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MICRO-ÉTUDES DANS HUGO

Au fond de l'hiver

En hiver la terre pleure ;

Le soleil froid, pâle et doux,

Vient tard et part de bonne heure,

Ennuyé du rendez-vous.

 

Leurs idylles sont moroses.

— Soleil ! Aimons ! — Essayons.

O terre, où donc sont tes roses ?

— Astre, où donc sont tes rayons ?

Il prend un prétexte, grêle,

Vent, nuage noir ou blanc,

Et dit : — C'est la nuit, ma belle ! —

Et la fait en s'en allant ;

 

Comme un amant qui retire

Chaque jour son cœur du nœud,

Et, ne sachant plus que dire,

S'en va le plus tôt qu'il peut.

14 janvier 1855.

Les Quatre vents de l'esprit : III Le Livre lyrique, xxviii


Cette image, si étrange et si juste. Comment dérouler plus exactement la chronique désastreuse de ces quelques jours que nous appelons le fond de l'hiver ? Quand le désir a quitté les choses, quand l'aigreur et la mauvaise foi sont la loi du monde.

Ce coup d'œil sur le moment de la journée, sur les incidents atmosphériques qui troublent les constantes cosmologiques. « Dirait-on qu'on est à la mi-janvier ! »

Mais justement : comment un observateur aussi sensible paraît-il ne pas voir qu'en ce 14 janvier, fût-ce dans la grêle et la pluie, les amours de la terre et du soleil sont déjà renouées ? C'est les jours où le soleil s'en va moins tôt, où l'on ne peut plus douter que juin ne revienne, avec toutes ses roses.
Serait-ce qu'il n'est pas d'instant plus délicieux à noter que celui où le désir, en pleine déréliction, fait signe à peine qu'il était déjà reparti, depuis au moins quinze jours ? Mais ni le soleil ni la terre ne se l'avouent encore.

Hugo visionnaire, ou comment saisir les moments des saisons par ce qu'il sait le mieux : les intermittences des corps.

Pierre Campion

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