Serge Meitinger : Troussecaille & autres dictons malgaches.
Mis en ligne le 6 février 2014. Troussecaille & autres dictons malgachesEn hommage à Jean-Joseph Rabearivelo. À la manière de Rabearivelo, il m'est venu l'envie de transposer en français des poésies traditionnelles malgaches qui sont des devinettes, des proverbes, des dictons. Je n'ai pas choisi de m'intéresser à la tradition orale des plateaux malgaches, déjà bien illustrée, mais à celle des Masikoro, du Sud-Ouest de l'île, ethnie rurale vivant au nord de Tuléar, surtout entre cette ville et Morombe, et rattachée aux Sakalava. Certaines de ces prestations orales que les missionnaires n'ont pas eu le loisir d'expurger comme ce fut le cas ailleurs, nous offrent une plaisante et saine crudité qu'il convenait de préserver. Je cite mes sources : Proverbes malgaches en dialecte masikoro, édités par Lala Raharinjanahary et Velonandro (1996) et Tapatoño, Joutes poétiques et devinettes des Masikoro du Sud-Ouest de Madagascar, recueillis et édités par Lala Raharinjanahary (1996) chez L'Harmattan, Paris, Collection : Repères pour Madagascar et l'Océan Indien.
Brourourou vol de caille — elle se pose dans les fourrés les yeux pleins de sommeil. — Étends vite la natte, j'ai envie de dormir !
Brourourou vol de caille — elle se pose sur le nœud d'un arbre noueux les yeux pleins de désir. — Étendons vite la natte, j'ai envie de baiser !
Brourourou vol de caille — elle se pose à la cime les yeux vrillant un fond où tomber serait doux. — Que j'étende natte neuve avant de m'évanouir !
Brourourou vol de caille — elle se pose sur le dos du hibou les yeux pleins de cendres. — Quand j'ai fini, je suis tout en sueur ! Ai-je été poursuivi, battu, tué ?
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Porte de l'âme que l'on n'entend pas claquer ? — La peau des yeux !
Petite flaque où l'on ne saurait plonger ? — L'eau du regard !
Petit projectile qui touche au loin ? — Ton clin d'œil, ô bien-aimé !
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Larmes, ces larmes l'eau de tes yeux. — Petite flaque au bord du chemin où les bœufs ne savent pas boire !
Ces rangées d'herbes au bord du chemin que les bœufs n'osent brouter ? — Cils, sourcils !
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Porche de Dieu aux battants de silence ?
Lac sombre et clair où prendre chair ?
Flèches sans arc qui touchent au cœur ?
— Nos yeux, oui, seuls !
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Lit de fer vite déglingué lit de bois vite fracassé : tristes périlleuses couches !
Lit de fer neuf au franc roulis jeune pilon jeune mortier y tiennent juste cadence !
Combien de temps pour qu'en cède la première maille ?
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Bancal, bossu, bouffi.
— Le riz est fini, en reste le sac !
— L'eau est finie, reste la calebasse !
— La vie est finie, reste la carcasse !
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Bancroche, bosco, boursouflé. — Son cul tu as embrassé : Chien au nez t'a pété !
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La branche par laquelle les fourmis montent à la cime agite encore ses feuilles — mais elle est déjà creuse.
Serge Meitinger |