Annexe
10 : Impératif hypothétique, impératif catégorique
La représentation d'un principe
objectif, en tant que ce principe est contraignant pour une volonté, s'appelle
un commandement (de la raison), et la formule du commandement s'appelle un
impératif.
Tous les impératifs sont exprimés
par le verbe devoir, et ils indiquent
par là le rapport d'une loi objective de la raison à une volonté qui, selon sa
constitution subjective, n'est pas nécessairement déterminée par cette loi (une
contrainte). Ils disent qu'il serait bon de faire telle chose ou de s'en
abstenir ; mais ils le disent à une volonté qui ne fait pas toujours une chose parce qu'il lui est
représenté qu'elle est bonne à faire. Or cela est pratiquement bon, qui détermine la volonté au moyen de représentations de la raison, par
conséquent non pas en vertu de causes subjectives, mais objectivement,
c'est-à-dire en vertu de principes qui sont valables pour tout être raisonnable
en tant que tel. Ce bien pratique est distinct de l'agréable, c'est-à-dire de ce qui a de l'influence sur la
volonté uniquement au moyen de la sensation en vertu de causes purement
subjectives, valables seulement pour la sensibilité de tel ou tel, et non comme
principe de la raison, valable pour tout le monde. […]
Or tous les impératifs commandent
ou hypothétiquement ou catégoriquement. Les impératifs hypothétiques représentent la
nécessité pratique d'une action possible, considérée comme un moyen d'arriver à
quelque autre chose que l'on veut (ou du moins qu'il est possible que l'on
veuille). L'impératif catégorique serait celui qui représenterait une action
comme nécessaire pour elle-même, et sans rapport à un autre but, comme
nécessaire objectivement.
Puisque toute loi pratique
représente une action possible comme bonne, et par conséquent comme nécessaire
pour un sujet capable d'être déterminé pratiquement par la raison,tous les
impératifs sont des formules par lesquelles est déterminée l'action qui, selon le principe d'une volonté
bonne en quelque façon, est nécessaire. Or si l'action n'est bonne que comme
moyen pour quelque autre chose,
l'impératif est hypothétique ;
si est représentée comme bonne en soi, par suite comme étant nécessairement dans une volonté qui est en soi
conforme à la raison, alors,
l'impératif est catégorique.
E. Kant, Fondements de la
Métaphysique des mœurs, 2ème
section, traduction V. Delbos, éd. Delagrave 1959, pp. 123 à 125.