Claude Le Bigot,
professeur émérite de l'université de Rennes 2, consacre
ses travaux à la poétique du texte et à l'histoire de la
poésie espagnole. Parmi ses ouvrages les plus récents, il
a publié un essai sur Libro del frío d'Antonio
Gamoneda. Une poétique de la discontinuité (Paris,
Puf/Cned, 2009). Il a traduit, pour les éditions du
Murmure, Trois poètes espagnols contemporains
(2007) et Le Livre, derrière la dune de Andrés
Sánchez Robayna (2012).
Claude Le Bigot propose ici des traductions du poète espagnol Andrés Sánchez Robayna.
Mis en ligne le 28 juin 2013.
Toutes les traductions proposées ici sont inédites.
Traductions d'Andrés Sánchez Robayna
Andrés Sánchez Robayna est né à Las Palmas
en 1952. Il est actuellement professeur, titulaire de la chaire
de littérature espagnole de l'université de La Laguna (Tenerife).
Il est docteur ès lettres de l'université de Barcelone (1977).
Fondateur et directeur des revues Litteradura (1976) et Syntaxis
(1983-1993). Spécialiste de littérature du siècle d'or espagnol,
il est l'auteur de plusieurs essais : Trois études sur Góngora
(1983), La Lumière noire (1985), Pour lire Sœur Inés de la Cruz
(1991), Silve gongorine (1993). Il a également publié des
journaux (1980-1995) sous le titre L'Imminence, dans lesquels il
consigne des réflexions d'ordre philosophique, esthétique et
éthique. Son œuvre de traducteur est considérable avec des
versions de poètes de langue anglaise, franŤaise, portugaise et
catalane. Il dirige l'atelier de traduction littéraire de
l'université de La Laguna. Il a obtenu en 1982 le prix national
de traduction. Il collabore régulièrement en tant que critique
littéraire aux pages culturelles de la revue Destino. Son
œuvre poétique qui réunit dix recueils de poésie est publiée sous
le titre En el cuerpo del mundo. Obra poética (1970-2002) dans la
prestigieuse collection Galaxia Gutenberg, Círculo de Lectores
(Barcelone, 2004). En 1984, la parution du recueil La Roca (La
Roche) lui vaut le prix national de la critique. Depuis il a
publié Sur une confidence de la mer grecque, traduit par Jacques
Ancet, et La Sombra y la apariencia (2010) chez Tusquets. il est
régulièrement sélectionné dans diverses anthologies d'audience
nationale. Il est traduit très partiellement dans diverses langues
(anglais, italien, tchèque, franŤais, arabe).
La retama I Retama tú que yaces sobre páramos de viento y matas y sol lento dime tu solo ápice blanco pico de soledad
adamada retama
II
sí tu sentido tu savia breve tu curva al sol de
octubre
savia que sube blanca hasta el sonido del viento
III
Sigiloso sentido
en la ventisca sigues alta médula de luz
dime tu solo soplo
retama tú que
IV
Retama tú que alzas albor
no temes sombra sobre tu ramo de claridad
dime al oído di- le tu solo silencio le- vantado del viento
V
en la ladera de soledad
del lado del sol seco que un sol sopla
retama
dime la soledad la sola luz
De La Roca (1984)
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Le genêt
I
Genêt toi qui te penches sur des terrres chétives
de vent et d'herbes folles et de soleil lent
clame ton seul éclat blanc pic de solitude
genêt courtisé
II
Oui ton sens ta sève brève ta courbe au soleil d'octobre
sève qui monte blanche jusqu'au son du vent
III
Sens silencieux
sous les coups du vent tu te dresses haute colonne de lumière
fais entendre ton seul souffle
ô toi genêt qui
IV
Genêt toi qui hisses ta blancheur
ne crains pas l'ombre sur ta branche de clarté
clame à mon oreille dis-lui ton seul silence é- levé dans le vent
V
sur la pente de solitude
du côté du soleil sec qu'un soleil souffle
genêt
fais entendre la solitude la lumière seule
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La roca
Negro tranquilo de la forma.
Las aguas brillan y se agolpan
sobre el silencio de la roca.
El cielo negro no es más negro
que su cerrado negro, entero
aun bajo un cielo de sol seco.
Casa del dios oculto, negra
morada pétrea porque vea
el hombre allí su fortaleza.
Naciente o dios oscuro, fijo,
porque allí vea su sentido,
la luz en paz y su destino.
De Palmas sobre la losa fría (1989)
En la tumba de Stéphane Mallarmé
El bosque se alza bajo el frío,
gobierna altivo nuestros pasos.
Desolación. Tu nombre y, luego,
los de los tuyos, a tu lado.
La losa oscura. Una columna,
Únicamente. Encima, un ánfora.
Anulación de todo signo.
El gris celaje sobre el ánfora.
Tu nombre escrito que el azar
no abolirá. Y un cuervo tardo
sobre la hierba. Pasa un tren
en el silencio conjurado.
¿Somos tan sólo vanas formas
de la materia? Tú, en tu barca,
en el otoño rojo y húmedo,
bogas sereno hacia tu nada.
De La Sombra y la apariencia (2010)
Breve meditación sobre la cal y el tiempo
¿Recuerdas aquel callejón, en el verano de los cielos traslúcidos? Se desnudaba la tierra, el aire pasaba su mano sobre la levedad del mundo. Todo se hacía un seco, mudo despojamiento. Caminábamos por un país de sal, bajo un mezclado chillido de gaviotas. Nuestros pasos parecían perderse sobre la tierra, o dirigirse, sin saberlo, hasta un lugar de ella que no podíamos conocer, y que de alguna forma parecía llamarnos. Espacio interior, pensaste, si no fuera porque no podía haber espacio más exterior que aquél, más expuesto al dominio solar. Secreta, sorda interioridad de lo visible. El cielo suspendido ofrecía su mutación de cambiantes azules. Todas las calles del pueblo blanco lucían banderines de fiesta. Sólo en aquella calle, desierta, desolada, nada venía a alterar la detenida aurora de la cal soberana. Viste entonces el muro, lo viste de verdad. Sus desconchados eran las heridas del tiempo. Muchos muros venían a converger en él, los que vieron los ojos de los muertos y aquellos que tú mismo contemplaste al paso de los años. Ese caudal de albor quebrado rompía en el aquí. En las desconchaduras la cal se consumaba. Ese audal comaba la tierra suficiente, destruía sin fin toda apariencia. Era el rostro del tiempo.
De La Sombra y la apariencia (2010)
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La roche
Noir tranquille de la forme.
Les eaux brillent et s'accrochent
sur le silence de la roche.
Le ciel noir n'est pas plus encré
que le noir le plus sombre, entier
encore sous un ciel de soleil asséché.
Maison du dieu caché, sombre
demeure de pierre, de sorte
que l'homme y découvre sa force.
Immobile naissance ou obscure divinité,
de sorte qu'il y trouve en un sens précisé,
la lumière en paix et sa destinée.
Sur le tombeau de Stéphane Mallarmé
Sous le froid se dresse la forêt,
altière, elle règle nos enjambées.
Désolation. Ton nom et, ensuite,
ceux des tiens, à tes côtés.
La dalle sombre. Une colonne,
seulement. Au-dessus, une amphore.
Annulation de tout signe.
La nuée grise sous l'amphore.
Ton nom écrit que le hasard
ne peut abolir. Et un corbeau sautille
dans l'herbe. Un train passe
dans un silence complice.
Sommes-nous seulement des formes
vaines de la matière ? Toi, sur ta barque,
dans l'automne rouge et humide,
calme vers ton néant tu suis la vague.
Brève méditation sur la chaux et le temps
Te souviens-tu de cette ruelle, sous les ciels diaphanes de l'été ? La terre se déshabillait, l'air passait sa main sur la légèreté du monde. Tout devenait un dépouilllement sec et muet. Nous cheminions dans un pays de sel, sous les cris mêlés des mouettes. Nos pas semblaient se perdre sous la terre, ou se diriger, sans savoir, vers un lieu que nous ne pouvions pas connaître, et qui d'une faŤon ou d'une autre semblait nous appeler. Espace intérieur, as-tu pensé, parce qu'il ne pouvait pas exister d'espace plus exterieur que celui-là, plus exposé au domaine solaire. Secrète et sourde intériorité du visible. Le ciel suspendu offrait sa métamorphose de bleus chatoyants. Toutes les rues du village blanc brillaient de leurs oriflammes festifs. De cette rue déserte, désolée, absolument rien ne venait troubler l'aurore suspendue de la chaux souveraine. Alors, tu as vu le mur, tu l'as véritablement vu. Ses marques écaillées étaient les blessures du temps. Beaucoup de murs convergeaient vers celui-ci, ceux qui ont vu les yeux des morts et ceux que toi-même tu as contemplés au fil des années. Ce flot de blancheur cassée faisait irruption dans l'ici. Dans les écaillures la chaux se consumait. Ce flot comblait la terre suffisante, détruisait sans cesse toute apparence. C'était le visage du temps.
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