Christian Ducos
Trois poèmes
Éditions Le Pauvre Songe, 2010, 5 €
et
Douze bougies pour
éclairer la lune
Éditions Le Pauvre Songe, 2010, 5 €
13 rue Saint-Joseph
33400 Talence
Deux minces plaquettes de poèmes,
c'est pour le moment tout ce que nous pouvons connaître de la poésie de
Christian Ducos ; mais cette rareté déjà mérite qu'on s'y attarde. Elle
est la marque d'une sobriété qui lui fait honneur.
Chaque poème est composé d'un
titre, d'un vers liminaire ou deux placés en exergue (en italiques et justifiés
à droite) et d'une courte strophe de quelques vers (parfois un seul et parfois
réduit à un seul mot). Cette construction nette, sobre, aérée exprime
parfaitement l'épure d'une pensée poétique rigoureuse quoique jamais rigide, une
pensée qui est claire et concise sans qu'elle soit désertée ou aride. Le poème
ainsi présenté a l'air de donner en plein sur un fragment de réalité (souvent
un morceau de nature) après qu'on a franchi les deux porches du titre et de
l'exergue qui auront incliné à la réflexion, une réflexion que la chose
observée dans le corps du poème viendra alors confirmer autant que défaire. Car
si l'exergue est souvent d'ordre aphoristique ou spéculatif, le poème, lui, dans
son entier, redonne la part belle à la nature, au monde, au réel, bref à tout
ce qui par sa primauté magnifique laisse loin derrière lui les vaines poursuites
de la pensée. C'est tout le sens de l'exergue général aux Trois poèmes :
Seule la pensée de la perfection du monde
peut nous garder de croire
à la perfection du monde de la pensée.
Là sont la gageure et la promesse que tient cette
écriture : se situer autant dans les vertiges de la pensée que dans
l'adhésion au monde, en appeler à une exigence qui est avant tout un
renoncement aux prétentions de l'intellect, à une rigueur qui est d'abord un
lâcher prise. On est de ce point de vue généralement proche du haïku, sinon
dans la forme (encore que), du moins par l'esprit. L'humour, la légèreté,
l'attention aux riens, la cocasserie comme illumination notamment seront
toujours le vœu dernier, ou le mouvement premier du poète. Voici par
exemple :
L'oiseau
Où est l'arc ?
Où est la flèche ?
Le poids de son plumage.
L'oiseau ne peut porter davantage.
Ni prière, ni plainte.
L'envol.
Nulle définition, nulle attribution, nul chant même ne
vaudront mieux pour capter la vérité de l'oiseau que de le laisser à son envol,
à l'instant très réel de son échappée. Il serait en effet fou de vouloir
charger les êtres d'autre chose que de leur très simple évidence. Dès lors il
suffit pour la voir (mais l'art de le faire est grand) de noter la joueuse
beauté du monde dans le bref moment de son abandon à soi :
Il joue avec son
ombre sur le mur, le fuchsia en fleurs.
Et voilà où mène la grande
sobriété de ce poète : à l'ivresse des choses rendues à elles-mêmes.
Laurent Albarracin