AU PEUPLE Il te ressemble ; il est terrible et pacifique. Il est sous l'infini le niveau magnifique ; Il a le mouvement, il a l'immensité. Apaisé d'un rayon et d'un souffle agité, Tantôt c'est l'harmonie et tantôt le cri rauque. Les monstres sont à l'aise en sa profondeur glauque ; La trombe y germe ; il a des gouffres inconnus D'où ceux qui l'ont bravé ne sont pas revenus ; Sur son énormité le colosse chavire ; Comme toi le despote il brise le navire ; [ ] O peuple ; seulement, lui, ne trompe jamais, Quand, l'il fixe, et debout sur sa grève sacrée, Et pensif, on attend l'heure de sa marée. Les Châtiments : VI, IX : « Au peuple » Bizarre Une métaphore des plus classiques en ses deux termes, mais si curieusement orientée. Pour une fois, la comparaison marche du peuple à locéan, l'océan tirant du peuple tous les traits qui pourtant devaient le décrire, lui l'océan, directement : ce rapport des choses à linfini, qu'il rend visible sous la ligne dhorizon ; le genre de son mouvement ; ses enfers monstrueux ; ses humeurs, ses violences et ses calmes, et sa versatilité
Car, de sa grève d'exil, le poète attend vainement le soulèvement en France de cette mer humaine : il ne pense plus le flot qu'à travers ce silence. Pierre Campion |