RETOUR : Cours de Jacqueline Morne sur Bergson
Annexe 1 : lexiqueLes termes définis dans ce lexique le sont uniquement au sens bergsonien, le plus souvent possible selon des définitions de Bergson lui-même. Conscience : « Qui dit esprit dit avant tout conscience. Mais, qu'est-ce que
la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose
aussi concrète, aussi constamment présente en la conscience de chacun de nous.
Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire
qu'elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent :
conscience signifie d'abord mémoire […] La mémoire est là ou bien la conscience
n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui
s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant,
comment définir autrement l'inconscience ? […] Toute conscience est donc
mémoire, conservation et accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation de l'avenir.[…] Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui
n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. » Bergson, L'Énergie spirituelle, PUF, ch. 1, p. 5. Durée : « Qu'est-ce que la durée au-dedans de
nous ? Une multiplicité qualitative, sans ressemblance avec le
nombre ; un développement organique qui n'est pourtant pas une quantité
croissante ; une hétérogénéité pure dans laquelle il n'y a pas de qualités
distinctes. » (Voir : Essai sur les données Immédiates de la conscience, ch. 2) Élan vital : impulsion originelle de création d'où est issue la vie et qui, en se développant au cours de l'évolution, invente des formes de complexité croissante pour aboutir chez l'animal à l'instinct et chez l'homme à l'intelligence et à l'intuition. (Voir :
L'Évolution créatrice, p. 88 et
suivantes) Espace : milieu homogène et illimité défini par l'extériorité réciproque de ses parties, dans lequel sont situés les objets sensibles. (Voir annexe 2) État de conscience : « Considérés en eux-mêmes les états de
conscience profonds n'ont aucun rapport avec la quantité ; ils sont
qualité pure ; ils se mêlent de telle manière qu'on ne saurait dire s'ils
sont un ou plusieurs, ni même les examiner de ce point de vue sans les dénaturer
aussitôt. » (Voir : Essai sur les données Immédiates de la conscience, ch. 2) Image symbolique de la durée
réelle :
Bergson désigne ainsi la projection du temps dans l'espace, substituant à la
durée pure le temps homogène de la géométrie et de la science. La pensée
manipule alors des symboles : des mots, des nombres au lieu de s'attacher
à la réalité même qui est qualitative et non quantitative. Instinct :
Intelligence : L'intelligence et l'instinct sont les deux voies divergentes prises par la nature pour répondre au problème de l'adaptation. L'intelligence est avant tout fabricatrice, elle est tournée vers la transformation de la matière en instrument. Elle est « la faculté de fabriquer des outils à fabriquer des outils ». Elle a pour objet principal le solide inorganisé, elle n'évolue avec facilité que dans l'espace. Elle ne se représente clairement que le discontinu et l'immobilité. Elle a la puissance indéfinie de décomposer selon n'importe quelle loi et de recomposer en n'importe quel système. Elle opère sur des formes et sur des signes. En tant que telle, l'intelligence est la faculté requise pour la connaissance scientifique et technique. Elle est totalement inadaptée à la connaissance métaphysique qui est de l'ordre de l'intuition. « Elle est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie. » (Voir : L'Évolution créatrice, ch. 2) Intuition : « aperception immédiate »,
« sympathie intellectuelle ou plutôt spirituelle par laquelle on se
transporte à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec ce qu'il a d'unique et
par conséquent d'inexprimable ». La notion d'intuition est intimement liée à celles de
conscience et de durée : « L'intuition dont nous parlons porte avant tout sur la
durée intérieure. Elle saisit une succession qui n'est pas une juxtaposition,
une croissance par le dedans, le prolongement ininterrompu du passé dans un
présent qui empiète sur l'avenir. C'est la vision directe de l'esprit par
l'esprit. Plus rien d'interposé ; point de réfraction à travers le prisme
dont une face est espace et dont l'autre est langage. Au lieu d'états contigus
à des états, qui deviendront des mots juxtaposés à des mots, voici la
continuité indivisible, et par là substantielle, du flux de la vie intérieure.
Intuition signifie donc d'abord conscience, mais conscience immédiate, vision
qui se distingue à peine de l'objet vu, connaissance qui est contact et même
coïncidence. » L'intuition est la seule véritable méthode de connaissance
métaphysique. à l'opposé de l'intelligence qui est tournée vers la science. (Voir : La Pensée et le mouvant, Introduction à la métaphysique) Langage : Le langage est directement lié à
l'intelligence et à la vie sociale. Il est l'instrument qui permet à tout
instant de passer de ce qu'on sait à ce qu'on ignore. Les signes qui le composent
sont en se combinant extensibles à
l'infini. Cette tendance du signe à se transporter d'un objet à un autre est
caractéristique du langage humain. à l'inverse du signe instinctif qu'utilise
l'animal qui est un signe adhérent, le signe intelligent du langage humain est
un signe mobile. Le langage a essentiellement une fonction sociale et
utilitaire il opère un découpage conceptuel du réel en fonction des besoins de
la fabrication et de la communication. Ils ont pour effet de distinguer,
d'isoler, d'établir des rapports d'extériorité. De ce fait « langage et
pensée sont deux réalités incommensurables ». Le langage est adapté quand
il s'agit de penser le monde extérieur selon les exigences de l'intelligence
technicienne qui analyse et qui mesure, ou selon les exigences de la vie
sociale qui simplifie la pensée pour la rendre communicable. Mais plus la
pensée est vivante, plus elle est personnelle et intime, moins les mots s'y
adaptent. Liberté : Bergson refuse d'inscrire la question
de la liberté dans le débat qui oppose déterminisme et libre arbitre. L'acte
libre n'est pas l'acte qui serait sans cause, la liberté n'est ni
l'indifférence ni l'indétermination. « Nous sommes libres quand nos actes
émanent de notre personnalité toute entière, quand ils l'expriment, quand ils
ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu'on trouve parfois entre
l'œuvre et l'artiste». Autrement dit, nous sommes libres quand nous sommes notre
propre cause, quand il émane de notre personnalité tout entière, et l'engage tout entière. L'acte libre
est création de soi par soi. (Voir : Essai sur les données immédiates de la conscience, ch. 3) Métaphysique : connaissance de la réalité en soi,
c'est-à-dire pour Bergson de la durée. à l'inverse de la science produit de
l'intelligence, elle repose uniquement sur l'intuition. Bergson sait gré à Kant
d'avoir montré que la connaissance métaphysique est une connaissance par
intuition pure, mais il lui reproche d'avoir pensé que c'était une connaissance
impossible. Multiplicité : (voir annexe 4) Nombre : l'idée de nombre implique l'intuition simple d'une
multiplicité de parties ou d'unités absolument semblables les unes aux autres.Toute idée claire du nombre implique une vision dans
l'espace. Temps homogène : voir « Temps » Temps : deux acceptions très différentes selon que Bergson parle du temps au sens de durée ou quand il le qualifie de temps homogène : - Dans le
premier cas, temps=durée, le temps est la continuité pure de la conscience,
qualité pure excluant toute mesurabilité. Temps qualité, relevant d'une
multiplicité confuse. (Voir « Durée ») - Dans le
second cas, temps=temps homogène : le temps est un temps projeté dans
l'espace dont il revêt tous les caractères : homogénéité, mesurabilité.
Temps quantité relevant d'une multiplicité distincte. Le contexte suffit généralement à
déterminer dans quel sens Bergson utilise le terme. Science : « Il est de l'essence de la science, en effet, de manipuler des signes qu'elle substitue aux objets eux-mêmes. Ces signes diffèrent sans doute de ceux du langage par leur précision plus grande et leur efficacité plus haute ; ils n'en sont pas moins astreints à la condition générale du signe, qui est de noter sous une forme arrêtée un aspect fixe de la réalité. Pour penser le mouvement, il faut un effort sans cesse renouvelé de l'esprit. Les signes sont faits pour nous dispenser de cet effort en substituant à la continuité mouvante des choses une recomposition artificielle qui lui équivaille dans la pratique et qui ait l'avantage de se manipuler sans peine. Mais laissons de côté les procédés et ne considérons que le résultat. Quel est l'objet essentiel de la science ? C'est d'accroître notre influence sur les choses. » (Voir : La Pensée et le mouvant.) |