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Cours sur le thème « L'animal et l'homme ».

Mis en ligne le 29 septembre 2004.

© : Christine Février.

Ce texte est le plan d'un cours de Philosophie fait en classes préparatoires au Lycée Chateaubriand de Rennes. Il peut faire l'objet seulement d'un usage personnel.

Christine Février est professeur de Philosophie en Classes Préparatoires Économiques et Commerciales et en Classes Préparatoires Scientifiques au Lycée Chateaubriand de Rennes.


 

Prépas scientifiques 2004-2005

Épreuve de français et de philosophie

 

« L'animal et l'homme »

 

 

Fables de La Fontaine, édition Le Livre de Poche (nº 1198)

Traité des animaux de Condillac, édition Vrin (présenté et annoté par M. Malherbe)

La Métamorphose de Kafka, édition Garnier Flammarion, coll. GF, traduction de B. Lortholary

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Plan du cours de Mme Ch. Février - Lycée Chateaubriand à Rennes

 

Ce cours combinera l'étude des questions posées par le thème « L'animal et l'homme » et l'approche plus spécifique que chacune de nos œuvres en propose.

 

 

 

 

Introduction

 

De l'analyse des termes « animal », « homme », et de leurs rapports (« et ») d'une part, d'une présentation des trois œuvres d'autre part, nous dégagerons les problématiques induites par le thème « L'animal et l'homme »

 

 

I - Le sens et les enjeux d'une réflexion intitulée « L'animal et l'homme »

 

1-    1. Quelques variations autour d'autres intitulés possibles afin de cerner la spécificité de celui-ci

 

1.1 - Au préalable, les définitions « animal », « homme », « animalité », « humanité ».

1.2 - « L'animal et l'homme » et non « l'animal ».

1.3 -  « L'animal et l'homme » et non « les animaux et les hommes ».

1.4 -  « L'animal et l'homme » et non « les plantes et l'homme ».

1.5 -  « L'animal et l'homme » et non « l'humain et le divin».

1.6 -  « L'animal et l'homme » et non « l'homme et l'animal ».

 

 

1-    2. Le thème « l'animal et l'homme » engage la question des rapports que l'homme entretient avec l'animal.

 

2.1 -  Ces rapports font l'objet de spéculations philosophiques et d'études scientifiques : différence de nature ? différence de degré ? continuité ? discontinuité ? dualisme ou pas ?

2.2 -  Ces rapports se manifestent dans des relations de prédation, de sacrifice, mais aussi d'alliance et de compagnonnage.

 

2.3 -  Ces rapports sont l'occasion de projections et de fantasmes, de répertoire de modèles ou d'inventaire de repoussoirs.

 

2.4  Animalité et humanité sont des catégories logiquement distinctes, mais on observe toute une série de décloisonnements quand il s'agit de les appliquer aux hommes et aux animaux.

 

2.5  Réfléchir sur les rapports que l'homme entretient avec l'animal, c'est aussi examiner les conséquences du fait de rapprocher ou séparer radicalement l'homme et l'animal.

 

 

1-    3. Récapitulons les concepts dont on aura besoin pour penser les relations entre l'animal et l'homme.

 

3.1  Des concepts logiques qui servent à penser la mise en relation.

 

3.2 -  Des concepts qui définissent les diverses modalités de cette mise en relation.

 

 

II - Les questions sur le thème « l'animal et l'homme » abordées dans chacune des trois œuvres du programme

 

1-    La Fontaine, dans ses Fables et tout particulièrement dans le second recueil métamorphose la fable d'ésope en poeme ; ce qui sert au mieux sa quadruple mise en œuvre du thème « l'animal et l'homme »

 

1.1- Conformément au genre de la fable, l'animal sert à peindre et instruire l'homme : l'allégorie animalière.

1.1.1-     « il faut travailler à rendre les habitudes bonnes… Or quelle méthode y peut contribuer plus utilement que les fables ?» » (Fables, préface p. 40).

1.1.2- « Les fables seraient à lire comme un recueil d'étude de cas servant de base à des prescriptions relatives aux comportements des hommes» (F. Nepute-Desmarres La Fontaine-Fables).

1.1.3-    Et La Fontaine en décidant de les « mettre en vers » et de leur insuffler « l'âme du conte » (préface p 37), procure aux fables la gaieté, cette sagesse suprême qui fait de « tout homme un fabuliste et un roi ».

1.1.4-    Le renouvellement du second recueil (« j'ai jugé à propos de donner à la plupart un tour un peu différent »VII, avertissement) ne signifie pas l'abandon des préoccupations éthiques du premier recueil.

 

1.2- Dans le Discours à Madame de La Sablière (IX), La Fontaine prend position sur la question de l'âme des bêtes et de la différence entre l'homme et l'animal.

1.2.1-    « J'attribuerais à l'animal…beaucoup plus […] qu'un simple ressort » ( Les Deux Rats, le Renard et l'Œuf, IX, v.26-28)

1.2.2-    « Nous aurions un double trésor, l'une cette âme pareille en tous […] encore une autre âme entre nous et les anges commune ». » (Les Deux Rats, le Renard et l'Œuf, IX, v.42-47).

1.2.3-    La bête ici a quitté son statut d'image de l'homme pour atteindre celui d'un être à part entière, décrit dans sa vérité zoologique.

 

1.3- La Fontaine se fait le porte-parole d'un réquisitoire des animaux contre l'ingratitude et la cruauté des hommes à leur égard.

1.3.1- « le symbole des ingrats ce n'est pas le Serpent, c'est l'Homme » (L'Homme et la Couleuvre, X, 1, v 25-26).

1.3.2- Ce réquisitoire est d'autant plus vibrant que « dans le second recueil des Fables l'animal acquiert plus d'autonomie dans un souci… d'une évocation plus vraisemblable » (Patrick Dandrey, La Fabrique des Fables).

 

1.4- Le fabuliste devenu poète veut faire entendre toutes les voix du monde : « Tout parle dans l'univers, il n'est rien qui n'ait son langage » ( Épilogue, XI).

 

2-    Le Traité des animaux est un ouvrage philosophique qui réfutant les fondements cartésiens de l'Histoire naturelle de Buffon conteste toute différence ontologique entre l'animal et l'homme ; mais montre aussi qu'en matière de langage, liberté, progrès, morale, religion, l'homme constitue une singularité et une supériorité dans le monde animal.

 

2.1- Le Traité des animaux, cherchant à déterminer la spécificité de l'homme et se fondant sur une méthode connaissance empiriste, affirme que « les bêtes ne sont pas de purs automates » (I, 1, p. 113)

2.1.1- « Il serait peu curieux de savoir ce que sont les bêtes si ce n'était un moyen de connaître mieux ce que nous sommes » (Préface, p. 111)

2.1.2- « C'est aux philosophes qui observent scrupuleusement qu'il appartient uniquement de généraliser […] ceux que je blâme bâtissent d'une seule idée générale les plus beaux systèmes » (I, 1, p. 114-115)

2.1.3- Condillac « après avoir fait des observations critiques sur le sentiment de Descartes et sur celui de M. de Buffon » (sous-titre) affirme que « les bêtes […] sentent comme nous » (I, 2, p. 116.)

 

2.2- Condillac pour être continuiste n'en soutient pas moins le principe d'une rupture entre l'homme et les bêtes.

2.2.1- « Les lois [de la génération des facultés] sont les mêmes pour toutes les espèces » (conclusion de la seconde partie, p. 199)

2.2.2- « Mais les bêtes ont infiniment moins d'invention que nous…ce n'est pas qu'elles manquent d'intelligence, c'est que leur intelligence est plus bornée » (II, 2, p 154)

2.2.3- « L'homme [a] seul le don de la parole » (II, 4, p. 161), la connaissance de Dieu et des principes moraux

2.2.4- Grâce à l'imitation et aux passions «l'homme accumule connaissance sur connaissance. Seul capable de discerner le vrai, de sentir le beau, il crée les arts et les sciences. » (II, conclusion, p. 200).

2.2.5- « Les circonstances commandent aux bêtes, l'homme au contraire […] se conduit lui-même […] il est libre » (II, 10 p. 199.

2.2.6- « Concluons que, quoique l'âme des bêtes soit simple comme l'âme des hommes et qu'à cet égard il n'y ait aucune différence, les facultés que nous avons en partage et la fin à laquelle Dieu nous destine démontrent que […] notre âme n'est pas de la même nature que celle des bêtes » (II, 7, p. 182.)

2.2.7- Par conséquent les bêtes ne peuvent prétendre au statut de personne morale : « Incapables de mérite et de démérite, elles n'ont aucun droit sur la justice divine » (II, 7 p. 182), ni humaine.

2.2.8- Dire que « l'homme est à tous égards supérieur aux bêtes » (II, 5, p. 168) n'est pas un parti pris idéologique mais pure rigueur philosophique.

 

 

3- Kafka expérimente, dans le laboratoire de sa nouvelle La Métamorphose, le devenir animal c'est-à-dire ce qui arrive quand l'humanité ne semble plus reconnaissable et que l'animalité figure l'altérité.

 

3.1- La Métamorphose n'est ni un documentaire animalier ni une allégorie animalière ; c'est une expérience de pensée sur une possibilité humaine représentée par un devenir animal : l'altération et l'altérité

 

3.2- Kafka décrit comment se manifeste la métamorphose de Gregor en « monstrueux insecte » p. 23.

3.2.1- Les transformations d'une conscience et d'une sensibilité humaines au contact d'un corps animal : perte d'humanité/part d'humanité 

3.2.2-Le devenir animal, en étant pour Gregor à la fois un salut et une déchéance, cristallise des tensions morales bien humaines-

 

3.3- Le devenir animal fait bien ressortir les conditions et les conséquences de l'affiliation ou pas à l'humanité

3.3.1- « Comme on ne le comprenait pas, personne ne pensait qu'il pouvait comprendre les autres » p. 53 ; « à l'évidence des êtres humains ne sauraient vivre en compagnie d'une telle bête » p. 89

3.3.2-« Gregor […] ne songeait pas le moins du monde à quitter sa famille » p. 33 ; « il se sentait inclus dans le cercle de ses semblables » p. 37.

 

 

4-    on peut énumérer des points communs entre les trois œuvres (ou entre deux d'entre elles) dans leur manière d'aborder le thème.

 

4.1- Nos trois œuvres veulent parler de l'homme et à l'homme, l'animal n'est qu'un instrument méthodologique.

 

4.2- Aucune de nos trois œuvres n'est un documentaire animalier, un manuel de zoologie ou d'éthologie.

 

4.3- Nos trois œuvres, chacune à sa manière, refusent la thèse cartésienne des animaux- machines.

 

4.4- Continuisme et discontinuisme alternent dans les Fables comme dans le Traité des animaux.

 

4.5- Dans nos trois œuvres, des frontières entre l'homme et l'animal sont bien marquées.

 

4.6- Les Fables et La Métamorphose déclinent quelques-unes des relations affectives possibles entre l'homme et l'animal

 

4.7- Nos trois auteurs n'hésitent pas, pour penser leur propre projet d'existence ou d'étude, à se référer à l'animal.

4.7.1- « Je m'avoue […] Papillon du Parnasse et semblable aux abeilles » La Fontaine à Mme de La Sablière (1685) v 66-67.

4.7.2- « Il me semble que le plus petit insecte peut bien remplir la tête d'un philosophe » Condillac Traité des animaux I Conclusion p. 144.

 

4.7.3- « Désemparé, je vais sautillant parmi les hommes […] je suis un oiseau dangereux, un choucas […] qui rêve de disparaître entre les pierres » Kafka Journal, 1910.

 

 

5- On peut énumérer des différences entre les trois œuvres (ou entre deux d'entre elles) dans leur manière d'aborder le thème.

 

5.1- La Métamorphose, à la différence des Fables ou du Traité des animaux, ne propose pas de réflexion sur l'intelligence animale.

 

5.2- Dans les Fables, un corps d'animal avec des pensées d'homme ne signifie pas la même chose que dans La Métamorphose.

 

5.3- Condillac réfléchit sur le processus par lequel on devient humain sur une base animale, Kafka construit une expérience de pensée sur ce qui se passe quand on devient animal sur une base humaine.

 

5.4- « Les animaux de Kafka ne renvoient jamais à des archétypes » (Deleuze, Kafka. Pour une littérature mineure),ceux de La Fontaine, si.

 

5.5- Kafka refuse rigoureusement qu'on illustre l'édition de La Métamorphose par un insecte, Les Fables de La Fontaine ont fait l'objet de nombreuses illustrations animalières de toutes sortes.

 

 

III-  des considérations développées précédemment on déduit les chapitres autour desquels est construit ce cours, et un certain nombre de sujets de dissertations possibles.

 

1-    Les quatre chapitres du cours

 

2-    quelques sujets de dissertations

 

 

IV-  Le corpus qui alimentera notre réflexion : Bibliographie

 

Sur le thème « L'animal et l'homme » :

Sur La Fontaine et Les Fables .

Sur Condillac et le Traité des animaux.

Sur Kafka et La Métamorphose .

 

 

V-  Dossiers joints sur chacune des œuvres et son auteur présentés indépendamment du thème

 

 

 

 

 

 

Chapitre I

 

L'animalité, une grille de lecture de la condition humaine

 

 

 

 

I-   Diverses modalités de l'intégration de l'animalité dans un système symbolique ordonné à l'humanité.

 

1-     L'agneau du Christ, le lion des blasons médiévaux, le coq gaulois, l'aigle de napoléon, le jaguar d'une célèbre marque de voitures… l'animal est l'une des figures les plus utilisées dans le symbolisme.

 

2-    Le plus ancien système qui associe de cette sorte animalité et humanité est le totémisme. : « c'est toi qui me fais vivre » (L'Horoscope VIII, 16 v 35)

 

3-    Les vies des saints, les sermons sont, jusqu'au XIXe siècle, foisonnants d'histoires attribuant à l'animal un comportement édifiant que le fidèle doit méditer et copier ou abandonner : l'usage religieux des bestiaires.

 

4-    Dans la littérature d'esprit fabuliste, l'animal fournit un miroir à l'homme : d'Esope à Orwell, en passant par le roman de renart et Marcel Aymé.

 

5-    On trouve dans des œuvres philosophiques des animaux, traités métaphoriquement, le plus souvent simples figures de concepts.

 

5.1- De Platon à Kant, en passant par Hobbes, Hume, Condillac…

 

5.2- Et plus particulièrement le bestiaire de Nietzsche.

 

6-    Du lion à l'éléphant, des abeilles aux serpents, du poulpe au porc… : on observe une certaine permanence dans ce qu'ils symbolisent, ceci n'exclut pas des évolutions, et même des retournements d'image.

 

 

II-            Et plus particulièrement les fables de La Fontaine visent à révéler à l'homme son vrai visage : « je me sers d'animaux pour instruire les hommes » (À Monseigneur Le Dauphin, v 6)

 

1-     L'allégorie animalière : ses modalités, ses présupposés, son efficacité, ses portées et limites.

 

1.1- Les divers procédés rhétoriques qui opèrent la transposition entre l'ordre animal et l'ordre humain : un complexe jeu de miroirs.

1.1.1- « L'allégorie consiste dans une proposition à double sens, à sens littéral et à sens spirituel tout ensemble » Fontanier Les Figures du discours

1.1.2- La syllepse de métaphore noue des relations entre bêtes et gens sous forme d'un univers parallèle : Les Animaux malades de la peste (VII,1) ; Les Deux Coqs (VII,12).

1.1.3- La syllepse de métonymie fait évoluer le parallèle en confusion, les deux univers s'interpénètrent : Le Héron - La Fille (VII,4).

1.1.4- La parole animale est un des ressorts essentiels de l'allégorie : « le Loup, en langue des Dieux, parle au Chien dans mes ouvrages » Le Dépositaire infidèle, (IX,1).

1.1.5- Le principe du parallèle peut céder à l'interférence : L'Ours et l'Amateur des jardins (VIII,10); Les Deux Perroquets, le Roi et son Fils (X,11).

1.1.6- Le principe d'interférence devient même osmose dans le cadre d'une métamorphose : La Souris métamorphosée en Fille (IX, 7).

 

 

1.2- Ce qui sous tend l'édifice intellectuel et esthétique des Fables est la conviction d'une continuité entre l'animal et l'homme.

1.2.1- « Les propriétés des animaux […] y sont exprimées, par conséquent les nôtres aussi, puisque nous sommes l'abrégé de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables » Fables, préface p  41.

1.2.2- « L'homme agit et il se comporte en mille occasions comme les animaux ; Discours à M. Le duc de La Rochefoucauld (X,14).

1.2.3- Les Fables de La Fontaine reposent donc sur les principes de la physiognomonie.

 

1.3- La fable animalière sert au mieux le projet d'instruire l'homme :

1.3.1- « « Lequel de ces deux exemples fera le plus d'impression sur cet enfant » Fables, préface p . 40.

1.3.2- « Le monde est vieux…cependant il le faut amuser encore comme un enfant » Le Pouvoir des fables (VIII,4).

 

1.4- Toutefois « la fable situe son allégorisme entre la justification naturaliste d'une parenté de comportement et […] le jeu poétique avec les conventions emblématiques » P. Dandrey La Fabrique des Fables.

 

 

2-    La valeur sémantique du bestiaire des fables : « les bêtes a qui mieux mieux y font divers personnages » (Le Dépositaire infidèle, IX, I, v 7-8)

 

2.1- La Fontaine reprend la codification symbolique classique, tout en s'en écartant parfois.

2.1.1- « Le chat est l'hypocrite de la religion, comme le renard est l'hypocrite de cour, l'ours est le seigneur rustre… » H.Taine La Fontaine et ses fables

2.1.2- Cependant La Fontaine ne conforte pas toujours le système symbolique classique.

 

2.2- On trouve dans le second recueil un renouvellement du bestiaire, un renforcement de l'observation, et la recherche de l'effet de naturel.

 

2.3- Même dans ce cadre, les animaux continuent d'être saisis en parallèle avec les hommes pour une meilleure évaluation de leur similitude et de leur distance.

 

 

3-    Les fables nous permettent de prendre connaissance de la nature humaine et d'en tirer des leçons : « cette fable contient plus d'un enseignement » (Le Rat et l'Huître, VIII,9, v 34):

 

3.1- « Ces fables sont un tableau où chacun de nous se trouve dépeint ». La Fontaine Fables, préface, p 41.

3.1.1- Les Fables offrent le spectacle des passions, des sottises, des faiblesses des hommes.

3.1.2- Le ton est incisif et désillusionné, plus méditatif que moralisateur, il s'agit moins de changer l'homme que de le rendre lucide.

 

3.2- On peut néanmoins esquisser les contours d'une certaine sagesse « ils demandèrent la sagesse : c'est un trésor qui n'embarrasse point ». Les Souhaits VII, 5 v 62.

3.2.1- La Fontaine prône un empirisme prudent : « tâchez quelquefois de répondre en Normand ». La Cour du Lion VII,6.

3.2.2- La Fontaine invite à une sorte de non-agir et de non-dire : « parler de loin ou bien se taire » L'Homme et la Couleuvre X, 1.

3.2.3- La poésie de La Fontaine est pénétrée de sagesse épicurienne : « j'inspirerai ici l'amour de la retraite » Le Songe d'un habitant du Moghol XI, 4.

3.2.4- La quête de sagesse coexiste avec une quête anti-métaphysique et anti-cartésienne de la connaissance.

 

4-    Et si, dans le second recueil, La Fontaine insiste sur le plaisir des songes et des mensonges, c'est pour offrir une leçon de vie encore plus essentielle, que les histoires d'animaux servent au mieux.

 

4.1- Associer, dans le cours captivant et allègre de la narration, la pure délectation poétique et la visée réflexive.

4.1.1- « Favorisez les jeux où mon esprit s'amuse » À Madame de Montespan, VII, v 14.

4.1.2- Et pour cela mêler l'esthétique du conte au genre de la fable.

4.1.3- La fable est un jeu, mais un jeu tellement essentiel : Le Pouvoir des fables, VIII, 4.

 

4.2- Par conséquent, se laisser charmer ne signifie pas oublier de s'instruire : « conter pour conter me semble peu d'affaire » Le Pâtre et le Lion VI, 1, v 6.

 

4.3- À côté des « semences de la vertu » que « l'ouvrage répand insensiblement » (À Mgr Le Dauphin, p. 35), l'esthétique de la gaieté est en elle-même une leçon de vie.

 

4.4- Toutefois, si les fables permettent de jouir du pouvoir de l'esprit, c'est grâce aux animaux qui y sont contés ; ils ne sont donc pas pour rien dans cette sagesse supérieure qu'elles offrent aux hommes.

 

 

 

 

 

 

Chapitre II

 

Différence de degré et/ou différence de nature entre l'homme et l'animal ?

 

 

 

 

I    On peut introduire le débat sur la coupure ontologique entre l'homme et l'animal par la polémique avec la position cartésienne dualiste que nos œuvres ménent directement (ou trés indirectement) quand il s'agit de penser les rapports entre le corps et l'esprit.

 

1-    « Nous sommes entièrement semblables aux bêtes par le corps et toute la différence qu'il y a entre nous et elles c'est que nous avons une âme et qu'elles n'en ont pas. »Malebranche, De la recherche de la vérité

 

1.1- « Je désire que vous considériez que ces fonctions [vitales des animaux] suivent tout naturellement, en cette machine, de la seule disposition de ses organes, ni plus ni moins que font les mouvements d'une horloge de celle de ses contrepoids et de ses roues. » Descartes Traité de l'homme

 

1.2- « Ainsi dans les animaux il n'y a ni intelligence ni âme […] ils mangent sans plaisir, crient sans douleur […] ils ne désirent rien, ne craignent rien. » Malebranche De la recherche de la vérité

 

1.3- Puisque l'âme et le corps sont de nature radicalement distincte, il en va de même pour l'homme et l'animal.

 

2-    La Fontaine oppose à descartes l'âme des bêtes, ce qui a des conséquences décisives sur le plan ontologique, épistémologique, anthropologique.

 

2.1- « Que ces castors ne soient qu'un corps vide d'esprit, jamais on ne pourra m'obliger à le croire » La Fontaine Discours à Mme de La Sablière IX.

 

2.2- Et si le corps n'est pas vide d'esprit, les sens et l'imagination on un pouvoir heuristique, à certaines conditions : Un Animal dans la Lune, VII, 17.

 

2.3- Cette réhabilitation de l'imagination est aussi une revalorisation de l'enfance et de la pédagogie. Cette dernière prend appui sur l'esprit d'enfance et le goût pour les histoires d'animaux.

 

2.4 Le refus d'une coupure ontologique entre l'homme et l'animal a trouvé son équivalent esthétique dans le refus d'une séparation entre le corps (récit) et l'âme (moralité) de la fable

 

 

3-    Condillac rédige le Traité des animaux pour montrer que la faculté de sentir est identique chez les animaux et chez les hommes. Il s'en suit que les bêtes ont une âme et que l'homme sent son âme dans et par son corps.

 

3.1- Les cartésiens ont tort de « borner [les bêtes] au pur mécanisme » (I, 1, p. 114). Le « je sens » est le fait primitif et minimal de la corporéité.

 

3.2- Attribuer aux bêtes une sensorialité différente de la nôtre, dans une tentative de concilier à toutes forces Descartes et la nature, est absurde.

 

3.3- Si les bêtes sentent, elles souffrent : « il [l'animal] est tout occupé des plaisirs qu'il recherche et des peines qu'il évite ». (II, 2, p. 152)

 

3.4- L'instinct est indissociable d'un savoir, donc de l'esprit.

 

3.5- « L'unité de la personne suppose l'unité de l'être sentant, elle suppose une seule substance simple , modifiée différemment à l'occasion des impressions qui se font dans les parties du corps ». (I , 2, p 119)

 

 

4-    On ne peut pas lire la Métamorphose comme une occasion sérieuse de méditer la question de l'âme des bêtes, mais le devenir-animal de Gregor n'est en rien un devenir-machine.

 

4.1- La mise en scène de cet être hybride ayant une conscience humaine dans un corps animal ne peut rien nous apprendre ni sur la nature de l'homme ni sur la nature de l'animal.

 

4.2- Mais la façon dont Kafka ne fait pas de Gregor — insecte — un pur automate suggère que sa croyance spontanée implicite sur le rapport entre le corps et l'esprit n'est pas cartésienne.

 

4.3- On peut rendre compte de la façon dont Gregor apprend à se servir de son corps animal à l'aide de la grille d'analyse anticartésienne proposée par Condillac (en II,1,2)

 

 

II   toutefois ce refus du dualisme n'EMPÊCHE PAS LA FONTAINE ET CONDILLAC DE DÉFENDRE, À LA FOIS ET SANS SE CONTREDIRE, UNE DIFFÉRENCE RELATIVE ET UNE DIFFÉRENCE ABSOLUE ENTRE L'ANIMAL ET L'HOMME.

 

 

1-    Les Fables, à leur manière, l'illustrent

 

1.1- Les hommes ont bien une âme commune avec les animaux mais ils en ont une autre qui leur est propre : la tonalité gassendiste des deux Rats, de Renard et l'Œuf (IX).

 

1.2- Certes, l'allégorie animalière ne peut fonctionner que sur le principe d'une ressemblance quasi terme à terme entre le monde animal et le monde humain, mais ce n'est qu'une fiction consentie.

 

1.3- La frontière est nette entre espèce animale et espèce humaine : « Tout bien débattu les âmes des souris et les âmes des belles sont très différentes entre elles » La Souris métamorphosée en Fille (IX, 7)

 

1.4- Chaque espèce a sa nature propre ; cela se traduit par une stabilité de comportement chez chaque espèce animale et une grande plasticité, propice à la perfectibilité, chez l'homme.

 

 

2-    Condillac, dans le Traité des animaux, le montre très clairement :

 

2.1- « L'âme des bêtes [est] simple comme celle de l'homme et […] à cet égard il n'y a aucune différence entre l'une et l'autre » II, 7 p. 182.

 

2.2- Il y a seulement une différence de degré « dans les bêtes l'entendement et la volonté ne comprennent que les opérations dont leur âme se fait une habitude, dans l'homme, ces facultés s'étendent… » II, 10 p. 198

 

2.3- La différence de degré peut être très importante : « les bêtes ont infiniment moins d'invention que nous » II, 2 p. 154.

 

2.4- Et du coup « la bête n'a pas dans sa nature de quoi devenir homme » II, 4 p. 162 : si la différence avec l'animal est relative du point de vue des opérations de l'esprit, elle est absolue en matière de langage, passion, morale, progrès, liberté, religion.

 

2.5- Condillac tient ensemble continuité et différence puisqu'il fait de la continuité le ressort de la différence. Il y a des propriétés qui ne sont à l'œuvre que chez l'homme, mais ce sont des propriétés émergentes sur des aptitudes animales.

 

3-    Ces thèses du Traité des animaux en matière de difference relative/ radicale entre l'homme et l'animal s'inscrivent dans un débat qui anime toute l'histoire de la philosophie

 

3.1- Quelques-uns, rares, récusent toute frontière infranchissable entre l'animal et l'homme et dénoncent l'orgueil mal placé de l'homme : Plutarque Trois traités sur les animaux ; Montaigne Essais

 

3.2- D'autres mettent en avant, selon les domaines, points communs, différences relatives et différences radicales entre l'animal et l'homme : Aristote Des parties des animaux ; Aristote Les Politiques

 

3.3- Les plus nombreux accentuent ce qui fait rupture entre l'homme et l'animal : les stoïciens, Descartes, Kant…

 

3.4- Quoi qu'il en soit, ce qui préoccupe presque tous les philosophes c'est de définir le propre de l'homme ; de multiples critères de distinction ont été proposés.

 

3.5- Merleau-Ponty considère qu'il faut évoquer les animaux, non l'animal, et penser la différence par l'originalité de chacun, non par le défaut vis-à-vis de l'homme.

 

 

 

 

III  Dans l'État actuel des connaisSances palÉontologiques et biologiques on peut parler d'une continuitÉ entre l'homme et l'animal et mÊme certains critÈres classiques d'humanitÉ sont remis en cause. toutefois la question du propre de l'homme reste posée et la notion de « propriété Émergente » semble Éclairante pour tenir, À la fois, la continuitÉ et la diconstinuitÉ entre l'animal et l'homme.

 

 

1- De la théorie de l'évolution à l'origine animale de l'homme : parenté par filiation entre l'homme et l'animal

 

1.1- Darwin : L'Origine des espèces (1859) / La Descendance de l'homme (1871).

 

1.2- Les humains appartiennent à la lignée des primates qui eux-mêmes ne sont que l'une des souches des mammifères.

 

 

2- La parente est confirmee par la genetique avec la decouverte de l'universalite du code genetique et la notion de continuum phylogenetique entre especes :

 

2.1- « La quasi totalité du matériel chromosomique est conservée entre l'homme, le singe, le lapin, l'écureuil, […] seule varie l'organisation de ces structures » Bernard Dutrillaux Qu'est-ce que la vie ?

 

2.2- Si le cerveau humain ne possède pas de structure nouvelle par rapport à celui des autres primates, le nombre de circonvolutions du cortex frontal est nettement supérieur.

 

3- Les paleontologues raisonnant en degre d'hominisation, evoquent une formation progressive et continue de l'homme par apprentissage graduel des facultes

 

4- Parler d'hominisation suppose de mobiliser des criteres d'humanite, mais l'ethologie contemporaine conteste que ces criteres soient aussi radicalement distinctifs qu'on l' a longtemps pretendu

 

4.1- La cognition (mémoire, apprentissage, résolution de problèmes…) ? certes, mais l'intelligence des animaux n'est plus à démontrer.

 

4.2- Le langage ? certes, mais certains animaux font preuve de véritables aptitudes linguistiques.

 

4.3- L'outil ? certes, mais ce n'est pas l'apanage exclusif de l'homme ; l'opposition nature-culture est-elle donc si pertinente ?

 

5- Pour autant l'etre humain possede plusieurs propriétés emergentes qui lui sont propres

 

5.1- « La méta-représentation ou représentation de second ordre » Dortier L'homme, cet étrange animal est une activité cognitive spécifique à l'homme.

 

5.2- « L'émergence de la structure symbolique au cours de l'évolution des psychismes constitue une discontinuité » J.P. Vidal « des machines, des animaux et des hommes » dans Si les lions pouvaient parler.

 

5.3- Donc dans le domaine du langage, de la technique, de la culture, mais aussi de la reconnaissance de soi, de l'esthétique, de l'éthique, de la politique… des différences radicales demeurent même avec les grands singes

 

5.4- Ces considérations apportent peut être un éclairage intéressant sur la perplexité que Vercors met en scène dans Les Animaux dénaturés quant à la facilité avec laquelle l'homme peut être contesté dans sa spécificité

 

 

6- Les precautions methodologiques à adopter necessairement dans l'etude des animaux font bien prendre la mesure de la pertinence d'une certaine discontinuite

 

6.1- Longtemps les observations et les expériences en éthologie ont moins révélé l'identité des animaux que les attentes des hommes : les chercheurs construisent l'animal qu'ils étudient.

 

6.1.1- Sans parler de la littérature grand public sur les animaux qui est caricaturalement anthropomorphique

6.1.2- « Hiérarchie », « altruisme », « agression » sont promus à tort au rang de catégories conceptuelles naturelles .

6.1.3- « Quel effet cela fait-il d'être une chauve-souris ? » Thomas Nagel.

 

 

6.2- Donc on ne sous-estimera pas la différence radicale entre monde humain et monde animal ; par exemple : « L'animal n'a pas d'objets » Buytendijk L'homme et l'animal

 

 

 

 

 

 

Chapitre III

 

Les catégories d'animalité et d'humanité sont logiquement distinctes, mais animalité et humanité ne sont pas des identités hermétiques et stables

 

 

 

 

 

I    Le devenir animal comme « déterritorialisation » (Deleuze, Kafka, Pour une littérature mineure) révélatrice d'une indÉcidabilité entre humanité et animalité.

 

    1- Grégor métamorphosé en « monstrueux insecte » (p. 23) est un être hybride entre deux mondes :« Il commença par penser que c'était la tristesse provoquée par l'état de sa chambre qui le dégoûtait de manger, mais justement il se fit trés vite aux modifications subies par la pièce ». p. 80.

 

    2- Il explore avec ambivalence les marges de son humanité qui sont à la fois un refuge et une prison (« captivité » p. 54), un soulagement et une punition.

 

2.1- « Alors Gregor ne serait plus responsable et pourrait être tranquille » p. 36 .

 

2.2- « Il n'avait maintenant qu'à attendre ; assailli de remords et de soucis » p. 67

 

    3- Gregor qui a gardé sa conscience humaine mais non un comportement humain est déshumanisé au sein même de la communauté humaine. La stabilité des taxinomies morales et juridiques ordinaires vacille.

 

    4- L'humanité ordinaire incarnée par la famille, le fondé de pouvoir… est peut-être en fait l'autre de l'humanité.

 

4.1- Le point de vue distancié du devenir animal révèle une humanité ordinaire bien peu humaine, incapable de souscrire au « principe de vulnérabilité » (Habermas).

 

4.2- Cette humanité médiocre est à la fois fragilisée et renforcée au contact de l'altérité représentée par le devenir animal.

 

4.3- On mesure bien, à ce propos, la portée de La Métamorphose, par contraste…

 

4.3.1- Avec La Belle et la Bête (conte adapté au cinéma par Jean Cocteau)

4.3.2- Avec La Femme changée en renard (1924, D. Garnett).

 

 

    5- Le devenir animal exprime, avant et après la métamorphose, l'humanité aliénée de Gregor. Toutefois il est aussi l'occasion d'une humanite d'une autre sorte

 

5.1- Sa métamorphose n'a pas supprimé sa servitude familiale : « Quand la conversation venait sur la nécessité de gagner de l'argent, Grégor…était tout brûlant de honte et de chagrin » p. 57.

 

5.2- Néanmoins « il avait le sentiment d'apercevoir le chemin conduisant à la nourriture inconnue dont il avait le désir » p. 84.

 

5.3- Cependant Gregor, incapable d'assumer sa métamorphose, ne pourrait en rien partager « l'amorphisme » prôné par R. Musil dans l'Homme sans qualités.

 

 

    6- Ainsi La Métamorphose est une variation littéraire sur une constante anthropologique : l'horreur de voir le même devenir autre, et/ou l'horreur de voir l'autre devenir le même.

 

6.1- La dialectique de la peur et du rejet.

 

6.2- R. Murphy dans Vivre à corps perdu compare sa tétraplégie au destin de Gregor.

 

 

    7- Dans une tout autre tonalité, quelques variations littéraires, religieuses, philosophiques postulent qu'il n'y a pas de barrière infranchissable entre l'animal et l'homme.

 

7.1- La métempsycose : « ils ont en tête que notre âme au sortir d'un roi entre dans un ciron ou dans telle autre bête ». La Fontaine La Souris métamorphosée en Fille, IX, 7, v 8 à 10.

 

7.2- « Il y a plus de distance de tel homme à tel homme qu'il n'y a de tel homme à telle bête ». Montaigne, Essais I.

 

7.3- « L'enfance selon La Fontaine demeure en quelque sorte un pli en nous entre deux instances, l'animalité et l'humanité, qui ne peuvent être ni totalement séparées, ni totalement confondues » M. Lebrun. Regards actuels sur les Fables de La Fontaine.

 

 

 

II   On peut examiner un certain nombre d'opÉrations dÉgradantes ou valorisantes tÉmoignant du dÉsir de faire passer de l'homme À l'animal, de l'animal À l'homme.

 

1- Quelques remarques préalables

 

1.1- Les termes « animalité » et « humanité » ont à la fois un sens descriptif et normatif. De plus, les connotations normatives d'animalité sont ambivalentes.

 

1.2- On peut s'appuyer sur La Fontaine et Condillac pour ne pas être dupe du sophisme de la bestialité.

 

1.3- On laisse de côté le cas où, pour des raisons ontologiques et non morales, que les catégories d'animalité et humanité ne recouvrent pas terme à terme les animaux et les hommes.

 

2- Qualifier un comportement humain d'animal, de bete, de bestial, de brutal c'est juger negativement qu'il degenere : on a bascule dans l'animalité

 

3- Par consequent, realiser pleinement son humanité suppose de passer de l'animalite a l'humanite

 

4- Soit par rejet politique, afin de destituer un individu (ou un groupe) de son humanité, soit par incapacite a saisir l'humanite de quelqu'un qui n'en produit pas les marques familieres, on peut l'animaliser

 

5- Certes le plus souvent la connotation morale de l'animalite est negative, parfois elle est positive : aspirer a l'animalite, s'inspirer de l'animalite

 

6- Des sociobiologistes erigent les comportements animaux en modeles pour les comportements humains : il s'agirait de revenir a notre animalite premiere

 

7- Par contre, certains traitent leur animal de compagnie quasiment comme un humain

 

 

 

 

 

 

Chapitre IV

 

les hommes ont tissÉ avec les animaux des relations variées tant sur le plan pratique que symbolique, ainsi que toute une gamme de liens affectifs.

Ces relations traduisent le plus souvent un anthropocentrisme dont la lÉgitimitÉ est discutÉe.

S'esquisse donc un dÉbat sur les relations entre l'homme et l'animal qu'il serait souhaitable de promouvoir : la polÉmique autour des droits des animaux n'en est qu'une facette

 

 

 

 

I    L'animal est au service de l'homme de multiples maniéres et suscite des sentiments divers.

 

1- De la chasse a l'élevage en passant par l'animal de sacrifice, l'animal de compagnie… : un paronama dresse a partir des Fables de la fontaine et complete.

 

1.1-  « Je foudroie à discrétion un lapin » Discours à Mr le Duc de La Rochefoucauld X, 14 : La chasse comme moyen de subsistance et occasion de prestige.

 

1.2-  « Si tu voyais mettre à la broche tous les jours autant… de chapons » Le Faucon et le Chapon VIII, 21 : L'élevage pour se nourrir

 

1.3-  « … fait argent de tout, convertit en monnaie ses chapons, sa poulaille » Le Fermier, le Chien et le Renard XI, 3 : Les animaux comme matière première dont on tire des profits

 

1.4-   « parcourant sans cesse ce long cercle de peines » L'Homme et la Couleuvre X, 1 : Les animaux sont mis à contribution pour assister les hommes dans leur travail .

 

1.5-  « Je vous sacrifierai cent moutons » Le Pouvoir des fables VIII, 4 : Les sacrifices d'animaux

 

1.6-   « Le Singe avec le Léopard gagnaient de l'argent à la foire » Le Singe et le Léopard IX,3 : Les animaux utilisés comme divertissement (zoo, cirque, jeux)

 

1.7-  Sélection génétique, expérimentation, à des fins de rendement et de prothèse

 

1.8-  L'animal de compagnie associé à la vie privée, sans fonction matérielle ni intention lucrative, remplit une fonction affective

 

1.9-  Prédation, extermination, domestication, coopération… : « L'homme est devenu le facteur principal de la condition animale » E. Baratay Et l'homme créa l'animal.

 

2- Les hommes tissent avec les animaux une grande variete de liens affectifs, nos œuvres en exposent certains, on peut en recenser quelques autres.

 

2.1- Cruauté : « mutilé par mon propre maître » Le Chien a qui on a coupé les oreilles X, 8 ; ingratitude : « traîtres humains » Le Poisson et le Cormoran X, 3

 

2.2- Peur : « Le serpent a deux parties, du genre humain ennemies » La Tête et la Queue du Serpent VII, 16 ; et dégoût : « avec une moue de dégoût » La Métamorphose, p. 41

 

2.3- Affection, complicité : « Ils jugent de notre pensée par nos mouvements toutes les fois qu'elles ne renferment que des idées qui leur sont communes » Traité des animaux II, 4 p160 ; « Le chien apprend à obéir à notre voix » Traité des animaux II, 4 p161

 

2.4- Vexation : « Darwin a infligé là l'homme la deuxième blessure narcissique » Freud Introduction à la psychanalyse

 

2.5- Crainte respectueuse

 

2.6- Curiosité, admiration, émerveillement

 

 

II   un vif debat s'ouvre pour savoir quel est le traitement legitime a accorder aux animaux. Ses enjeux theoriques et pratiques sont essentiels pour le statut respectif de l'hommme et de l'animal.

 

1- Prôner l'Anthropocentrisme ? Oui… mais…

 

1.1- De la différence radicale (sur fond de dualisme ou de continuisme) à la supériorité, de la supériorité à la domination et à l'exploitation sans limites.

 

1.1.1- Divers arguments théoriques affirment que l'être humain est au centre et au sommet de la nature.

1.1.2- Par conséquent les hommes tiennent les animaux dans une indigence ontologique.

1.1.3- Et les hommes se rendent comme maîtres et possesseurs de la nature, se donnent le droit d'user et d'abuser des animaux.

 

1.2- Les critiques adressées à l'anthropocentrisme.

 

1.2.1- « Les humains sont plaisants de prétendre exceller par dessus nous » Le Lion, le Singe et les deux Anes XI, 5

1.2.2- Le cercle logique de la supériorité.

1.2.3- La méconnaissance du propre des animaux se traduit par une dévalorisation impropre et injuste.

1.2.4- Si « les bêtes sentent comme nous » Traité des animaux I, 2 p. 116, leur exploitation sans vergogne est scandaleuse en soi et même dangereuse pour l'homme

1.2.5- « L'homme commençant par respecter toutes les formes de vie en dehors de la sienne se mettrait à l'abri du risque de ne pas respecter toutes les formes de vie au sein de l'humanité même » C. Levi-Strauss Anthropologie structurale.

1.2.6- « Chaque être vivant est une valeur absolue » P. Taylor Respect for Nature.

 

2- Faire des animaux des sujets de droit ou des patients moraux ? Oui… mais…

 

2.1- Savoir si les relations avec les animaux relèvent du droit fait débat depuis l'Antiquité grecque .

 

2.1.1- Les controverses grecques.

2.1.2- Les procès des animaux au Moyen åge.

 

2.2- L'homme n'est pas le seul sujet de droit.

 

2.2.1- « La question n'est pas : peuvent-ils raisonner ? peuvent-ils parler ? mais peuvent-ils souffrir ? » J. Bentham Principes de morale et de législation

2.2.2- « Le droit n'est pas une qualité d'une personne apte à choisir mais il y a droit là où il y a intérêt qu'il est possible de représenter » T. Reagan The case for animal rights.

2.2.3- « Les animaux sont une minorité à émanciper » P. Singer La Libération animale.

 

2.3- Les critiques adressées à ceux qui font de l'animal un sujet de droit ou un patient moral.

 

2.3.1- La possession de la morale et du droit est un monopole humain : les bêtes n'ont « aucun moyen pour se faire une idée du juste et de l'injuste» Traité des animaux II, 7 p 181

2.3.2- L'idée de l'homme, animal parmi d'autres, peut-elle être théoriquement et pratiquement convaincante ? les objections à l'antispecisme.

2.3.3- La soi-disant vertu pédagogique de la pitié envers les animaux afin de respecter tous les hommes est hautement problématique et démentie par les faits.

 

3- Défendre une ethique anthropocentrique éclairée qui, fondée sur une juste détermination des interets humains, englobe des revendications formulées par les partisans d'une éthique non anthropocentrée ? Oui… mais…

 

3.1- Ni anthropocentrisme dogmatique, ni biocentrisme : les hommes ont des devoirs envers les animaux ; il est plus pertinent de parler de protection que de respect de l'animal.

 

3.1.1- Critiquer l'anthropocentrisme dogmatique ainsi que le biocentrisme ce n'est pas dévaloriser l'homme ni l'animal.

3.1.2- Les animaux ne sont pas sujets de droits mais doivent être objets d'égards ; c'est une question de bienveillance plutôt que de justice.

3.1.3- Il est de l'intérêt bien compris de l'homme de protéger les animaux : « le principe de responsabilité » H. Jonas.

 

3.2- Les critiques adressées à cette position.

 

3.2.1- L'anthropocentrisme éclairé reste un anthropocentrisme

3.2.2- Ces restrictions par rapport à l'anthropocentrisme dogmatique ne sont que des restrictions prudentielles assorties au bon vouloir des hommes .

 

4- Quelques illustrations de ces débats : sur la question de l'expérimentation animale, les manipulations génétiques, l'extension des droits de l'homme aux grands singes

 

4.1- L'expérimentation animale : quels compromis entre les intérêts de la science et la souffrance animale ?

 

4.2- Les manipulations génétiques sur les animaux : animal produit / animal prothèse : jusqu'où ?

 

4.3- Est-il légitime d'étendre les droits de l'homme aux grands singes ?

 

5- Les textes juridiques contemporains, implicitement ou explicitement et de façon très hétérogène, se font l'écho de ces débats et temoignent d'une sensibilité accrue en Occident au « bien être animal »

 

 

III  On peut Également mÉditer, sur un mode plus existentiel que juridique, la voie poétique de la fontaine, les rÉflexions de condillac sur un certain « fonds commun » et le destin tragique de gregor. Alors se dessine comment les hommes pourrraient vivre au mieux avec les animaux.

 

1-    Certes les relations entre l'homme et l'animal restent fondamentalement dissymétriques car l'appréhension de l'animal par l'homme n'a pas de réciproque.

 

2-    Sans compter que : « tout en tout est divers, chez vous, ôtez-vous de l'esprit qu'aucun etre ait ete compose sur le votre » Le Cierge ix, 12 ; « chaque espèce a des rapports particuliers avec ce qui l'entoure…elles sont dans le même lieu sans être dans les mêmes circonstances » Traité des animaux II,4 p159.

 

3-    Par conséquent il semble peu pertinent de parler d'autrui animal et opportun d'éviter toute sentimentalité niaise ainsi que tout universalisme anthropomorphe

 

4-    Toutefois du fait d'une certaine « communauté de destin », on peut définir une proximité procédant d'une altérité reconnue et assumée afin d'éviter les effets pervers de la cloture ontologique

 

5-    On peut denoncer « l'humanisme dévergonde » ainsi que réévaluer la vulnérabilité tout en assumant le propre de l'homme.

 

6-    Grâce à l'art en general et a la poesie en particulier qui se fait le porte-parole de « tant d'êtres, car tout parle dans l'univers, il n'est rien qui n'ait son langage » Fables Epilogue xi, tout acquiert une densite de presence par laquelle les considérations précédentes peuvent prendre sens

 

 

 

 

 

 

   conclusion GÉNÉRALE  (sous la forme de quelques plans de dissertation)

 


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