L'eau coule, le ciel est clair. Nos chansons aux vents semées, Se croisent comme dans l'air Les flèches de deux armées.
La Fin de Satan : II, Jésus-Christ, II : « Le Cantique de Bethphagé ».
À travers les champs de Judée, garçon et fille, ils marchent l'un vers l'autre en chantant.
Comme les choses sont simples dans Hugo ! Vieille règle : au lieu de s'élider, l'e muet se laisse entraver par une ou deux consonnes. Et voilà qu'on l'entend. S'appuyant sur ces consonnes qui le forcent à se dire, il fait marcher dans un ruisseau, de pierre en pierre, souplement : ainsi se phrase la pensée lyrique. Car il y en a quatre comme ça ici : « coule le », « croisent comme dans », « flèches de ». (Mais prière de garder l'accent du mot à sa place, sur l'avant-dernière syllabe ! Cet e muet s'entend comme la première syllabe du mot qui le suit.) Rien que de très classique. C'est le métier, et de saisir l'inflexion que l'amour imprime à la voix intérieure. Encore ne dira-t-on rien ici de certaine liaison (« chansons aux »), ni du petit vers épique de 7 syllabes, ni de la métaphore, qui pourtant
Suffit pour aujourd'hui.
Pierre Campion
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