcé. Dans la première strophe, il est scindé donc aplani par la seule reprise du [l] dans longs [lɔ̃], violons [lɔ̃], l'automne [lo], langueur [lɑ̃], alors que blessent reprend la double consonne (la mémoire populaire, peut-être inconsciemment sensible à l'écho pénible du bruit de glotte de sanglot, affadit le mot en bercent).

À la seconde strophe, la valeur première et violente du mot sanglot revient explicitement, par une double onomatopée à la rime, [ɔ'k][ə'k], qui rappelle le mot hoquet ([ɔ'kε]) – car il se trouve que l'adjectif suffocant, qui convient par le sens à l'étouffement des sanglots, contient dans sa seconde moitié sinon le mot hoquet du moins son onomatopée, et il se trouve que la conjonction de subordination de temps quand, après une syllabe faible, parvient au même effet.

Tout suff  ocant    

Et bl êm    e quand .

 

Un autre écho à la double consonne de sanglot est, on le voit, sa presque reprise dans blême, rappel de blessent. Ainsi, de deux manières différentes, le spasme du sanglot est présent.

Il s'efface ensuite de nouveau : « Sonne l'heure ». Au vers 12, « Et je pleure » y revient, par un dernier affaiblissement de la double consonne. La dernière strophe présente elle aussi des oppositions, mais différentes ([v] vais, vent, mauvais /[s] deçà, reprenant souviens / anciens, sur un fond de [m] répétés). Une rime portée par la consonne [l] termine toutefois les deux avant-derniers vers, comme une incise avant le dernier vers qui, du point de vue sonore, vient en aboutissement du début de la strophe.

Le mot « sanglot » apparaît ailleurs dans les juvenilia. Sous la forme du verbe, dans « Clair de lune », des Fêtes galantes[11] : 

      Et sangloter d'extase les jets d'eau, 

      Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. 

le mot produit un effet différent. Le [t] du verbe est repris, non le [gl]. Le bruit des consonnes groupées, [kst], [sv], [lt], imite le chuchotement léger de l'eau.

Dans « Sub urbe » (« Caprices »), des Poèmes saturniens, « sanglots » rime avec « enclos » :

Au rythme heurté des sanglots.

Les groupes consonantiques [tm] et [rt] miment le sens des mots qui les portent.

 

L'exploitation des ressources onomatopéiques du mot « sanglot » est peut-être en partie instinctive, toutefois l'étude approfondie montre des effets bien complexes et sophistiqués qui laissent deviner, de la part du poète, une bien précise observation des mots de la langue, une bien précise conscience de l'enchevêtrement du son et du sens.

II.  « Il bacio »

La pièce V des « Ariettes oubliées », dans les Romances sans paroles, sans titre, commence par le vers « Le piano que baise une main frêle ».

Les notes biographiques révéleront ou postuleront un fait réel d'où serait né le poème (écrit en 1872). Toutefois, même si l'on peut imaginer nettement un piano, une fenêtre, un jardin, le soir rose et gris, aucune anecdote précise n'est lisible. La première strophe suggère un lieu l'intérieur d'une maison, mais aussi peut-être l'extérieur, sans que l'on puisse situer exactement celui qui regarde. Ce dernier, dans la seconde strophe, se lamente, mais par une série de questions énigmatiques. L'impression s'élabore, semble-t-il, au-delà de tout sens produit par le déroulement linéaire, dans la juxtaposition de termes de douceur et d'atténuation frêle, rose, gris, vague, léger, vieux, faible, charmant, discret, épeuré, fin, un peu etc. , parmi lesquels passent les nuances d'évocations secondaires : bruit d'aile ou boudoir parfumé ou berceau, dorlote, mourir. Est-ce tout ?

Revenons au premier vers. L'emploi du verbe étonne. Son acception érotique est ancienne, toutefois au XIXe siècle elle ne venait qu'en arrière-plan. C'est plutôt le son [z], au cœur de ce vers, qui produit pour mon oreille une brève et brutale disharmonie, comme un grincement furtif mais violent. Les doigts passent sur le piano comme un baiser (le substantif a gardé beaucoup plus longtemps sa valeur chaste), elle frôle le clavier comme des lèvres qui se posent. La métaphore peut évoquer le glissement doux et caressant d'une main légère le poème tout entier est feutré. Mais l'acuité du phonème surprend. Nom ou verbe, le mot contient un [z].

Dans un poème de Mallarmé, « Éventail », pour Mademoiselle Mallarmé (« Ô rêveuse, pour que je plonge… », publié pour la première fois en 1884[12]), le mot est visiblement intégré, dans l'ensemble du poème, à un réseau de [z], de [s], de [], de [ʒ], de [f] et de [v]. Voici la troisième strophe[13] :

Vertige ! voici que frissonne

L'espace comme un grand baiser

Qui, fou de naître pour personne,

Ne peut jaillir ni s'apaiser.

 

Le son [z] semble prendre place dans un chœur onomatopéique où l'on entend le froissement de l'air, selon le geste nerveux et sensuel (« vertige », « fou », « farouche ») de celle qui s'évente.

Dans le poème de Verlaine, où c'est le premier vers, du fait aussi de l'emploi rare du verbe, il me frappe non comme l'élément d'un ensemble mais comme une immédiate rupture.

Le piano que baise une main frêle

Luit dans le soir rose et gris vaguement,

Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile

Un air bien vieux, bien faible et bien charmant

Rôde discret, épeuré quasiment,

Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.

 

Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain

Qui lentement dorlote mon pauvre être ?

Que voudrais-tu de moi, doux Chant badin ?

Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain

Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre

Ouverte un peu sur le petit jardin ?

 

Le mot « baiser » présente en plusieurs endroits des Poèmes saturniens des emplois (comme ici, en fait), au moins en apparence, anodins par le sens :

dans « Nevermore » (« Melancholia », II),

     Et je baisai sa main blanche, dévotement. (v. 11)[14] ;

 

dans « Vœu », (« Melancholia », IV),

Ô la femme à l'amour câlin et réchauffant,

Douce, pensive et brune, et jamais [z] étonnée,

Et qui parfois vous baise au front, comme un enfant ! (v. 12-13-14)[15];

 

dans « Épilogue »,

Les rosiers du jardin s'inclinent en cadence.

L'atmosphère ambiante a des baisers de sœur. (v. 3 et 4)[16]

 

Dans les deux derniers exemples, les réseaux sonores sont du même type que dans le poème étudié : le [z] est entouré de [s], de [f], de [v], de [ʒ], de [].

Comparons le susurrement du premier vers de la deuxième strophe :

     Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain

     [kεsəkəsεkəsə]…,

au déroulement du tout premier vers

     Le piano que baise une main frêle…

     [ləpianokəbεz]…

Le son [z] apparaît, au milieu de celui-ci, comme un brusque coup d'archet grinçant sur un violon.

En relisant tout le petit volume des poèmes de Verlaine à peu près contemporains de celui-ci, on remarque en effet que le son [z] vient presque toujours, au milieu de sons plus feutrés, porté par un sens de blessure au milieu de la douceur ou de la nostalgie, comme d'une piqûre, d'un frisson brusque et violent (souffrance ou bonheur). Par exemple :

Dans l'interminable

Ennui de la plaine

La lune incertaine

Luit comme du sable.

[…]

Corneille poussive

Et vous les loups maigres

Par ces bises aigres [sebi[z]ə[z]εgr]

Quoi donc vous [z] arrive ?[17]

 

Le mot « baiser » souffrirait-il de ce [z] qui l'oppose, pour l'oreille, aux « caresses » ?

Or il y a, dans les Romances sans paroles encore, un poème  qui porte un titre anglais, « A poor young shepherd » :

J'ai peur d'un baiser

Comme d'une abeille.

Je souffre et je veille

Sans me reposer :

J'ai peur d'un baiser !

[…]

C'est Saint-Valentin !

Je dois[z] et je n'ose

Lui dire au matin…

La terrible chose que Saint-Valentin !

 

Elle m'est promise

Fort heureusement !

Mais quelle entreprise

Que d'être un amant

Près d'une promise ![18]

 

Le baiser devient ouvertement une piqûre, et le son [z] se généralise.

Une autre pièce, extraite des Poèmes saturniens, est entièrement consacrée au baiser, mais elle a un titre italien : « Il bacio » (le baiser, en italien - prononcer ['bato]). Le mot ne contient pas de [z][19].

Voici le début du poème[20] :

Il bacio

     Baiser ! rose trémière au jardin des caresses !

Vif accompagnement sur le clavier des dents

Des doux refrains qu'Amour chante en les cœurs [z] ardents

Avec sa voix d'archange aux langueurs charmeresses !

On entend de nouveau les [z], [s], [ʒ], [] – avec ici comme dans le poème de départ le réseau de [d], [t] et [k].

Dans le même recueil, un poème est intitulé « Sérénade ». Il commence ainsi[21] :

Comme la voix d'un mort qui chanterait

Du fond de sa fosse,

Maîtresse, entends monter vers ton retrait

Ma voix [z] aigre et fausse.

Les strophes suivantes font l'éloge de cette femme, de cette « maîtresse », puis, strophe 6 :

Et pour finir, je dirai le baiser

De ta lèvre rouge,

Et ta douceur à me martyriser,

Mon Ange ! — ma Gouge !

 

Le contraste des mots douceur / martyriser est accompagné par le contraste du [s] et du [z].

Le mot « gouge » désigne une femme de mauvaise vie ou, selon une autre acception, un instrument fort tranchant de sculpteur, de menuisier ou de chirurgien. Par deux mots qui riment presque, la « gouge » s'oppose à l'« ange ». La rime est rare pour « gouge ». Seuls deux mots sont possibles : « rouge » (violente couleur) et « bouge ». Justement, dans un poème intitulé « Charleroi » (dans les Romances sans paroles) :

Plutôt des bouges

Que des maisons.

Quels [z] horizons

De forges rouges ![22]

 

On peut dire que les sons [z] accompagnent une évocation violente : le bruit et le rougeoiement semblent communs au lieu mal famé et à la forge (une autre strophe reprend l'idée par « Sites brutaux !/ Oh ! votre haleine,/ Sueur humaine,/ Cris des métaux »). Mais lisons le reste de ce poème :

Quoi donc se sent ?

L'avoine siffle.

Un buisson gifle

L'œil au passant.

 

et plus loin :

Parfums sinistres !

Qu'est-ce que c'est ?

Quoi bruissait

Comme des sistres ?

Le son [s], cette fois, donne la sensation du sifflement menaçant. Le même « Qu'est-ce que c'est », berceur dans le premier poème, devient une suite de crissements.

Relisons le poème « Sérénade » :

Comme la voix d'un mort qui chanterait

Du fond de sa fosse,

Maîtresse, entends monter vers ton retrait

Ma voix [z] aigre et fausse.

On s'aperçoit que la voix, évoquée par surtout une série de [s] que cette fois renforce le [z], est tout à fait discordante. Ainsi selon le sens des mots, selon aussi peut-être l'organisation sonore – et selon la lecture – l'effet du [z] et de ses satellites varie. Il semble que Verlaine expérimente – par tâtonnement et par calcul – ces conjugaisons.

On le voit encore dans le poème « Malines » des Romances sans paroles[23] :

 

Vers les prés le vent cherche noise

Aux girouettes, détail fin

Du château de quelque échevin,

Rouge de brique et bleu d'ardoise,

Vers les prés clairs, les prés sans fin…

 

Comme les arbres des féeries,

Des frênes, vagues frondaisons,

Échelonnent mille horizons

À ce Sahara de prairies,

Trèfle, luzerne et blancs gazons.

 

En mai 1872, alors que Verlaine envoie à Lepelletier le manuscrit des Romances sans paroles, signifiant son intention de dédier le recueil à Rimbaud, ce dernier écrit « Larme », autour des groupes sonores [aR], [ɔR], [εR], [εR]… et [az], [wa], [waz] : « des oiseaux », « villageoises » (v. 1), « noisetiers » (v. 3), « jeune Oise » (v. 5), « gazon » (v. 6, repris par « glaçons » au vers 14), « colocase » (v. 7).

Le commun intérêt des deux poètes pour les langues, pour les effets de forme et de sens, se manifeste aussi par leur expérimentation des effets grammaticaux. Rimbaud observe les rythmes produits par les prépositions (en particulier « de »)[24]. Verlaine, quant à la production du son [z], recherche les liaisons produites par le pluriel, par exemple dans ce poème des  Romances sans paroles[25] :

WALCOURT

Briques et tuiles, [z]

Ô les charmants

Petits asiles [z]

Pour les amants [z]

 

Houblons et vignes, [z]

Feuilles et fleurs [z]

Tentes insignes [z]

Des francs buveurs !

 

Cette revue rapide montre, dans les poèmes considérés, malgré leur apparente simplicité, les marques d'une recherche quant au maniement des mots, le sens, le son, la grammaire offrant un grand choix de combinaisons. On perçoit, à la lecture approfondie, une écoute très sensible des formes de la langue – qui est le fait du poète et qu'il requiert de son lecteur.          

III.  « Vermeils »

Feuilletant le recueil des Poèmes saturniens, arrêtons-nous à la première pièce des « Paysages tristes », « Soleils couchants » [26].

SOLEILS COUCHANTS

1   Une aube affaiblie

2   Verse par les champs

3   La mélancolie

4   Des soleils couchants.

5   La mélancolie

6   Berce de doux chants

7   Mon cœur qui s'oublie

8   Aux soleils couchants.

9   Et d'étranges rêves,     

10 Comme des soleils      

11 Couchants sur les grèves,       

12 Fantômes vermeils,     

13 Défilent sans trêves,    

14 Défilent, pareils           

15 À des grands soleils

16 Couchants sur les grèves.

          

Petit poème descriptif cette fois, comme l'indique le titre, dira le lecteur distrait [27]. Mais surtout lyrique, brumeux, rêveur, ajoutera-t-il après réflexion. Il n'est pas facile en effet de suivre mot à mot ce que l'on aurait pu prendre hâtivement pour l'évocation d'un paysage à la tombée du jour : on n'en retire que le sentiment des choses. L'impression produite est vertigineuse : la ligne des deux premières phrases glisse comme nonchalamment, en tournoyant, la troisième tourne aussi, quoique passagèrement interrompue de virgules. Le poème semble avoir été légèrement et comme négligemment déposé sur la page, mais le souvenir du poème de Baudelaire « Harmonie du soir » et du prétendu pantoum, rappelant le travail du poète, annonce déjà une élaboration tout autre.

 Un mot,  pour commencer,  peut attirer l'attention, une épithète de couleur qui vient au vers 12 qualifier des « fantômes » : « vermeils ». La couleur étonne.

L'adjectif « vermeil », précise le Dictionnaire de la langue française de Littré, désigne « un rouge un peu plus foncé que l'incarnat » (est incarnat ce « qui est d'une couleur entre la couleur de cerise et la couleur de rose », « rouge de chair »). Il évoque, donc d'un rouge profond, vif (doré peut-être – le substantif « vermeil » désigne l'argent doré –, ou brillant, « vermeil » appelant « merveille »), le sang, une plaie, une bouche, un teint, une fleur, un fruit. Ici il colore des fantômes.

Le mot « fantôme » évoque soit l'image des morts qui, par apparition surnaturelle, presque palpable, reviennent hanter les vivants, soit, dans le registre poétique, tout objet fictif suscité par l'imagination, toute chimère. Le groupe nominal « Fantômes vermeils » peut se comprendre comme apposé de manière floue aux deux groupes nominaux qui précèdent : « des soleils couchants sur les grèves » et « d'étranges rêves », ou bien seulement à l'un des deux. Or le mot « rêves », qui précède, ferait d'abord entendre le mot « fantômes » selon la seconde acception, abstraite. Mais la grosse couleur qu'apporte l'adjectif matérialise l'apparition, ce que confirme par la suite l'image du défilé (incessant, sur des plages) des revenants vêtus d'incarnat foncé – encore que la reprise de la comparaison avec des soleils estompe les silhouettes aperçues. On peut aussi être étonné du contraste soudain avec la lumière « affaiblie » du premier vers, le vague et les vapeurs de la sombre « mélancolie ». L'évanescence de l'évocation semble étonnamment dévier sur le mot « vermeils », dont l'éclat surprend, et se transformer en figuration d'imagerie.

Relisons le poème. La torsion du sens produite par l'adjectif « vermeils » n'est pas le seul indice du trouble de la compréhension linéaire. Les trois phrases que contient le poème, aussi limpides qu'elles soient du point de vue grammatical (à une hésitation près, celle qui vient d'être soulignée), présentent des répétitions qui gênent la compréhension immédiate. « La mélancolie » est en situation de complément d'objet (v. 3) puis aussitôt (v. 5) de sujet. Le groupe nominal « soleils couchants », annoncé par le titre, apparaît quatre fois, en position de complément mais selon diverses modalités : complément de nom (v. 4) puis complément indirect (v. 8) puis complément introduit par des locutions comparatives (v. 10, v. 15)[28].

Les deux premières phrases, chacune de quatre vers, sont telles que la seconde semble proposer de nouveau la première, mais avec un renversement (ce qui était le complément devenant le sujet), comme par un retour en arrière, mais le point d'arrivée est le même, en parallèle.

1

2

3     La mlancolie

4. Des soleils couchants

5=3 La mlancolie

6

7

8=4 Aux soleils couchants

La troisième phrase, de huit vers, réinsère deux fois le dernier segment « soleils couchants » mais en le sectionnant entre deux vers. Après un départ différent, elle passe par le point fixe sans s'arrêter, pour y revenir à la fin, avec un double développement (« à des grands soleils / Couchants sur les grèves »).

Cette seconde partie semble en cela disloquée par rapport à la première. Le grand nombre des virgules (aucune dans les huit premiers vers, 5 ensuite) produit aussi un effet de rupture, comme une reprise partielle, morcelée, de la première moitié. La situation du mot « couchants » en début de vers (v. 11 et 16) semble lui redonner force verbale, mais le pluriel conservé maintient l'unité du groupe nominal, transporté tel quel, comme par un jeu de construction.

L'ensemble du poème, à y regarder de plus près, manifeste en effet un système très enchevêtré de reprises et d'inversions.

Ce n'est pas un poème à forme fixe, il présente une trame de seize vers de cinq syllabes marqués par le paradigme final des rimes. Celles-ci sont croisées, avec une inversion à la fin. Leur disposition coupe, elle aussi, le poème en deux parties.

Pour les huit premiers vers[29] :

ab/ab/ab/ab

a (rime féminine) = lie, ([li]),

b (rime masculine) = chants, champs, ([]) ,

 

pour les huit derniers vers :

cd/cd/cddc

c (rime féminine) = rêves, rèves, ([Rεv]),

d (rime masculine) = eils, ([εj]).    

 

Le déplacement observé plus haut, « soleils couchants » étant scindé, produit un chassé-croisé de rimes, des mots qui se trouvaient à l'intérieur du poème dans la première moitié se trouvant ensuite à la rime et inversement.

Le mot « soleils », donc, apparaît deux fois sur les syllabes 2 et 3 dans la première moitié du poème avant de servir de base à l'une des deux rimes (la rime masculine) de la seconde moitié (soleils, vermeils, pareils, soleils). Le mot « couchants », qui sert de base à l'une des deux rimes (la rime masculine) de la première moitié (champs, couchants, doux chants, couchants) reparaît deux fois, aux deux premières syllabes, dans la seconde. On peut dire ainsi que le groupe « soleils couchants » détermine deux rimes maîtresses, [εj] et [], que les rimes ([li]) et ([Rεv]) sont, quant à la structure du poème, secondes. C'est ce que présente le tableau ci-dessous.

 

 

syllabes

 

1

2

3

4

5

1

 

 

 

 

 

2

 

 

 

 

champs

3

 

 

 

 

 

4

 

so

leils

cou

chants

5

 

 

 

 

 

6

 

 

 

 

chants

7

 

 

 

 

 

8

 

so

leils

cou

chants

9

 

 

 

 

 

10

 

 

 

so

leils

11

cou

chants

 

 

 

12

 

 

 

(ver)

meils

13

 

 

 

 

 

14

 

 

 

(pa)

reils

15

 

 

 

so

leils

16

cou

chants

 

 

 

vers

 

 

Les deux types de mots à la rime sont en outre entourés d'échos proches par lesquels leurs éléments sont multipliés : « soleils » et « couchants ».

Les phonèmes du mot couchants ([ku]) sont répétés autour de lui, c'est-à-dire dans la première moitié du poème en seconde partie de vers, dans la seconde moitié en première partie de vers. Les mots « mélancolie » (deux fois), « cœur », « comme » présentent, en commun avec le mot de base, le phonème [k] et les graphèmes co.

Le tableau ci-dessous montre le décalage :

 

 

syllabes

 

1

2

3

4

5

 1

 

 

 

 

 

2

 

 

 

 

champs

3

 

 

lan

co

 

4

 

 

 

cou

chants

5

 

 

lan

co

 

6

 

 

 

doux

chants

7

 

cœur

 

s'ou

 

8

 

 

 

cou

chants

9

 

 

tran

 

 

10

Comme

 

 

 

 

11

Cou

chants

 

 

 

12

Fan

 

 

 

 

13

 

 

 

sans

 

14

 

 

 

 

 

15

 

 

grands

 

 

16

Cou

chants

 

 

 

vers

 

On voit que la symétrie est très approximative.

Le décalage du mot « soleils » donne lieu à une symétrie d'un autre ordre, qui met en cause une rime seconde. La rime féminine de la première partie, lie (affaiblie, mélancolie, mélancolie, s'oublie) reprend en effet, en les inversant, les lettres eil de soleils : symétrie graphique.

On peut apercevoir aussi dans le mot Défilent, deux fois, dans un autre ordre, les mêmes trois lettres l i e.  Enfin les groupes composés des lettres l i e  sont plusieurs fois précédés, comme dans soleil, immédiatement ou presque, par la lettre o. Le groupe soleils couchants n'est pas un groupe hétérogrammatique, même en faisant abstraction du pluriel, même en considérant comme un tout le digraphe ch. Les deux mots qui le constituent présentent la propriété de contenir l'un et l'autre un o dans leur première syllabe. Sou, de s'oublie, tient à la fois de soleils et de couchants (graphiquement et phoniquement).

Le tableau ci-dessous tente d'en rendre compte (les flèches indiquent les inversions) :

 

 

syllabes

 

1

2

3

4

5

 1

 

 

 

 

lie

2

 

 

 

 

 

3

 

 

 

     co

lie

4

   

    so

l eil

    cou

 

5

 

 

 

     co

lie

6

 

 

 

 

 

7

 

    co

 

   s'ou

lie

8

 

     so

l eil

   cou

 

9

 

 

 

 

 

10

co

 

 

     so

l eil

11

cou

 

 

 

 

12

 

 

 

 

 eil

13

 

        i

le

 

 

14

 

        i

le

 

 eil

15

 

 

 

     so

l eil

16

cou

 

 

 

 

vers

 

La rime seconde ([Rεv], rêves, grèves, trêves, grèves) de la deuxième partie du poème n'est pas exclue du jeu de renversements. Le groupe phonique et graphique qui la constitue apparaît déjà dans la première moitié, avec « Verse » (vers2), phoniquement selon une inversion au début du mot et, graphiquement, par inversion (ver/rev) ou anagramme (verse/reves). « Verse » est repris  phoniquement, selon une approximation (la labiale /b/ remplaçant la labiale /v/), par « Berce » au vers 6. Le mot « vermeil », par sa première syllabe, introduit le motif ver ([vεR]) dans la seconde moitié du poème.

 

syllabes

 

1

2

3

4

5

 1

 

 

 

 

 

2

Ver

 

 

 

 

3

 

 

 

 

 

4

 

 

 

 

 

5

 

 

 

 

 

6

Ber

 

 

 

 

7

 

 

 

 

 

8

 

 

 

 

 

9

 

 

 

 

rêves

10

 

 

 

 

 

11

 

 

 

 

grèves

12

 

 

 

ver

 

13

 

 

 

 

trèves

14

 

 

 

 

 

15

 

 

 

 

 

16

 

 

 

 

grèves

vers

                

Le mot mélancolie est constitué graphiquement presque entièrement de bribes de soleils couchants. Surgit en même temps une syllabe neuve, , dont le m ([m]) est ensuite répété : v.7 Mon, v. 10 Comme, v. 12 Fantômes vermeils.

Une autre consonne, qui apparaît pour la première fois dans le groupe nominal « la mélancolie des soleils couchants » (v. 4), se trouve reprise, presque toujours accompagnée encore du son-voyelle [e] : v. 4 des, v. 6 de doux, v. 9 d'étranges, v. 10 des, v. 13 filent, v. 14 filent, v. 15 des (ce dernier des qui surprend puisque l'article indéfini pluriel, devant une épithète, devient ordinairement de).

Je risquerai une hypothèse quant à la composition du poème « Soleils couchants ». Verlaine pourrait avoir pris pour départ de cet exercice de virtuosité et de vertige un passage du poème de Baudelaire « L'invitation au voyage[30] » :

Les soleils couchants

Revêtent les champs

Le mot « mélancolie », apparenté au soleil par sa rime – on l'a vu – lui est lié encore par le souvenir de la gravure de Drer (si chère à Verlaine qu'il rassemble huit des Poèmes saturniens sous le titre « Melancholia »). Déjà Gérard de Nerval, dans le poème « El desdichado » des Chimères (publiées en 1854) y faisait allusion, attribuant le noir de la bile à l'astre du jour :

… et mon luth constellé

Porte le soleil noir de la Mélancolie [31].

 

La citation nous ramène à l'adjectif « ver m eils ». À la lecture, il évoque sans doute les rougeurs dorées du soleil à son déclin. Mais vu sous un autre angle, il apparaît comme une construction très représentative de la composition générale du poème. Il contient les deux groupes de lettres qui structurent ce dernier, autour de leur renversement. Par ses lettres et ses phonèmes, il est né de la rencontre des mots « soleil » et « verse » (ou « revêtent »). Il vient aussi, plus largement, de la rencontre des mots « soleil » et « mélancolie »[32].

D'autres poèmes du recueil présentent des jeux formels du même type (avec une semblable approximation). « Soleils couchants » porte le nI d'une suite de sept poèmes regroupés sous le titre de « Paysages tristes ». Par exemple, dans la pièce III [33], « Promenade sentimentale », poème en décasyllabes, on lit en enjambement aux vers 7 et 8 : « un grand / Fantôme laiteux » (lai en 4ème syllabe). Or plus haut dans le poème le mot plaie (« promenant ma plaie », v. 5) rime avec saulaie (« parmi la saulaie » v. 6). Le vers 6 commence par « Au long de l'étang », où le dernier mot occupe une place parallèle à celle de « laiteux », avec une approximation phonique. En outre, aux vers 9 et 10, « ailes » rime avec « sarcelles » (inversion graphique et phonique puis seulement phonique). « Parmi la saulaie » (répété au v. 11) et « Promenant ma plaie » (répété au v. 12) riment en 5ème syllabe avec « rappelaient » (v. 10). D'un bout à l'autre du poème, on remarque des effets de décalage et d'inversion qui rappellent ceux de « Soleils couchants ».

Durant la période de composition des Poèmes saturniens, Verlaine affirme, en vers et en prose, son refus d'une poésie écrite sous la dictée de la Muse et du sentiment. Dans un long article sur Baudelaire, paru en 1865[34], il reprend les termes de la préface aux Nouvelles histoires extraordinaires, « Notes nouvelles sur Edgar Poe »[35] , où Baudelaire affirmait déjà en substance ce qu'il exprimerait plus tard de manière lapidaire dans Le peintre de la vie moderne[36]  : « Tout ce qui est beau et noble est le fruit de la raison et du calcul ». Verlaine analyse avec enthousiasme le poème « Les petites vieilles ». Il montre combien les premières strophes sont attendrissantes. Et il cite avec jubilation la soudaine froideur de « Avez-vous observé etc… » (souligné par Verlaine) et de « à moins que méditant sur la géométrie, etc. », pour déclarer l'auteur « superbe d'impertinence flegmatique[37] ». « J'entends d'ici les passionnistes, » conclut-il, « ces perpétuels désappointés : Maudit soit l'insolent artiste qui nous gâte ainsi notre plaisir, raille les larmes qu'il nous arrache et piétine notre émotion, qui est son ouvrage!' Et les voilà tout écumants. (Deuxième recette : Irriter les passionnistes, en bon français les naïfs, n'est-ce pas au moins tout un côté de l'art ?) Et les inspirés! je n'ose penser à ce qu'ils pensent[38]. »  Ce réveil « cruel » infligé ici au lecteur lui semble sublime, et rappelle que les vers les plus touchants, ceux qui « vous remuent jusqu'au cœur », possèdent une « savante structure[39] . »

Même plaidoyer dans la dernière pièce des Poèmes saturniens, « Épilogue », pour le Labeur contre l'Inspiration : « Ce qu'il nous faut à nous, les Suprêmes Poëtes / Qui vénérons les Dieux et qui n'y croyons pas, / (...) / nous qui ciselons les mots comme des coupes / Et qui faisons des vers émus très froidement, / (...) / Ce qu'il nous faut, à nous, c'est, aux lueurs des lampes, / La science conquise et le sommeil dompté, / […] / Ce qu'il nous faut à nous, c'est l'étude sans trêve, / C'est l'effort inouï, le combat nonpareil[40]… »

Le choix d'« Une aube » pour commencer le premier vers d'un poème dont le titre annonce le crépuscule du soir m'apparaît comme une « superbe impertinence flegmatique ».

Jany Berretti



[1] Mallarmé, Œuvres complètes I, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal, Bibliothèque de la Pléiade, 1998, p. 39.

Verlaine ? Il est caché parmi l'herbe, Verlaine

 

À ne surprendre que naïvement d'accord

La lèvre sans y boire ou tarir son haleine

Un peu profond ruisseau calomnié la mort.

[2] Verlaine, Œuvres poétiques complètes, texte établi et annoté par Y. G. Le Dantec, édition révisée complétée et présentée par Jacques Borel, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1977, p. 1074.

[3] Mallarmé, Œuvres complètes II, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal, Bibliothèque de la Pléiade, 2003, p. 772.

[4] Verlaine est plus jeune que Mallarmé de deux ans.

[5] Verlaine emploie le mot pour désigner Poèmes saturniens, Fêtes galantes, La Bonne chanson, Romances sans paroles (O. P. C. p. 1074)

[6] Pièce V des « Paysages tristes », dans les Poèmes saturniens, Verlaine O. P. C. p. 72

[7] Mallarmé, O. C. I p. 7 (c'est moi qui souligne).

[8] Les signes entre crochets sont empruntés à l'alphabet phonétique international.

[9] Mallarmé, O. C. I p. 10

[10] Le dictionnaire de Gaffiot donne au latin « singultus » la première acception de « hoquet », puis précise qu'il désigne le hoquet d'une personne qui pleure, et même le gargouillement de l'eau.

[11] Verlaine, O. P. C. p. 107

[12] Mallarmé, O. C. I, p. 31

[13] J'ai accentué diversement [s], [z], [f], [v], [], []. L'organisation est plus complexe que je ne peux ici le montrer : d'autres réseaux se mêlent à celui que je mets en évidence (quant aux consonnes : le [d], le [b] et surtout le [t] ici, et le retour des interrogatifs).

[14] O. P. C., p. 61

[15] O. P. C., p. 63

[16] O. P. C., p. 93

[17] Pièce VIII des « Ariettes oubliées », dans Romances sans paroles, O. P. C., p. 195-196.

[18] O. P. C., p. 208

[19] La critique savante – biographique – a découvert que « Il bacio » était aussi le titre d'une valse connue en ce temps-là.

[20] O. P. C., p. 82

[21] O. P. C., p. 80

[22] On peut se demander si la valeur de l'adjectif rouge n'a pas contribué à la représentation aujourd'hui du  bouge, qui désignait à l'origine une chambre pauvre.

[23] O. P. C., p. 201

[24] On le verra en particulier dans Illuminations. Par exemple « Promontoire » est fondé sur l'homonymie entre la préposition « de » (« du », « des ») et les articles indéfinis, et sur la répétition de ces mots « de ».

[25] O. P. C., p. 197 (« Paysages belges »)

[26] Verlaine O. P. C., p. 69.

[27] Verlaine, à la fin de 1866, envoie son recueil à Mallarmé, qui le transmet à Lefébure. Ce dernier n'est pas enthousiasmé (à l'inverse de Mallarmé) : le jeune poète « n'en est encore qu'au vers descriptif » (cité dans Mallarmé Correspondance, recueillie, classée et annotée par Henri Mondor, Gallimard NRF, tome I, 1959, note à la lettre CXX p. 236).

[28] Au même moment à peu près où Verlaine composait les Poèmes saturniens, Mallarmé écrivait un premier état de l'Ouverture d'Hérodiade (Mallarmé, Œuvres complètes, I, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal, « Bibliothèque de la Pléiade », 1998, p. 135) :

             Une Aurore a, plumage héraldique, choisi

La cinéraire tour et sacrificatrice,

Seigneurial écrin du nénuphar, caprice

Inutile d'Aurore et de plumage noir…

Le procédé n'aboutissait-il pas déjà à inciter le lecteur, au moins quelque peu, à « [perdre] le sens des paroles les plus familières » ? (Mallarmé à François Coppée, lettre du 20 avril 1868, Mallarmé Correspondance, recueillie, classée et annotée par Henri Mondor, Gallimard NRF, tome I, 1959, p. 270).

[29] Je note en italique les graphies. Les phonèmes – je le rappelle – sont indiqués entre crochets, selon l'alphabet phonétique international.

[30] Pièce LIII des Fleurs du mal, Baudelaire, Œuvres complètes, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, Bibliothèque de la Pléiade, 1980, p. 54

[31] Nerval, Les Filles du feu. Les Chimères, GF 1965, p. 239. Très curieusement, au début d'Aurélia, le narrateur rapporte un rêve, dans lequel il voyait voltiger puis tomber un être « vêtu d'une robe longue à plis antiques », qui « ressemblait à l'Ange de la Mélancolie d'Albrecht Drer », « il était coloré de teintes vermeilles, et ses ailes brillaient de mille reflets changeants. » (Nerval Aurélia, GF, 1972, p. 134)

[32] On peut noter aussi le goût du poète pour des groupements phoniques et graphiques rappelant le nom de Verlaine.

[33] Verlaine, O. P. C., p. 70

[34] Suite d'articles parus dans L'Art en novembre et décembre 1865, Verlaine Œuvres en prose complètes, texte établi et annoté par Jacques Borel, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 599-612

[35] Préface (1857) que Baudelaire a composée comme une mosaïque de passages traduits des textes théoriques de Poe. Elle est très différente de la préface des Histoires extraordinaires (parue en 1856, mais recopiée sur des écrits anciens, et inspirée par le mythe dun Poe échevelé, écrivant sous la dictée de l'alcool). Elle transmet cette fois la leon de Poe, celle de ses essais si importante pour les poètes français de la fin du XIXe siècle.

[36] Paru en 1863, Baudelaire, Œuvres complètes, tome II, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, Bibliothèque de la Pléiade,1976 p. 715 pour la citation.

[37] Verlaine, Œuvres en prose complètes, p. 610.

[38] Ibid., p. 610 encore.

[39] Ibid., p. 608. La « première recette » était : « La poésie ne consisterait-elle point, par hasard, à ne jamais être dupe et à parfois le paraître ? » (p. 608).

[40] O. P. C., p. 95

RETOUR : Ressources communes