Henri Droguet : Chants à côté Henri Droguet est né à Cherbourg en 1944. Il vit à Saint-Malo où il a enseigné les lettres de 1972 à 2004. Il a publié des recueils de poèmes aux éditions Gallimard (Le Contre-dit, Le Passé décomposé, Noir sur blanc, La Main au feu, 48°39'N-2°014W (et autres lieux), Avis de passage, Off) et Champ-Vallon (Ventôses), un ouvrage en prose intitulé Albert & Cie, histoire, aux éditions Apogée, et, en collaboration avec des plasticiens (Thierry Le Saëc, Éric Brault, Dominique Penloup, Pierre Alechinsky), quelques ouvrages d'artiste. Mis en ligne le 20 janvier 2008. Voir, sur ce site, Comment j'ai écrit certains de mes poèmes (essai), par Henri Droguet. © : Henri Droguet CHANTS À CÔTÉPour tout vous dire (ou presque)Voilà. J'habite par 49°39' de latitude Nord et 2°01' de longitude Ouest. J'y prends le vent (secteur dominant nord-quart-nord-ouest) dans tous les sens ; j'y prends la mer (quelquefois) ; je prends mon temps ; des mots me surprennent. Je n'écris pas de poésie figurative. C'est Pierre Soulages qui a dit : « Je ne représente pas, je présente. » Eh bien voilà, je ne figure pas, je défigure et c'est du tohu-bohu élémentaire et verbal que je mets en espace, en musique, en crise, en désordre, que je bricole avec ma caisse à outils rhétoriques et intertextuels. Je connais la manÏuvre mais je me soucie peu d'acrobaties, d'installations, de dispositifs, de performances formalistes post-modernes ou post-post-modernes… Je règle des comptes avec d'obsolètes soudards et dieux à ferrailles, toges ou barbes, avec moi-moi-moi (par hygiène). J'ajoute des paquets d'oiseaux et de mer, un ébouriffé foutoir botanique, du bleu, beaucoup de bleu. Il y a dans certains coins, dans les ombres de cet état de choses (pourquoi ne pas le dire ?), le formidablement discret sourire, le désordre limpide et déchirant de Dieu. Ce sont les viscères ou l'écume du monde et de la réalité dans leur tout, leur moins que tout, leur presque plus que tout. Il n'y a qu'un piéton anonyme, une figure nomade et bancroche en marche dans les nuits dévorées/dévorantes, sous les mansardes hirsutes chevelues des cieux en bataille ; la mer bossue s'affuble et se démène ; une étoile fume ; les pluies picotent un lièvre, des schistes, un deltaplane ; la forêt sent le bétail bleu et le poumon froid. Le passant pisse aux lisières, il bée dans la rature des choses ; les vents bourrus effacent ses traces provisoires ; éberlué il dégoise et dégobille ses rengaines, ses palimpsestes, ses psaumes sans trémolos lacrymogènes ou pathétiques (il ne regarde pas lyriquement son nombril) ; il court plus loin, il baguenaude, il passe outre, droit devant, droit devant… Tout ça s'écrit à la va comme je te pousse, et c'est l'aubaine et c'est l'absence. Il y a, heureusement, ce que j'oublie et ce que j'ignore. Cherchez bien, ça vous trouvera. |