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Pierre Campion : Les daucus de Jaccottet.

Mis en ligne les 21 et 25 juin 2021.

Voir sur ce site une étude du poème de Philippe Jaccottet « Daucus, ou carotte sauvage ».

© texte et images : Pierre Campion.


Les daucus de Jaccottet

Ces plantes-là, dans un autre paysage et à une autre saison, Philippe Jaccottet les avait rencontrées, plus effacées et néanmoins images du monde[1] : « Il faut, écrit-il, rebaptiser ces fleurs ; les détacher des réseaux de la science pour les réinsérer dans le réseau du monde où mes yeux les ont vues. »

 

Ici en juin, celles-là surgissent d'un désordre profus en herbes rampantes, graminées, chardons et orties pour défier de toute leur stature un champ cultivé, une ligne concave d'arbres et l'horizon du ciel.

Ni l'épiaison innombrable des blés (pas un qui démente l'autre), ni la force des arbres, ni la tranquillité des nuages : rien n'intimide l'insolence de leurs ombelles.

Fausses carottes ou vraies ciguës, ces fleurs soigneusement composées portent chacune, à la face d'un ciel de peinture, la même métaphore sauvage de l'univers.

 

Jaccottet, à la fin de son poème : « (On imagine une toile d'araignée aux dimensions du monde infini, qui brillerait dans l'ombre et dont le centre serait, cette fois, un tendre soleil inconnu.) »

Pierre Campion



[1] Philippe Jaccottet, « Daucus, ou carotte sauvage », dans le recueil Et, néanmoins (2001), poème repris dans Œuvres, Gallimard, coll. de la Pléiade, 2014, p. 1098-1099.


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