Maxime Durisotti : Sonnets pour un arbre. Maxime Durisotti est titulaire d'un Master 2 de littérature comparée. Il va passer l'agrégation de lettres modernes l'an prochain, et ses recherches se portent sur la poésie moderne et contemporaine (Baudelaire, Mallarmé, Bonnefoy), ainsi que sur quelques auteurs de langue anglaise (Keats, Yeats, Wordsworth) et sur les problèmes de traduction de la poésie (Benjamin, Berman, Bonnefoy). Il travaille en ce moment à une traduction du livre I du Prélude de Wordsworth. Maxime Durisotti tient un blog soigné de littérature, poésie, critique : à sauts et à gambades. Mis en ligne le 9 mars 2009. Sonnets pour un arbreI LES ARBRES Colloque léger d'air et de feux ;
sommeil Traversé de lumière dans le
secret De vos branchages mêlés. –
Oui, C'est ainsi que vous explorez le
temps. Ou bien c'est une ronde parfois : Haute, lointaine, et tristement
je rêve De partager votre intelligence…
Quelle aube, Quelle illusion célébrez-vous, ô
lucides danseurs ? – Et qui, autant que vous,
peut recueillir La parole des morts quand, lune
brisée, Elle se répand dans vos
feuillages ? Et ce fleuve s'accroît : «
Sauras-tu, dit-il, Si dignement soutenir le cortège
? – Désire, Et laisse-moi grandir à contresens. » II UN ARBRE Être est un geste simple pour toi
; Que suis-je que désordre, fébrile
feu, Ou crispation sauvage au prix de
ce Sensuel dénouement – de ce
miel Sur la hanche du temps étiré,
détendu. Cœur, croisière, crue… les mots S'entre-dévorent, qui enflamment Ce rameau de mémoire, ton nom. – Ange d'adoration, sur
chaque maille De l'air tu vis penché, et chaque
cri Grandit en fleur entre tes mains. Et comme toi par le soleil mon
crâne Sera-t-il fendu ? laissant briller dans Le feuillage les plus simples
symboles. III UN ARBRE Vaste sourire étalé dans le
feuillage ; Fidèle l'arbre à la dictée du
temps, qui dit D'un même mot la flaque claire
après la pluie Et l'eau instable des rêves,
l'eau profonde ; De l'ordre la face feint de
s'assembler En ces cryptes aériennes, sur ces
dalles solaires : Musique ! Illusion et mémoire
mêlées ! Je voudrais m'agenouiller contre
le ciel et boire. Mais point de marches dérobées. –
Gravir Est une patiente dispersion dans
la lumière, Une leçon sévère à prendre dans
son vin D'égarement, d'oubli et de refus… Et quelles mains écartelées,
brûlées d'accueillir, Faut-il au terrestre rite si haut
célébré ? IV PAROLE DE L'ARBRE Dis-moi, archer au poitrail d'or,
– ta cervelle Roule bien des murmures de
sagesse, Et ton souffle est si calme,
là-haut – Raconte-moi ta solitude, ta
légende : « Non point emblème ou chiffre
mais Le chevalier, jouissant calme
dans l'air frais ; Et l'azur est ma sœur, que,
nageur amoureux, Semis croissant d'étoiles, je
traverse, j'explore. J'émerge de bien des combats,
mémoire Des sombres appétits, des sexes
tendus ; Tu peux rêver de cartes, de
filons, de routes – Mais t'échoueras cent fois contre
ma paix : Mon visage c'est une palme pure…
et je ris, Moi ton image inverse dans l'eau
d'éternité. » V ADIEU[1] Mais il faut, je le sais, que je
meure. Oh ! laisse-moi
rêver à ma métamorphose, Et grandis, dans cette autre
lumière, Sur ta rive de brume, lointaine,
incandescente. Un bras de ce feu se détache,
s'envole, Qu'attise le souffle recueilli du
temps : Un chant se fait là-bas… mon âme
frappe, Frappe des mains plus fort encore… Je le sais qui m'invente, déjà
dans l'avenir, Défait mon désespoir et ma
pauvreté, Et lave enfin le front noirci des
morts Que l'obsession ne lâche pas. – Que je ne cesse pas de me
débattre, de lutter, Car c'est d'épuisement que je
dois mourir. Maxime Durisotti [1] Poème que je considère comme l'ombre portée, en moi, de « Sailing to Byzantium ». Poème chargé de la mémoire de Yeats. |