Nathalie Riou : le lai de la vie de la mort de René Char (figure de René Char). Les « figures » mises en ligne sur ce site ne sont pas des études ou des articles mais des essais personnels et libres. Texte mis en ligne le 3 mai 2009. © : Nathalie Riou. Auteur d'une thèse sur René Char soutenue le 24 juin 2008 à l'université de Nantes et reçue avec la mention Très honorable, Nathalie Riou est professeur agrégée de Lettres modernes.
Poèmes de Nathalie Riou publiés sur ce
le lai de la vie de la mort de René Charcher sachem vous ai-je volé si ce fut avec trois de vos plumes soir de juin mil neuf cent sept sans étoiles un enfant naît qui pourrait savoir ? - nul ne sait la mère couvrait une sœur morte que le père en sueurs - qui des deux fut le seul amant - perdrait reverrait dans onze ans où sont les gémeaux ? – nul ne sait un soir que les eaux de la Sorgue luttant contre de lourdes orgues déroulaient leurs longs cheveux verts emportant les mille mains d'hier - neume des morts anfractueux - et les poings du frère haineux des chemineaux les pieds dans l'eau donnèrent leur main sans anneau qu'est-ce qu'un transfert ? - nul ne sait souvent le poète écrit peu et à peu mais c'est en tous lieux sous les paupières sur la peau sur le sexe surtout sous l'eau et aux absents intensément Char écrivit violemment le mot feu aux beaux yeux d'Eluard qui ouvrirent un sémaphore où des hommes aux yeux bandés touchaient aux seins de la nuit nés quelle heure sonne le poète ? - nul ne sait un homme nu tenant une arme glace comme une allée de charmes dévastée seul le chant du cœur donne à la nudité chaleur la parole du réfractaire sang à la tempe ouvre la terre disant sous la botte en cuir noir le cri de la mésange noire quel mot fait la paix ? - nul ne sait il est midi vide est le trône les clameurs ont fait la couronne mais le roi s'est habillé d'ombre et se perd dans la nuit qui tombe il meurt au fur et à mesure que grandit la dure brûlure qui – ni antre ni crèche – brûle l'air magique où le vide est nul tout va en regard baiser trille le roi est mort la nuit brille qu'est-ce qu'un regard ? - nul ne sait il fait ce jour un temps de mort à ne mettre un vivant dehors René Char commande un taxi qui va de l'aube de Paris aux eaux terribles de la Sorgue au poète qui a la bogue de la nuit toute sa vie ouverte comme un cri de tigre que sera la mort ? – nul ne sait Ce Ç lai È
dit un peu la vie de René Char. Son père avait épousé en premières noces Julia
Rouget, qui mourra un an plus tard de tuberculose. Il épouse alors la jeune
sœur, Marie-Thérèse Rouget : ils auront quatre enfants, dont le dernier,
René Char, né le 14 juin 1907. Les autres faits sont connus des lecteurs du
poète : la mort du père en 1918, l'élargissement de la vie auprès des Matinaux
de la Sorgue (le vers en italiques est extrait d'un poème de Char, Ç Le
Visage nuptial È), les premières armes poétiques parmi les surréalistes,
la Résistance, les grands recueils d'après-guerre qui déjouent la consécration…
Moins connu est l'épisode rapporté par Greilsamer
dans sa biographie, L'Éclair au front : Char a plus de quatre-vingts
ans quand, lors d'un séjour à Paris auprès de sa femme, Marie-Claude de Saint-Seine, comme il se lasse probablement de la ville, il
fait signe à un taxi au carrefour
de l'Odéon pour aller à… l'Isle-sur-la-Sorgue. Nathalie Riou |