RETOUR : Images de la poésie

 

Laurent Albarracin : Christian Ducos, Trois poèmes et Douze bougies pour éclairer la lune.
© : Laurent Albarracin.

Mis en ligne le 1er décembre 2010.
Sur ce site, voir aussi un compte rendu de Laurent Albarracin sur un autre recueil de Christian Ducos, Une branche et des miettes de brume (7 mai 2011).
Aller à la page où Laurent Albarracin présente ses « petites activités éditoriales ».


Christian Ducos

Trois poèmes
Éditions Le Pauvre Songe, 2010, 5 €

et

Douze bougies pour éclairer la lune
Éditions Le Pauvre Songe, 2010, 5 €
13 rue Saint-Joseph
33400 Talence

Deux minces plaquettes de poèmes, c'est pour le moment tout ce que nous pouvons connaître de la poésie de Christian Ducos ; mais cette rareté déjà mérite qu'on s'y attarde. Elle est la marque d'une sobriété qui lui fait honneur.

Chaque poème est composé d'un titre, d'un vers liminaire ou deux placés en exergue (en italiques et justifiés à droite) et d'une courte strophe de quelques vers (parfois un seul et parfois réduit à un seul mot). Cette construction nette, sobre, aérée exprime parfaitement l'épure d'une pensée poétique rigoureuse quoique jamais rigide, une pensée qui est claire et concise sans qu'elle soit désertée ou aride. Le poème ainsi présenté a l'air de donner en plein sur un fragment de réalité (souvent un morceau de nature) après qu'on a franchi les deux porches du titre et de l'exergue qui auront incliné à la réflexion, une réflexion que la chose observée dans le corps du poème viendra alors confirmer autant que défaire. Car si l'exergue est souvent d'ordre aphoristique ou spéculatif, le poème, lui, dans son entier, redonne la part belle à la nature, au monde, au réel, bref à tout ce qui par sa primauté magnifique laisse loin derrière lui les vaines poursuites de la pensée. C'est tout le sens de l'exergue général aux Trois poèmes :

 

Seule la pensée de la perfection du monde

peut nous garder de croire

à la perfection du monde de la pensée.

 

Là sont la gageure et la promesse que tient cette écriture : se situer autant dans les vertiges de la pensée que dans l'adhésion au monde, en appeler à une exigence qui est avant tout un renoncement aux prétentions de l'intellect, à une rigueur qui est d'abord un lâcher prise. On est de ce point de vue généralement proche du haïku, sinon dans la forme (encore que), du moins par l'esprit. L'humour, la légèreté, l'attention aux riens, la cocasserie comme illumination notamment seront toujours le vœu dernier, ou le mouvement premier du poète. Voici par exemple :

 

L'oiseau

 

Où est l'arc ?

Où est la flèche ?

 

 

Le poids de son plumage.

L'oiseau ne peut porter davantage.

Ni prière, ni plainte.

L'envol.

 

Nulle définition, nulle attribution, nul chant même ne vaudront mieux pour capter la vérité de l'oiseau que de le laisser à son envol, à l'instant très réel de son échappée. Il serait en effet fou de vouloir charger les êtres d'autre chose que de leur très simple évidence. Dès lors il suffit pour la voir (mais l'art de le faire est grand) de noter la joueuse beauté du monde dans le bref moment de son abandon à soi :

 

Il joue avec son ombre sur le mur, le fuchsia en fleurs.

 

Et voilà où mène la grande sobriété de ce poète : à l'ivresse des choses rendues à elles-mêmes.

Laurent Albarracin

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