Le salon voisin, dont les meubles étaient cachés par des housses de toile écrue, n'avait rien de remarquable qu'un buste en marbre de Henri V posé sur la cheminée. En avant de ce buste une statuette de M. de Chateaubriand en pied. Des deux côtés d'une fenêtre Mme de Berri et son fils enfant, en plâtre. M. de Chateaubriand ne disait rien de la République, sinon : Cela vous fera-t-il plus heureux ? Choses vues : Le temps présent III, 1848. Chateaubriand est mort le 4 juillet 1848. Quittant l'Assemblée nationale « où l'on nommait un questeur en remplacement du général Négrier tué dans les journées de Juin », Victor Hugo fait une visite. Sortant de la chambre mortuaire, il traverse un salon. Les choses parlent, il suffit de les voir, dans leur moment, et de paraître s'effacer devant elles. A-t-on recouvert les meubles depuis sa mort, ou bien déjà ne venait-il plus dans cette pièce ? On n'y voit plus que les signes de sa fidélité. Entre la cheminée et une fenêtre, deux fois l'héritier légitime : en majesté et comme l'enfant de sa mère, dans le marbre de l'éternité et en plâtre, en roi de France et en duc de Bordeaux. Tout cela modeste et emphatique. Lui et moi, moi et eux : en souvenir de l'ambassade faite en 1833 aux exilés de Prague au nom de la duchesse emprisonnée, plutôt qu'en vertu du sacre de Reims. (Quelque dix ans avant cette équipée, certain « enfant sublime » célébrait dans ses Odes la naissance du duc de Bordeaux, puis le sacre de Charles X.)
Ces dessus de cheminée, pendant que la République de Février panse ses plaies de Juin… Pierre Campion |