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Jacqueline Lagrée : Anna Maria van Schurman, présentation, édition de sa dissertatio, commentaire, bibliographie, notes.

Jacqueline Lagrée est professeeur émérite de philosophie, Rennes.

Mis en ligne le 31 décembre 2020.

© : Jacqueline Lagrée


Anna Maria van Schurman

Présentation

Anna Maria van Schurman (1607-1678) est une femme savante hollandaise qui fascina ses contemporains par l'étendue de son savoir, bien qu'il n'ait jamais donné lieu à une œuvre véritable. En 1638, elle écrivit, à l'intention de son ami et mentor le pasteur André Rivet, un petit traité en forme de quaestio médiévale pour justifier le droit des jeunes filles à faire des études. Cette petite dissertation fut souvent considérée comme un texte féministe dans la veine de son amie Marie de Gournay. Cette interprétation mérite d'être discutée ce qui n'enlève rien à l'intérêt de ce texte militant et à bien des égards fascinant tant il reprend, à son avantage, les arguments de ses adversaires.

Anna Maria van Schurman, née en 1607, est une femme savante et une artiste qui intrigua ses contemporains, lesquels la qualifièrent de « merveille de son siècle », ou de « Minerve d'Utrecht » mais qui les dérouta aussi, après son intégration à la secte labadiste, jusqu'à sa mort à Wieuwerd en 1678, tout comme elle intrigua ses lecteurs plus tardifs qui virent souvent en elle une féministe résolue, ce qui est plus contestable. Conscient de ses dons intellectuels et de sa précocité, son père lui permit d'assister aux leçons données à ses frères et l'envoya apprendre l'art sous la direction de la fille d'un graveur célèbre ; mais elle suivit aussi, cachée derrière un rideau, des cours à l'université d'Utrecht où elle obtint un diplôme en droit. Anna Maria van Schurman apparaît d'abord comme une enfant prodige : elle savait lire à quatre ans, lisait une douzaine de langues (dont l'arabe), était capable d'en écrire une demi-douzaine (dont l'éthiopien dont elle rédigea une grammaire) mais se distinguait aussi par son habileté, voire sa virtuosité, en peinture, gravure ou décorations en papier découpé. On venait la voir de toute l'Europe et Descartes même, dit-on[1], ne dédaigna pas de discuter avec elle de la pertinence de lire la Bible en hébreu pour s'instruire de questions cosmologiques.

Ce qui la rendit célèbre, outre son ode latine de 1636 en l'honneur de l'université d'Utrecht où elle réclamait déjà le droit pour les femmes de faire des études universitaires, ce fut l'écriture d'un petit traité en forme scolastique (position de la question, définitions, thèse, démonstrations, objections, réponses) sur le droit et la convenance pour une femme chrétienne de faire des études. Publié en 1641, ce traité prolonge sa correspondance et ses discussions avec les théologiens protestants Gisbert Voetius et André Rivet et lui valut une correspondance avec des femmes savantes de l'époque : Marie de Gournay, Anne de Rohan Chabot, Élisabeth de Bohème ou Dorothy Moore. Pour le théologien Rivet, la différence sexuelle implique une différence de destin, de vocation : aux femmes les tâches domestiques, aux hommes les fonctions religieuses, politiques et militaires. Anna Maria y répond non seulement par ses écrits mais par sa vie même, refusant de se marier pour conserver tout son temps pour les études. Or cette soif d'études n'est pas motivée par un désir de gloire mais par une aspiration religieuse : l'étude de la nature par la physique rapproche du créateur ; la connaissance des langues anciennes donne la capacité d'interpréter correctement les livres saints et de réfuter les hérétiques. On raconte que Descartes vint la visiter à Utrecht et la trouva en train de lire la Genèse en hébreu ; elle se justifia en disant qu'il y avait une grande différence entre lire un texte en traduction ou dans la langue originale[2]. 

Anna Maria van Schurman est une femme fort instruite, érudite même, à la manière de la Renaissance, mais ce n'est pas une savante ni même un esprit scientifique : elle ignore l'œuvre de Galilée ou Descartes, n'a que mépris pour les avancées scientifiques de son temps ; c'est une polymathe et une polyglotte ; ce n'est ni une savante ni une linguiste. Dans Euklèria, son dernier ouvrage qui comporte des éléments autobiographiques, elle prétend même que seul un chrétien est un bon physicien puisque seul il connaît le créateur du monde physique et qu'il est seul philosophe car il connaît le principe créateur de toutes choses[3]. Elle touche à tout dans l'ordre du savoir comme elle s'essaie à diverses techniques artistiques où elle acquiert une certaine virtuosité sans jamais atteindre à la grandeur du génie. Ce n'est ni Artémise en peinture ni l'égale de la princesse Élisabeth en philosophie.

À 59 ans elle rencontre Jean Labadie[4], un réformé qui insiste sur le retour à la simplicité évangélique loin des dogmes et crée une petite Église, vite récusée et censurée par l'Église officielle. Elle le suit à Amsterdam puis en Westphalie, à l'abbaye d'Herford dont l'abbesse est la comtesse palatine Élisabeth, pour vivre en communauté, dans la simplicité, mais sans pour autant tomber dans les excès de la secte, choix de vie qu'elle justifie dans son autobiographie, Euklèria seu melioris partis electio.

Anna Maria van Schurman ne sépare jamais son appétit de savoir et ses préoccupations religieuses. Si les femmes ont, selon elle, le droit, voire le devoir, d'apprendre, ce n'est pas tant pour satisfaire leur désir de savoir ou pour découvrir des vérités que pour mieux instruire leurs enfants, écarter les tentations liées à l'oisiveté et approfondir la lecture de la Bible. Ce que ses amis Constantin Huyghens ou André Rivet ont considéré comme une dérive, voire une trahison, à savoir son entrée dans la communauté labadiste en 1669, est dans la droite ligne de ses poèmes religieux de jeunesse. Si des féministes ont cru — bien à tort me semble-t-il — pouvoir se reconnaître en elle, c'est plutôt dans le piétisme allemand qu'il faudrait rechercher son influence[5] puisque son Euklèria fut le traité théologique labadiste le plus répandu dans l'Allemagne du XVIIIe siècle.

Pourquoi traduire le traité de 1638 ?

Au début de l'année 1638, A.M. van Schurman écrit donc une dissertation, intitulée : « Problema practicum[6] Num convenit foeminae chistianae studium Litterarum ? », pour justifier son choix de vie célibataire et exposer à Rivet sa position.  En 1641, pour contrer une édition pirate parisienne[7], elle se décide à la publier chez Elsevier à Leyde. Ce texte donne lieu ensuite à un échange de lettres avec Rivet sur la possibilité ou non, pour qui et dans quelles limites, de faire des études dans le cas d'une femme. Cet échange épistolaire fut rapidement traduit en français par Guillaume Colletet, poète, en 1646 avec des éloges de Schurman sous le titre : Question célèbre s'il est nécessaire ou non que les filles soient savantes, agitée de part et d'autre par Melle A.M de Schurman, hollandaise et le sieur Rivet poitevin, le tout mis en français par le sieur Colletet. Mais cette traduction reprise par le canadien Constant Venesoen sous le titre Anne Marie de Schurman femme savante (1607-1678) Correspondance, est moins intéressante que la Dissertation ; d'une part parce qu'elle multiplie les réserves de modestie, qu'elle est moins percutante et surtout qu'on n'y retrouve pas la forme scolastique de la quaestio qui, pour établir la thèse, multiplie les arguments défendus sous forme syllogistique puis les objections et leur réfutation pour enfin établir solidement la thèse à savoir L'étude des Lettres est convenable pour une femme chrétienne. D'autres traductions anglaise et néerlandaise ont suivi. Un collectif publié chez Kluwer en 1996 sous le titre Choosing the better part a fait le point sur les talents d'Anna Maria et sur les limites de son féminisme. En proposant une traduction française de la Dissertation, je souhaite seulement rendre accessible un texte militant et intéressant comme témoignage des aspirations et des demandes de femmes cultivées à l'âge classique, mais réduites à un rôle d'apparat. Celles qu'on considérera comme des « précieuses » ou des « femmes savantes » avant l'arrivée au XVIIIe siècle de savantes tout court.

Analyse du texte

Cette dissertation s'apparente à une question médiévale et contient à ce titre cinq éléments :

1. La question envisagée : est-ce que l'étude des lettres convient à une femme chrétienne ? Réponse : oui.

2. Définition des termes de la question : chrétienne, étude, lettres, convenir.

3. 14 Arguments et preuves, envisagés du point de vue du sujet de l'affirmation puis du prédicat : Les arguments 1-6 sont fondés sur les propriétés du sujet de la thèse, à savoir les femmes, tous sous la forme : tous les A sont B ; or les femmes sont A ; donc elles sont B. les arguments 7-14 sont fondés sur les propriétés du prédicat, à savoir les sciences et les lettres, sous la forme : tout ce qui est A convient aux femmes ; or les sciences et les lettres sont A ; donc elles conviennent aux femmes.

4. Objections : thèse des adversaires et leur réfutation du côté du sujet puis du prédicat ; 5 objections sont réfutées.

5. Conclusion : l'étude des lettres est convenable pour une femme chrétienne.

Toute l'argumentation est construite sur des syllogismes en barbara. La majeure est une proposition de type tous les A sont B ; la mineure est une assomption : Or les femmes sont A ; en conclusion : donc les femmes sont B. Ce mode d'argumentation était fréquent chez les théologiens du temps, notamment G. Voetius[8].

Destinataires

Les destinataires, au-delà de Rivet, ne sont pas d'abord les femmes — et d'ailleurs lesquelles ? — mais les hommes qui en ont la charge : les parents d'abord, les époux ensuite et les institutions académiques. On verra que les femmes susceptibles de recevoir cet enseignement puis d'étudier par elles-mêmes sont des femmes disposant de moyens matériels confortables et qui n'ont pas besoin de travailler, ni à la maison, ni à l'atelier ni aux champs. Ce sont des bourgeoises aisées, des aristocrates ou des rentières, comme Anna Maria elle-même.

Un traité féministe ?

On a souvent considéré la dissertatio comme un traité féministe à l'égal de celui de Marie de Gournay avec qui elle correspondit, ou de Poullain de la Barre.  Même si le traité est intéressant du point de vue de la revendication d'un droit fondamental à l'étude pour les femmes comme pour les hommes, elle ne revendique nullement l'égalité stricte. Elle réfute seulement un certain nombre de préjugés sur l'infériorité féminine, comme le présupposé de l'infériorité physique et intellectuelle des femmes. Les raisons avancées pour leur interdire l'étude — le manque d'intelligence, de motivation — sont d'abord réfutées. Le véritable manque est celui des conditions nécessaires à l'étude, notamment le poids des charges ménagères. D'où l'importance de la fortune personnelle et de la possibilité d'avoir des domestiques pour se libérer des tâches ancillaires.

Anna Maria ne prétend nullement à la supériorité des femmes ni même à l'égalité complète. En dépit de leurs différences (qui font qu'elle ne revendique pas pour elles un pouvoir politique, judiciaire ou ecclésial), l'étude convient aux deux sexes. Mais toutes les femmes (comme c'est aussi le cas des hommes) ne sont pas aptes aux études. Outre une intelligence développée, il leur faut des conditions matérielles et sociales adéquates : avoir reçu une instruction initiale à la maison, disposer d'un temps de loisir, être déchargée des travaux à la maison, à la ferme ou à l'atelier. Les paysannes ou les femmes d'artisans ont donc peu de chance de pouvoir faire des études, privilège des femmes riches, bourgeoises ou aristocrates.

Il y a d'ailleurs dans ce texte une difficulté pour traduire le terme foemina. Après avoir envisagé « dame », je me suis résolue à choisir « femme » en raison du système d'opposition lexicale sous-jacent ou foemina s'oppose à vir, sans connotation de statut (comme épouse ou mère, vierge ou non) avec à l'occasion une comparaison sarcastique entre la femme forte (virago) supérieure à bien des hommes (viri). La foemina, la femme, l'humain de sexe féminin, tout comme le vir, l'humain mâle, sont des membres équivalents, quoique différenciés, du genre homo. Ce pourquoi j'ai traduit homo par « être humain » et gardé homme pour vir.

Femme chrétienne

Mais cette femme est immédiatement caractérisée comme une femme chrétienne. Dans les milieux calvinistes anti remontrants stricts, auxquels appartient Anna Maria, il est impropre aux femmes d'étudier et particulièrement l'Écriture sainte[9]. En outre cette étude ne leur servirait à rien puisqu'elles sont exclues des fonctions sacerdotales. Contre cela, A.M. van Schurman défend la thèse que cette étude vaut pour elle-même, indépendamment de tout objectif de carrière. Une femme véritablement chrétienne n'est pas chrétienne de nom mais elle l'est aussi dans sa pratique et celle-ci est nourrie et confortée par la connaissance des Écritures. En outre les Églises réformées défendent toujours leurs positions par des références à l'Écriture sainte. Si une femme veut être une vraie chrétienne, ce qui suppose pour elle la distinction entre les purs et les impurs, les orthodoxes et les hérétiques, elle doit connaître et comprendre l'Écriture. Pour Anna Maria l'étude et la foi ne sont pas opposées mais complémentaires. Dans l'Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis qu'elle a lue et qu'elle cite dans l'Euklèria on lit : « Un humble paysan qui sert Dieu vaut mieux qu'un fier philosophe qui, négligeant la vie bonne, contemple le cours des étoiles. » Plus tard, dans sa période labadiste, elle critiquera sa propre soif de savoir indéfini et elle écrira que « la plus légère expérience de l'amour de Dieu peut nous donner un savoir plus vrai et plus profond de l'Écriture sainte que la science la plus complète de la langue sacrée et l'on pourrait dire la même chose de toutes les autres sciences[10] ».

Que faut-il entendre ici par litterae ?

Convient à la chrétienne le studium litterarum, l'étude des lettres. Que faut-il entendre par là ? D'abord les langues et particulièrement celles de la Bible : latin, grec, hébreu, syriaque, et  la littérature, lue dans sa langue originale, et plus précisément les Lettres sacrées, la Bible ; ensuite et secondairement les sciences : les disciplines philosophiques d'abord, à savoir la logique, la grammaire, la rhétorique, la théologie naturelle, la métaphysique, le droit, l'histoire, la politique mais aussi les sciences naturelles ou médicales, quoiqu'à un moindre degré puisqu'elle n'y fait guère référence sinon pour dire que l'étude de la nature permet de mieux admirer et louer le créateur. Les autres disciplines comme la mathématique liée à la musique, la poésie, la peinture et les arts libéraux valent surtout comme ornement ou divertissement. Elle recommande moins les études qui sont destinées à des fonctions juridiques, politiques, militaires ou à l'art de parler en public dans le temple, la cour ou l'université « parce qu'elles sont moins appropriées ou moins nécessaires », ce qui veut dire qu'elles pourraient être entreprises en cas de besoin ou si les exigences sociales changeaient. Ce pourquoi j'ai traduit studium litterarum par « études » tout court et non pas par études des lettres. Enfin par convenance elle entend que cette étude est à la fois appropriée aux femmes, utile et décente. Elle n'est pas indispensable au salut ou à la béatitude certes, mais c'est un moyen d'accomplissement qui pousse à l'amour de Dieu par la contemplation de la beauté des choses.

Commentaire

L'égalité des hommes et des femmes

Les femmes sont-elles inférieures aux hommes pour ce qui est des études ? Pour répondre à cela, Schurman use d'abord d'un argument formel avant de venir aux faits. Les femmes font comme les hommes, partie du genre humain (homo = vir + foemina) qui se caractérise formellement par l'apanage de la raison (argument 1).

De fait certaines femmes ont été capables de faire des études : Anna Maria elle-même, Élisabeth de Bohème, Élisabeth reine d'Angleterre, Christine de SuèdeÉ

En outre le désir de savoir est inné chez la femme parce qu'il est inné à l'espèce humaine et que, comme l'a établi Aristote omnis homo natura scire desiderat, tout homme désire par nature savoir (Métaphysique I, 1). Le terme qui désigne l'espèce dont une femme quelconque est un membre est bien homo.

Alors que les autres animaux ont la face tournée vers la terre, la femme comme l'homme a un visage tourné vers le ciel selon une formule d'Ovide reprise par Lactance.

Après les arguments formels, Schurman use d'arguments empiriques : l'étude occupe utilement les jeunes filles qui sinon tomberaient dans l'ennui ou pire deviendraient vaniteuses, séductrices, paresseuses. La lecture des livres des hommes sages enseigne la prudence nécessaire à la vertu. En outre, plus que les garçons, elles disposent de temps libre pour l'étude et, l'étude se faisant à la maison, elles risquent moins de se perdre en recherchant les plaisirs du dehors.

La dernière série d'arguments renvoie à la cause finale, à la destination de la vie : les arts et les sciences contribuent à exciter en nous un plus grand amour de Dieu par la connaissance de ses œuvres. Enfin cultiver la droite raison permet de vaincre la raison corrompue sur laquelle s'appuient les hérésies (argument X) et perfectionne l'entendement, ce qui protège de l'erreur et du vice comme l'orgueil, la férocité, la vanité.

Pourquoi alors sont-elles si peu nombreuses ? Certes, toutes les femmes ne sont pas douées pour faire des études ou n'en ont pas la motivation ou les capacités intellectuelles mais cette faiblesse est le lot de beaucoup d'hommes aussi. Or bien des hommes, dont les études n'ont pour but que la gloire, le pouvoir, ou la richesse, craignent que, si les femmes faisaient des études, elles ne deviennent plus instruites que leurs maîtres et finissent par leur faire concurrence. Mais surtout la capacité d'étudier, de lire des livres difficiles, d'apprendre des langues ou des sciences requiert une instruction préalable dont la grande majorité des femmes est dépourvue par manque de moyens et surtout parce que cela leur est interdit. Si elles ne peuvent pas entrer dans les Collèges et Académies, au moins peuvent-elles se former à la maison sous la conduite d'un précepteur. Les théologiens, dont Rivet, ne veulent pas permettre aux filles de suivre des études académiques car elles seraient alors mélangées aux garçons.

Schurman doit aussi détruire l'argument qui veut que les études soient entièrement finalisées par les professions ou les états auxquels elles conduisent : enseignement, magistrature, fonctions administratives, politiques ou ecclésiales, fonctions de commandement. Rivet se heurte pourtant là à l'existence de reines qui ont commandé et fait des études[11] ; à quoi il répond par la bouche de saint Paul : « Que les épouses se taisent et soient entièrement soumises quand on les instruit. Je ne permets pas aux épouses d'enseigner ni de prendre autorité sur leurs maris ; mais je leur ordonne de demeurer dans le silence.[12] » Ajoutant que, si cela vaut pour les épouses, a fortiori pour les jeunes filles. Reste que, pour que cet argument soit valide, encore faudrait-il prouver que cet interdit vient de Dieu et non pas de la coutume.

Les études recommandables aux femmes

Une objection courante veut que les femmes n'aient pas besoin de savoir grand-chose et qu'un savoir encyclopédique leur est inutile puisque leur vocation les enferme dans la vie privée et restreinte de la maison. Mais Schurman réfute cette limitation par deux arguments, l'un de fait, l'autre de droit : bien des hommes vivent une vie limitée à la sphère privée et pourtant ils font des études ; selon la formule de Plutarque « l'homme accompli contemple ce qui est et pratique le devoir[13] », sauf que là où Plutarque (Aetius) écrit anhr, l'homme masculin, elle transcrit par homo (« Plutarchi sententia de omnibus et singulis cujuscunque status hominibus jure pronuntiet »), le genre humain.

Peut-on être un-e bon-ne chrétien-ne sans lire la Bible ?

La Bible donne-t-elle des prescriptions strictes sur la division genrée des vocations ou bien les textes auxquels les hommes font référence sont-ils marqués par la culture de ceux qui les ont écrits et particulièrement dans le cas de  Paul ?

Anna Maria veut pouvoir lire la Bible pour elle-même, pas pour enseigner ou prêcher[14]. La question est de savoir si l'étude de la théologie est réservée aux hommes ou si elle est accessible aux femmes. La question sous-jacente est de savoir si on peut être un bon chrétien sans lire et méditer les Écritures. Pour les labadistes, oui ; pour Anna Maria jeune, non ; mais elle abandonnera ce point de vue quand elle vivra dans une communauté labadiste. Qui a le droit de lire et interpréter les Écritures et qui est destiné à les recevoir dans l'interprétation d'un autre ? Seule la coutume et la tradition interdisent cela aux femmes. Comme le dit Locke dans sa critique des Enthousiastes : on ne peut pas admettre cette causalité circulaire qui veut que ce soit une révélation parce que nous le croyons et que nous le croyons parce que c'est une révélation[15].

Conclusion

L'étude est pour les humains, hommes et femmes, le meilleur moyen d'atteindre leur plénitude et d'actualiser leurs potentialités et capacités. L'étude forme les vertus intellectuelles : elle perfectionne l'esprit (argument 8) et le remplit d'un plaisir propre à l'homme (argument 13) ; elle permet de connaître Dieu par sa création (argument 9) et d'éviter la tentation du vice (argument 4). La conclusion s'impose : non seulement il convient à une jeune fille chrétienne de faire des études mais une chrétienne savante n'est pas immodeste ; et comme cet apprentissage doit commencer dès le plus jeune âge, il est du devoir des parents chrétiens de donner à leurs filles comme à leurs fils, ce qui était déjà la position de Thomas More et d'Érasme, les moyens d'étudier.

Jacqueline Lagrée

Bibliographie

Textes originaux

Schurman (van), Anna Maria (1638), Amica dissertatio inter Annam Mariam Schurmaniam et Andr. Rivetum de capacitate ingenii muliebris ad scientiam, Paris, s.n.

Schurman (van), Anna Maria (1641), Dissertatio de ingenii Muliebris ad Doctrinam et meliores Litteras aptitudine, Lugduni Batavorum, Elzeviriana.

Schurman (van), Anna Maria (1673,1678). Eukleria seu Melioris Partis Electio brevem religionis ac vitae ejus delineationem exhibens. Altona ad Albim, Cornelis van der Meulen. https://archive.org/details/ned-kbn-all-00002533-002/

Traductions

Schurman (van), Anna Maria (1646), Question célèbre, s'il est nécessaire ou non que les Filles soient Sçavantes agitée de part et d'autre par Mademoiselle Anne Marie de Schurman et le Sr André Rivet, poitevin, le tout mis en François par le Sr. Colletet, Paris, Rolet le Duc. 1646

Schurman (van), Anna Maria (1659), The learned Maid, or Whether a Maid may be a Scholar. A logic Exercise, London, John Redmayne.

Trad. angl. par Joyce L. Irwin « Whether a christian woman should be educated and another writings from her intellectual circle ». 1998 (Chicago UP)

Venesoen Constant (2004), Anne Marie de Schurman. Femme savante (1607-1678), Correspondance, Paris, Honoré Champion, 239 p.

Autres références

Chosing the better part, Anna Maria van Schurman (1607-1678) edited by M. de Baar, M Lšwensteyn, M.Monteiro and A.Sneller, Kluwer, Dordrecht, 1996, 182p.

Beek (van), Pieta (2010), « The first female university student : Anna Maria van Schurman (1636) », Utrecht, Igitur, 280 p.

Bulckaert, Barbara (2001), « Une lettre de l'humaniste Anna Maria van Schurman (1607-1678) sur l'accès des femmes au savoir », Clio 1/2001 (n¡ 13), p. 11-11. En ligne.

Chicago, Judy (2007), The Dinner Party: From Creation to Preservation, Londres, Merelle Publishers Ltd.

Clarke Desmond « Anna Maria van Schurman and women's education » Revue philosophique de la France et de l'étranger, juillet 2013, vol 203, p. 347-360.

Deyon Solange « Anna Maria van Schurman : une Hollandaise très savante » in P. Totaro  Donne filosofia e cultura nel seicento, Rome, 1999, p. 79-85.

Marie de Gournay (1622) De l'égalité des hommes et des femmes, Paris ; Genève, Droz, 1993.

Irwin Joyce « A.M. van Schurman from feminism to pietism » Church History 1977. Schurman Anna Maria van, 1607-1678, Chicago Chicago UP, 1998.

Kolakowski Leszek (1965) Chrétiens sans Église, Paris, Gallimard 1969.

Lagrée Jacqueline : Notices dans l'Encyclopédie philosophique Paris PUF, 1993. T.3: Marie Huber & Anna Maria von Schurman.

Larsen Anne R. (2016) Anna Maria van Schurman The star of Utrecht, the educational vision and reception of a savante, New York.

Léonard G. (1964) Histoire générale du protestantisme, t. III, p.75-76, Paris, PUF.

Schurmans Marie Noelle « Anna Maria van Schurman, savante et artiste (1607-1678) in Florence Piron et al. Femmes savantes, femmes de science, ch.2, Éditions science et bien commun, Québec Canada, 2015.

J. Voisine « Un astre éclipsé, A.M. van Schurman 1607-1678 » Études germaniques 1972.

 

* * *

Anna Maria van Schurman

Dissertation[16] 

Problème pratique[17] :

Au révérend et très illustre théologien André Rivet

Convient-il à une femme chrétienne de faire des études[18] ?

Nous nous efforcerons de soutenir l'affirmative.

Voici les connaissances admises que nous mettons en avant : en premier lieu du côté du sujet ; en second lieu, du prédicat. Les termes du sujet sont dénués de toute ambiguïté : car lorsque je dis : une femme chrétienne, j'entends qu'elle se déclare telle[19] et qu'elle le soit effectivement.

Les termes du prédicat sont en premier lieu l'étude des Lettres.  Étude, dis-je (pour omettre les autres significations de ce terme) est pris ici pour un attachement zélé d'un esprit vif. Par le mot de Lettres, j'entends la connaissance des langues, de l'histoire, et toutes ces disciplines tant supérieures qu'on appelle facultés[20], qu'inférieures qu'on appelle sciences philosophiques[21]. J'en excepte seulement la théologie scripturaire proprement dite parce que je pose hors de controverse qu'elle convient à tous les chrétiens[22].

En second lieu vient l'expression s'il convient, c'est-à-dire si c'est opportun, approprié et décent.

Après avoir ainsi distingué les termes, il faut distinguer les choses mêmes.

Parmi les femmes, les unes sont intelligentes et les autres vraiment fort stupides ; les unes sont pauvres, les autres plus aisées ; les unes sont très engagées dans les affaires et les soins domestiques, les autres moins.

Les études des Lettres se divisent en universelles, quand on s'y consacre dans toutes les disciplines[23], et en particulières, quand on apprend une langue ou une science avec une certaine faculté.

Les limites

Ce sont d'abord celles du sujet[24] : que la femme dont nous parlons soit dotée au minimum d'une intelligence[25] de qualité moyenne et ne soit pas totalement incapable d'apprendre ; en second lieu, qu'elle soit pourvue des moyens nécessaires à l'étude sans qu'y fasse complètement obstacle le soin étriqué de la maison. J'apporte ici cette exception car il en est peu à qui échoit ce bonheur d'avoir des parents qui veuillent ou puissent les instruire eux-mêmes et qu'on puisse dans ce pays faire travailler des précepteurs sans trop de frais[26]. En troisième lieu, que la condition de son époque et de sa situation soit telle qu'il lui soit permis quelquefois d'échapper à une vocation générale ou spéciale, à savoir aux exercices de piété ou aux affaires domestiques. C'est-à-dire, comme on le conclura facilement, ce que permettra dans l'enfance, la dispense des affaires et des soucis et la liberté, ou à un âge plus avancé, le célibat ou le service de domestiques qui, habituellement, libèrent pour une grande part les matrones plus riches des charges du ménage. En quatrième lieu, que la fin en soit non une vaine gloire ou ostentation ou une curiosité inutile mais outre la fin générale, à savoir la gloire de Dieu et le salut de son âme, qu'elle en sorte meilleure et plus heureuse, qu'elle instruise et dirige sa famille (si c'est à elle qu'incombe cette charge) et qu'elle soit profitable à tout son sexe, autant que faire se peut.

Limites du prédicat

Je limite ainsi les études pour estimer que toutes ces honnêtes disciplines, ou bien encore cette encyclopédie[27] universelle, comme on l'appelle, conviennent à une femme chrétienne (en tant que bien propre et universel de l'être humain[28] ou qu'ornement) ; mais de façon qu'elles soient enseignées successivement ou associées facilement, selon la dignité et la nature de chaque science ou art et, éventuellement, selon leur ordre, lieu et temps, selon la capacité de la jeune fille ou de la femme. Tout d'abord, il est juste de présenter en premier les sciences et les arts qui sont proches de la SS théologie et sont liées aux vertus morales, dont font partie, à mon avis, la grammaire, la logique et la rhétorique. Dans les premières[29], la logique qui est la clé de toutes les sciences, ce que tout le monde déclare expressément. Ensuite la physique, la métaphysique, l'histoire etc., et aussi la connaissance des langues, l'hébreu et le grec en particulier, qui toutes, peuvent nous élever à une intelligence plus facile et plus entière de la S. Écriture (pour ne pas parler d'autres auteurs). Les autres, à savoir la mathématique (à laquelle se rapporte la musique), la poésie, la peinture et les autres arts libéraux gardent leur fonction d'excellent ornement ou divertissement. Enfin nous n'incitons pas à faire ces études qui concernent le droit, l'art militaire, l'art de prendre la parole dans le Temple, l'Assemblée[30], l'Académie, car elles sont moins appropriées et moins nécessaires. Cependant, nous ne concédons pas le droit d'interdire aux femmes de connaître la scolastique ou la connaissance théorétique (comme on l'appelle) de cela et surtout de connaître la très noble discipline politique.

Nous limitons le mot que convient ou qu'est avantageux l'étude, non en tant que propre ou requis ou précisément nécessaire au salut éternel ; pas même comme un bien qui par essence, procure la béatitude en cette vie mais comme un office ou un moyen qui contribue le plus à une vie accomplie et qui pousse ainsi bien plus facilement vers l'amour de Dieu et le salut éternel, par la contemplation des plus belles choses.

Voici ma thèse

L'étude des Lettres convient à une femme chrétienne

Pour le prouver, nous apporterons des arguments d'abord du côté du sujet puis du prédicat.

I. Argument tiré du propre du sujet

Tous les arts et les sciences conviennent à qui, par nature, s'appliquent les principes ou les puissances (potentiae) des principes[31] de tous les arts et sciences. Or les principes et les puissances des principes de tous les arts et sciences s'appliquent par nature à la femme. Donc tous les arts et sciences conviennent aux femmes.

La majeure (propositio) se prouve ainsi : à qui conviennent les principes ou les puissances des principes, convient la connaissance des conclusions qui sont en tirées par nature.

La mineure (assumptio) peut se prouver à partir du propre de la forme[32] de son sujet, à savoir la raison humaine : des actes eux-mêmes ou des effets puisqu'il est manifeste que des femmes apprennent en acte des arts et des sciences ; or les actes ne peuvent exister sans les principes.

II Argument tiré du propre du sujet

À qui le désir des arts et des sciences est inné, par nature, conviennent les arts et les sciences.

Or ce désir des arts et des sciences est inné par nature chez la femme ; doncÉ

La raison de la majeure est évidente car la nature ne fait rien en vain[33].

La preuve de la mineure est que ce qui est inné à l'espèce toute entière est aussi inné aux individus singuliers. Or tout homme désire par nature savoir, comme l'a établi empiriquement le Philosophe (Métaphysique livre I, chap.2[34]).

III. Argument tiré du propre ou d'un ajout externe

A celui que Dieu a créé avec un visage noble, tourné vers le ciel, convient la connaissance et la contemplation des choses sublimes et célestes.

Or Dieu a créé la femme avec un visage noble et tourné vers le ciel. DoncÉ

Alors que les autres animaux se penchent sur la terre,

Il a donné à l'homme un visage tourné vers le ciel [35].

IV. Argument

L'étude des Lettres convient tout à fait à qui manque grandement d'une occupation solide et continue ; or la femme a grandement besoin d'une occupation solide et continue. DoncÉ

La conséquence de la majeure se prouve ainsi : rien ne dirige aussi bien vers soi tous les mouvements de l'esprit (comme le dit le grand Érasme[36]) et rien n'occupe ainsi totalement le cœur d'une jeune fille que l'étude où il est permis de se réfugier en toute occasion, comme vers un asile.

La mineure se prouve par ce double argument :

1/ Celle à qui la vanité fait courir un grand péril, en raison de la faiblesse ou de l'inconstance de son esprit ou de son caractère et des séductions innombrables du monde, a grandement besoin d'une occupation solide et continue.

Or la femme en raison de sa faiblesse etc. DoncÉ

La majeure peut se prouver à son tour : parce que ce sont les contraires qui soignent le mieux les contraires et que rien ne résiste plus fortement à la vanité qu'une occupation sérieuse et continue.

La mineure, pensons-nous, est hors controverse : car aucune vertu héroïque ne peut dominer les Sirènes de la jeunesse et du monde si elle ne s'occupe de choses sérieuses et solides.

2/ Raison qui prouve l'assomption ou la mineure de l'argument IV :

Qui dispose de beaucoup de loisir a grandement besoin d'une occupation solide et continue.

Or les femmes dont la condition est la plus brillante, disposent généralement de beaucoup de loisir. Donc.

On prouve ensuite la conséquence de la majeure : d'abord de ce que le loisir est par soi ennuyeux, bien plus, pesant, comme l'a dit à juste titre le divin <Grégoire de > Nazianze[37] : « l'action est plus grande que l'inaction[38] » ; deuxièmement parce que le loisir donne des vices.

On sait que les hommes qui ne font rien apprennent à mal faire[39].

V. Argument

L'étude des Lettres convient à qui échoit une vie plus tranquille et plus libre.

Mais une vie plus tranquille et plus libre échoit souvent aux femmes. Donc l'étude des Lettres convient souvent aux femmes.

La raison de la majeure est évidente car il n'y a rien de si favorable aux études que la tranquillité et la liberté.

Nous prouvons la mineure par cet argument :

A qui, le plus souvent, il échoit d'avoir du temps[40] pour soi, en étant dispensé des soucis et des affaires publiques, échoit une vie plus tranquille et plus libre.

Mais il échoit le plus souvent à une femme (surtout célibataire) d'avoir du temps libre pour elle-même etc. Donc.

VI. Argument

A qui convient l'étude des sciences principales[41] convient aussi l'étude des sciences instrumentales et auxiliaires[42].

Or l'étude des sciences principales convient à une femme chrétienne. Donc.

La conséquence de la majeure est valide car :

A qui une fin convient, conviennent aussi les moyens légitimes permettant d'atteindre facilement cette fin. Or les sciences instrumentales et auxiliaires sont les moyens légitimes, etc. Donc.

On prouve la mineure ainsi : A une femme chrétienne convient l'étude ou bien encore une méditation sérieuse et assidue de la parole divine, la connaissance de Dieu, l'examen de ses œuvres les plus belles[43], ce qui concerne également tous les chrétiens[44].

L'étude des Lettres convient à qui doit chercher à se divertir chez soi, à la maison, plutôt que dehors, chez les autres.

Or les femmes doivent se divertir chez elles à la maison plutôt que dehors chez les autres. DoncÉ

La majeure est tout à fait vraie parce que les études ont cette prérogative d'avoir toujours pour compagnon le plaisir sans en avoir besoin d'autres en plus. Ce qui fait que, selon un proverbe grec, le sage est dit αυτο¹ροαιρετος και αυτο¹αθης indépendant et réfléchi[45].

La preuve de la mineure est tout aussi claire puisque l'Apôtre[46] veut que les femmes s'occupent de la maison[47] (Ép. à Tite II 5). Ensuite l'expérience même atteste que beaucoup mettent en doute la bonne foi, le sérieux et même la pudeur de celles dont la langue, les oreilles et les yeux ont l'habitude de sortir trop souvent et de rechercher les plaisirs du dehors.

VII. Argument provenant du genre du prédicat, à savoir de la science.

À qui convient toute vertu en général conviennent les arts et les sciences.

Or toute vertu en général convient à la femme.

Donc les sciences et les arts conviennent à la femme

La majeure est évidente en raison de la division de la vertu en vertu intellectuelle et morale, vertu sous laquelle, je veux dire la première, le philosophe[48] embrasse les arts et les sciences ;

La mineure n'a pas besoin de preuve puisque la vertu comme dit Sénèque[49] n'a ni fortune ni sexe.

VIII. Argument tiré de la fin des sciences.

Tout ce qui perfectionne et embellit l'entendement humain[50] convient à une femme chrétienne.

Or les arts et les sciences perfectionnent et embellissent l'entendement humain. Donc.

La raison de la majeure est : parce qu'à toute créature convient sa dernière et plus grande perfection, ce vers quoi il faut tendre de toutes ses forces.

La mineure se prouve ainsi : parce que les arts et les sciences sont des dispositions[51] qui perfectionnent les puissances naturelles de l'entendement humain[52].

IX. Argument

Tout ce qui, par nature, contribue à exciter en nous un plus grand amour et crainte[53] de Dieu convient à une femme chrétienne.

Or les arts et les sciences, par nature, contribuent à exciter un plus grand amour et crainte de Dieu. Donc.

La vérité de la majeure est plus claire que le jour parce que l'amour le plus parfait et la plus grande crainte de Dieu conviennent à tous les êtres humains et qu'en ce domaine nul ne peut pêcher par excès.

La mineure se prouve par cet argument : tout ce qui nous incite à regarder et à connaître Dieu et les œuvres divines à un degré plus éminent, cela porte par nature à exciter en nous un plus grand amour et crainte de Dieu.

Or les arts et les sciences nous incitent à regarder et à connaître Dieu et les œuvres divines à un degré plus éminent. Donc.

Nous prouvons ensuite la majeure par cet argument :

Plus on connaît ce qui, véritablement, est le plus beau, le meilleur et le plus parfait, plus on l'aime et plus on le tient digne de respect et d'honneur.

Or Dieu et toutes ses œuvres sont ce qu'il y a de plus beau, de meilleur, etc. Donc.

La mineure, à son tour, peut se prouver à partir de la fin ou des résultats des sciences car toutes conduisent au plus haut point à une connaissance plus aisée et plus distincte de Dieu et des œuvres divines.

X. Argument

Tout ce qui nous prémunit contre les hérésies[54] et dévoile leurs pièges convient à une femme chrétienne.

Or les sciences[55] etc. Donc.

La raison de la majeure est évidente car aucun chrétien ne doit négliger son devoir en ce commun péril.

On prouve la mineure : parce que cette philosophie plus saine est comme une cuirasse et (pour me servir des mots de Clément d'Alexandrie) la haie de la vigne du Seigneur[56]  ou de l'enseignement du Sauveur ; ou encore (similitude qui plut au grand Basile) quand elle est réunie à l'Évangile, c'est l'équivalent des feuilles qui servent d'ornement et de protection à leurs fruits. Car, par la raison droite, on peut très facilement vaincre la raison bâtarde ou corrompue sur laquelle s'appuient principalement les hérésies.

XI. Argument

Tout ce qui enseigne la prudence, sans préjudice pour la réputation et la modestie, convient à une femme chrétienne.

Or les études enseignent la prudence sans préjudice pour la réputation, etc. Donc.

La majeure est incontestée car nul n'ignore que l'honneur du sexe féminin est très fragile et que presque rien ne lui manque plus que la prudence ; ensuite combien il est difficile et aléatoire (à ce qu'on dit) de puiser la prudence dans l'usage ou l'expérience.

La mineure se prouve ainsi : nous trouvons dans les écrits des savants[57] non seulement d'excellents préceptes mais encore de très beaux exemples qui nous conduisent comme par la main[58] vers la vertu.

Argument XII

Tout ce qui œuvre à la vraie grandeur de l'esprit convient à une femme chrétienne.

Or l'étude des Lettres œuvre à la vraie grandeur de l'esprit. Donc.

Je prouve la majeure parce que plus on est, par nature, enclin à ce vice de pusillanimité, plus on manque de l'aide de la vertu opposée. Mais la femme par nature etc. Donc.

On prouve la mineure de ce que la science élève les esprits des êtres humains et débarrasse le vulgaire du fantôme de ces choses qu'habituellement il craint ou qui l'affectent tyranniquement.

Argument XIII

Tout ce qui emplit l'esprit de l'être humain d'un plaisir éminent et honnête, convient à une femme chrétienne.

Or l'étude remplit l'esprit d'un plaisir éminent et honnête. Donc.

On prouve la majeure : car il n'y a rien de plus conforme à la nature humaine qu'un plaisir éminent et honnête qui, chez l'homme, présente une certaine ressemblance avec la joie[59] divine. Ce qu'Aristote (Éthique VII, 13[60]) proclame magnifiquement en ces termes :  le plaisir par nature est quelque chose de divin, planté chez les mortels.

Preuve de la mineure : il n'est pas (excepté le plaisir surnaturel des chrétiens) de plaisir plus digne d'un esprit (mens) libre ni plus grand que celui qui résulte habituellement de l'étude, ce qu'il est facile de prouver tant par des exemples que par divers arguments.

XIV. Argument tiré de l'opposé

À qui ne convient pas l'inscience[61] ou encore l'ignorance, convient l'étude.

Or l'inscience ne convient pas à une femme chrétienne. Donc.

La majeure se confirme par cet argument : ce qui par soi est non seulement cause d'erreur dans l'entendement mais encore de vice dans la volonté ou l'action ne convient pas à une femme chrétienne.

Or l'inscience ou l'ignorance est par soi cause d'erreur etc. Donc.

On prouve ensuite la raison de la majeure. D'abord eu égard à l'erreur dans l'entendement parce que, dans l'entendement (qu'on appelle l'œil de l'âme[62]), l'ignorance ou l'inscience n'est rien d'autre que la cécité et l'obscurité qui, manifestement, est cause de toute erreur. En second lieu, eu égard au vice dans la volonté ou dans l'action parce que tout ce qui, par soi, rend les êtres humains orgueilleux, féroces, etc. est cause de vice dans la volonté ou dans l'action.

Or l'ignorance ou l'inscience rend par soi les hommes orgueilleux. Donc.

La raison de la majeure est évidente.

On prouve la mineure ainsi : moins on se connaît, plus on est content de soi et plus on méprise les autres. Et celui qui ne sait pas combien il se méconnaît pense beaucoup de bien de soi. Ensuite (pour traiter de la violence), il n'est rien de plus intraitable que l'inscience, ce dont Érasme témoigne plus d'une fois, lui qui en a fait l'expérience. Et je renverrai ici à la phrase du divin Platon : « l'homme, avec une éducation correcte, devient d'ordinaire l'animal le plus divin et le plus apprivoisé mais, lorsqu'il a reçu une éducation insuffisante ou mauvaise, il devient le plus sauvage de tous ceux qu'engendre la terre[63] ». Ajoutons qu'avoir appris soigneusement les arts libéraux adoucit les mœurs et empêche d'être sauvages.

Ensuite on peut montrer le danger de l'inscience eu égard au vice, à partir du vice même et de la nature de la vertu. Puisque toute action de vertu requiert une si grande acribie[64] qu'il lui soit nécessaire de satisfaire complètement à la norme de la droite raison, le plus petit désordre[65] qui suit spontanément l'ignorance peut suffire pour rendre pleinement raison du vice.

Pour faire bref, j'omets ici les témoignages et exemples.

Réfutation des adversaires

Nous pensons qu'il faut avancer ici ces points bien connus.

Il y a en effet des adversaires, aux yeux quasi arrachés par je ne sais quels préjugés, qui ne se contentent pas de limiter notre sujet mais qui pensent qu'il suit de notre thèse qu'il ne faut pas discerner entre les entendements ni entre les conditions[66], d'autant moins qu'ici cela conviendrait au prédicat.

Il y en a aussi qui, semble-t-il, ne reconnaissent d'autre fin aux études que la richesse ou une vaine gloire : ils ne s'y adonneraient que pour obtenir des fonctions publiques, ce qui est un mensonge[67] principiel[68] et plutôt honteux, comme si c'était du temps perdu que de « philosopher pour échapper à l'ignorance[69] ».

Il en est enfin qui ne nient pas totalement que des études conviennent à la femme mais seulement un niveau plus éminent de la science[70]; ceux-là, l'émulation peut être ou certainement la crainte les tourmente de peur que n'arrive un jour ceci : « bien des disciples sont plus forts que les maîtres[71] » et cet autre propos du plus ancien des poètes[72] :

« Mais vous, jeunes gens, vous montrez des esprits de femme et cette gaillarde un esprit d'homme[73]. »

Thèse des adversaires

L'étude ne convient pas à une femme chrétienne, à moins peut-être d'y être divinement poussée par un mouvement ou un instinct particulier.

1/ Argument du côté du sujet

L'étude ne convient pas à une intelligence trop faible. Or la femme a une intelligence trop faible. Donc.

Ils prouveront la majeure de ce que l'étude requiert une intelligence solide et vigoureuse, à moins de vouloir travailler en vain ou de risquer un dérangement de l'esprit[74]. Ils posent la mineure pour incontestée.

Pour la majeure, nous répondons : La limitation que nous avons faite exclut celles qui, en raison de la faiblesse de leur intelligence, sont tout à fait incapables d'étudier, en posant qu'en ce domaine soit requise au minimum une intelligence moyenne ; ensuite nous disons qu'il n'est pas précisément nécessaire pour étudier d'avoir toujours des intelligences dignes de héros puisque, nous le voyons, on trouve un peu partout bon nombre de médiocres chez les hommes (vir) savants.

Je réponds à la mineure : ce n'est pas vrai absolument mais seulement par comparaison avec le sexe masculin. Car, même si les femmes ne peuvent être comparées pour l'intelligence avec les hommes les plus excellents qui sont comme « des aigles dans les nuées »[75], cependant, le fait est qu'on peut en trouver un bon nombre qui peuvent être admises aux études fructueusement. Mais

Pour le tirer du contraire

L'étude convient surtout à celui dont on estime qu'il a moins de dispositions intellectuelles.

Or la femme a moins de dispositions intellectuelles. Donc.

On prouve la majeure ainsi :

A qui est moins pourvu de dons par la nature conviennent les moyens et les ressources avec lesquels il pourrait remédier à ces défauts.

Or les études sont ces moyens et ces ressources etc. Donc.

Objection II

Les études ne lui conviennent pas à qui n'a pas l'esprit enclin aux études[76].

Or l'esprit de la femme n'est pas enclin aux études. Donc.

Ils prouvent la majeure de ce qu'on ne peut rien faire (comme on dit) malgré Minerve[77].

Ils prouveront la mineure de ce qui se passe habituellement car il est extrêmement rare que les femmes exercent leur esprit à l'étude.

Nous répondons à la majeure en disant : celui dont l'esprit n'est pas enclin aux études alors que tous les moyens ont été légitimement essayés, les études ne lui conviennent pas. Sans quoi la conséquence est réfutée.

Pour la mineure nous disons : personne ne peut juger correctement de notre inclination aux études avant de nous avoir encouragé à faire des études avec les meilleures raisons et moyens, tout en nous en faisant apprécier la douceur. Et cependant, nous ne manquons pas d'exemples qui prouvent que le contraire est vrai.

Objection III

L'étude ne convient pas à qui manque des moyens nécessaires à l'étude.

Or les femmes manquent des moyens nécessairesÉ Donc.

La majeure n'est pas controversée.

Ils s'efforcent de prouver la mineure du fait qu'il n'y a pas aujourd'hui de Collèges et d'Académies dans lesquels elles puissent se former.

Mais nous nions cette conséquence car il suffit qu'elles puissent se former à la maison sous la conduite des parents ou d'un précepteur privé.

Objection IV

Les études ne conviennent guère à ceux dont les études excèdent leur fin propre.

Or les études excèdent la fin propre de la femme. Donc

On peut prouver la majeure de ce que la fin est ce pour l'amour de quoi tout se fait.

Ils prouvent la mineure de ce que les femmes ne parviennent que très rarement[78]  ou jamais aux charges publiques, politiques, ecclésiastiques, académiques etc.

Nous répondons à la majeure : les femmes ne sont nullement privées de leur fin propre dans les sciences spéculatives ; et dans les sciences pratiques (que nous avons rappelées) elles atteignent sinon la fin première ou publique, au moins une fin secondaire, dirais-je, et plus privée.

Objection V

A qui suffit pour accomplir sa vocation de savoir peu de choses, un savoir encyclopédique ne convient pas, pas plus que le degré plus élevé de la science.

Or les femmes n'ont pas besoin de savoir beaucoup de choses pour accomplir leur vocation etc. Donc

Ils prouvent ainsi la conséquence de la majeure : il ne convient à personne d'agir selon une vocation qui lui soit étrangère ou inutile.

Ils prouveront la mineure de ce que la vocation de la femme est enfermée dans des bornes tout à fait étroites, à savoir les limites de la vie privée ou domestique.

On laisse de côté la majeure.

Nous répondons à la mineure : il y a une ambiguïté dans les termes et d'abord dans celui de vocation. Car si l'on entend ici la vocation de la vie privée qui s'oppose aux charges publiques, nous disons que, pour la même raison, on refuse un savoir encyclopédique ou un degré plus élevé de la science à tous les hommes qui doivent vivre une vie privée ; cependant la formule très profonde de Plutarque, qui vaut pour tous et chacun, quelle que soit sa position, affirme à juste titre des hommes[79] :

« II faut que l'homme achevé soit celui qui a à la fois le savoir théorétique de ce qui est et le savoir pratique des devoirs »[80].

Si au contraire, entendent une vocation spéciale au service de la famille ou des soins domestiques, nous disons qu'elle ne supprime pas la vocation universelle qui nous concerne tous, par laquelle nous sommes chrétiens ou du moins humains. Bien plus j'oserais affirmer qu'une vierge peut et doit être disponible par-dessus tout pour cette dernière, en tant qu'elle est habituellement plus libre des inconvénients de la première[81].  « 'Η αγαμος μεριμνα τα του Κυριου. Une vierge s'occupe du soin des choses du Seigneur » (Paul) 1 Cor. 7.v.34.

En second lieu, il y a une ambiguïté dans l'expression Ôil suffit' : suffirait pour la lever, ce que nous avons dit plus haut de la limitation du terme « est ce qu'il convient ? » à propos de la nécessité des études.

Donc notre thèse est établie

L'ÉTUDE DES LETTRES CONVIENT À UNE FEMME CHRÉTIENNE.

D'où nous tirons cette conclusion :

Les femmes, pour d'excellentes raisons valides, selon les témoignages des sages et aussi d'exemples de femmes illustres, peuvent et doivent être poussées à embrasser ce genre de vie ; et en premier lieu, celles qui, entre autres, disposent de loisir et d'autres moyens et subsides pour faire des études. Et parce qu'il importe que leur esprit (mens) soit imprégné des meilleures études dès la petite enfance, nous pensons qu'il faut d'abord inciter leurs parents et les engager avec sérieux à leur devoir.

 

 



[1] Mais l'information n'est pas sûre.

[2] Anecdote rapportée par Pierre Yvon dans sa Vie de Labadie de 1754. Tout en approuvant cette thèse, Descartes répondit que la lecture de la Genèse qu'il avait tenté de faire en hébreu ne lui apprenait rien de clair sur l'origine du monde, ce qui indigna si fort Anna Maria van Schurman qu'elle rompit toute relation avec lui. Kolakowki, Chrétiens sans Église, p. 309-310

[3] « Veros christianos solos esse Philosophos eosque tantum veram creaturarum habere cognitionem. Illi enim soli cognoscunt verum earum Principium, unum illum verum Deum qui vastum hoc naturae theatrum ex nihilo uno suo verbo potenti produxit et sustentat ». Euklèria p.43-44. Cité par Kolalowski p.795.

[4] Sur Labadie voir Kolakowski, Chrétiens sans Église.

[5] Voir Irwin, 1977.

[6] Problème pratique et non pas théorique ou spéculatif qui concerne la conduite de la vie et non pas une question théorique comme celle de l'égalité des sexes.

[7] Voir la préface de Johannes van Beverwijck.

[8] Voir Theo Verbeek, Descartes and the Dutch, Southern Illinois Press, 1992.

[9] Avec des références à saint Paul.

[10] Euklèria p.32

[11] Voir citation in Clarke ¤34 et Opuscula p.84

[12] Paul I Ép. à Timothée, II : 11-12 l terme qui désigne la femme est mulier, l'épouse et en grec gunè.

[13] Aetius (pseudo Plutarque) Opinions des philosophes I, 1, 874F.

[14] Quoiqu'elle le fera plus tard quand elle rejoindra la communauté labadiste.

[15] Locke, Essai sur l'entendement humain, livre IV, ch. 18, ¤6. Voir aussi Le Caractère raisonnable du christianisme.

[16] Opuscula 1652, 29-55. Je remercie mon collègue et ami André Hélard qui a accepté de revoir le texte avec moi. Les fautes qui demeurent sont miennes.

[17] Problema praticum : question qui concerne la vie active par opposition à une question concernant la vie contemplative ou théorétique (cf Plutarque cité plus bas).

[18] Je traduis studium Litterarum par faire des études en général car traduire par études littéraires serait trop restrictif puisqu'il est aussi question des mathématiques ou de la physique.

[19] Professio renvoie à la profession de foi.

[20] Le droit, la théologie naturelle, l'histoire, les langues.

[21] La logique, la physique, la métaphysique.

[22] C'est là une position réformée qui veut que tout chrétien puisse lire et étudier l'Écriture sainte.

[23]  Par ex. la logique, la grammaire ou la rhétorique.

[24] *Note AMS : Sur le savoir des jeunes filles qui ont été instruites en partie chez de riches étrangers, en partie à la maison, lire Tite. Live Livre 3, Pline livre 1, Ep. 17 ; Athénée. 1 ; Plutarque : Sur l'éducation des enfants ; Gordien livre15.  Sur la gestion des affaires ; Guillaume Fournier sur Cassiodore.

[25] Ingenium qui désigne l'esprit, le tempérament, ici la capacité d'apprendre donc l'intelligence.

[26] Schurman a profité de l'enseignement des précepteurs de ses frères.

[27] En grec : enkuklopaïdeïan désigne la totalité (le cercle) du savoir.

[28] Homo et non pas vir qui désigne le genre humain sans spécification sexuée.

[29] À savoir les connaissances utiles partout.

[30] Curia.

[31] Le terme principium ou potentia principii renvoie au sens du grec archè, le commencement ou le principe, la source d'un raisonnement, d'une pratique ou d'un savoir.

[32] Le propre de la forme (­ matière) est une notion aristotélicienne. Le propre de l'homme (homo) c'est la raison qui distingue l'homme des animaux. Sur le propre cf. Aristote Topiques I 5.

[33] Aristote, De l'âme, III 12.

[34] « Tous les hommes désirent naturellement savoir » Première phrase de la Métaphysique d'Aristote (livre I, ch. 1 et non pas 2) 980a21.

[35] Ovide, Métamorphoses I, 84-85, cité par Lactance Institutions divines II, 1.

[36] *Note AMS : Dans la lettre à Guillaume Budé où il parle de l'éducation des filles de Thomas More (Ep. 1233, Allen IV 577). Érasme a défendu le droit à l'étude pour les filles.

[37] Grégoire de Nazianze 329-390, théologien de Cappadoce.

[38] En grec dans le texte : mégistè praxis apraxia.

[39] Sentence attribuée à Publius Syrus (Ier siècle) .

[40] vacare.

[41] L'étude de la Bible et la théologie.

[42] L'étude des langues anciennes, l'histoire etc.

[43] Ce qui implique de faire de la physique pour mieux admirer la création.

[44] Ici encore affirmation de la position réformée : le chrétien doit avoir un accès direct à la parole divine sans passer par une médiation cléricale ou savante et cela vaut pour tous, hommes et femmes.

[45] Autoproaïrétos kaï autopathès.

[46] Saint Paul, l'apôtre par excellence.

[47] Oïkourous.

[48] Le philosophe par antonomase est Aristote.

[49] Sénèque, Des bienfaits, IV, 18, ¤2.

[50] Intellectum hominis.

[51] Habitus = hexeis terme aristotélicien.

[52] *Note AMS : le bien ajouté au bien (comme dit le philosophe dans les Topiques) produit un plus grand bien. Topiques II,11.

[53] Reverentia : crainte respectueuse.

[54]  C'est le propre des sectes protestantes de combattre leurs rivales en les déclarant hérétiques.

[55] En l'occurrence la théologie scripturaire.

[56] L'image renvoie à l'évangile de Matthieu, XXI 33 « il y avait un père de famille qui, ayant planté une vigne, l'enferma d'une haieÉ ».

[57] Au masculin et avec le terme vir et non pas homo comme dans les occurrences précédentes.

[58] Manu ducere renvoie au terme manuductio, le Manuel, employé par Épictète ou Érasme.

[59] Laetitia la joie qui se distingue de voluptas, le plaisir.

[60] En réalité Éthique à Nicomaque VII 14 1153 b 33 « car tous les êtres ont naturellement en eux quelque chose de divin ».

[61] Inscientia l'inscience ou le non savoir, terme qui désigne un non savoir généralisé (comme dans le dit de Socrate « tout ce que je sais c'est que je ne sais rien ») par différence avec l'ignorance particularisée (ignorance de quelque chose).

[62] Note marginale en grec d'AMS « si la lumière qui est en vous n'est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres mêmes ? » Ει το φως το εν σοι, σκοτος εστι, το σκοτος ¹οσον . to phôs, to en soï ,skotos estin, to skotos poson Mt VI :23. Ce thème de l'entendement lumière de l'âme a été abondamment développé par les Platoniciens de Cambridge.

[63] Platon, Lois VI 765e, cité en grec : Ο ανθρω¹ος ¹αιδειας μην ορθης τυχων, τεωτατον. ημερωτατον τε ζωων γιγνεαζι φιλει. μη ικανως δε η μη καλως τραφεν, αγριωτατον μην ο¹οσα Φυειγη. O anthropos païdeïas mèn orthès tuchôn, téôtaton èmerôtaton te zôôn gigneazi phileï, ikanôs de è kalôs traphen, agriôtaton mèn oposa phueïgè.

[64] En grec akribéia : à la fois finesse et rigueur.

[65] En grec dans le texte ataxia : désordre.

[66] Il s'agit ici des conditions sociales ou de vie : une femme sans charge sociale ou familiale, dotée de revenus suffisants, etc.

[67] En grec dans le texte pseudos.

[68] En grec dans le texte prôton.

[69] En grec dans le texte ; citation d'Aristote, Métaphysique I, ch.2, 982b20 dia to pheugein tèn agnoian.

[70] AMS ne précise pas lequel, sans doute la connaissance de l'Écriture sainte.

[71] En grec dans le texte : ¹ολλοι μαθηται κρειττονες διδασκαλων. polloï mathètaï kreïtones didaskalôn. Érasme (Adages) le cite chez (Cicéron, Lettres familières IX, 12 ¤2) « Multi discipuli praestantiores magistris. » On peut penser ici à Hypatie (IVe siècle) ou à Anna Maria van Schurman elle-même.

[72] Ennius (239-169).

[73] « Vos etenim juvenes animos geritis muliebres / Illa virago viri » avec l'opposition juvenes (masculin) et virago (féminin) qui a un esprit (animus) d'homme mâle.

[74] αρρωστιας της διανοιας. arrôstias tès dianoias en grec dans le texte ; désigne chez les stoïciens une maladie de l'âme, une faiblesse qui résulte des passions ; cf. Cicéron, Tusculanes IV, x .

[75] Aétoï en nephélais en grec dans le texte. Proverbe grec ancien repris par Érasme dans les Adages (aquila in nubibus) pour désigner quelque chose d'impossible à atteindre ou un esprit excellent qui l'emporte de beaucoup sur les autres.

[76] Après l'examen des compétences vient celui des motivations.

[77] Cicéron Off 1, 110. « Il n'y a nulle convenance quand on agit Òmalgré MinerveÓ comme on dit, c'est-à-dire en opposition avec sa nature. »

[78] À l'exception de reines comme Elizabeth I reine d'Angleterre ou Christine reine de Suède et philosophe. Rivet lui-même dans sa correspondance avec A.M. van Schurman évoque l'exception des femmes appelées au trône en l'absence d'héritier mâle.

[79] Homines dans le texte latin et en grec chez Plutarque anèr.

[80] Plutarque Opinions des philosophes I, 1, 874F : Δει τον τελειον ανδρα και θεωρητικον ειναι των οντων, και ¹ρακτικον των δεοντων. En grec, AMS remplace anagkaion par deï.

[81] Allusion à l'opposition évangélique entre Marthe, occupée aux soins domestiques, et sa sœur Marie, qui écoute Jésus et contemple. Luc X : 38-42.

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