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Sept paysâmes
© : Serge Meitinger.

Serge Meitinger est professeur de Langue et de Littérature françaises à l'Université de la Réunion. Il a publié de nombreux articles, notamment sur la poésie depuis Baudelaire, et un essai : Stéphane Mallarmé ou la quête du « rythme essentiel », Hachette, 1995. Il écrit et publie de la poésie.

Ces poèmes inédits sont extraits d'un ensemble intitulé Manières d'être. Tropismes et paysâmes. Trois autres des poèmes de cet ensemble sont parus dans le beau Poezibao de Florence Trocmé.

Mis en ligne le 5 avril 2005.


Paysâmes

 

 

                   MATIN EN ALTITUDE

 

                   Quelques flocons épars

                   dans l'air qui pince

                   et un désir de neige

                   naît avec le froid —

                   lourde et ronde calotte

                   la sombre colline   devant

                   ferme le ciel

                   enterre lieu et moment

                   — dans un frisson.

 

                                              26/11/03

 

 

 

 

EN FORÊT

 

La raison de la route

est cette échancrure

dans le bois noir

ouvrant à la lumière du mont —

cette rude allée

taillée au cordeau

entre des pins altiers

la raison de nos pas.

 

                            27/11/03

 

 

 

 

UN PONT

 

Une rectitude

entre deux buissonnements

il passe pour faire passer —

pont pour le pas seulement

— planches mal équarries

son bois périssable marche

sur le vertige des eaux

entre deux bouillonnements.

 

                                        28/11/03

 

 

 

 

                   LA CROIX SUR LE TALUS

 

                   Au bout du champ

                   cette croix à taille humaine

                   en léger surplomb —

                   au nœud des chemins creux

                   — la pierre fruste et usée

                   a incorporé la figure

                   et Il y est sans y être

                   sans paraître.

 

                                              29/11/03

 

 

 

 

D'UN BALCON DANS LES HAUTS

 

Tenir d'un seul regard

tout le petit village aux toits plats

mussé dans la boucle de l'oued

empli lui-même à ras bords

de palmiers drus et verts —

joie de qui domine   un instant

l'abondant et le rare

la fertilité du sec.

 

                                     30/11/03

 

 

 

 

QUATRE-CANTONS

 

Nager — en plein été —

dans le lac froid

sous des maisons fermées

sous des monts brumeux

sans sommet —

avec pour traîne

les branches des noisetiers

et tous leurs chatons verts.

 

                                     7/12/03

 

 

 

 

PYRAMIDES

 

Le vent du désert tient le ciel

— on respire du sable   on en mâche —

toutes les pierres de Guizah

       bien émoussées déjà

         offrent aux yeux

— qui se plissent et pleurent —

          le spectacle nu

de leur sempiternel abrasement.

 

                                              21/4/04

 

 

 

Serge Meitinger


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