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Pierre Campion : Enseigner les textes fondateurs.

Intervention devant le groupe MAFPEN de l'académie de Rennes, 18 mars 1999

©Pierre Campion.

 


L’ENSEIGNEMENT DES TEXTES FONDATEURS

Éléments d'une réflexion théorique

Mon point de vue est théorique. Il s’agit, non pas d’examiner immédiatement les conditions et moyens concrets de l’enseignement des textes fondateurs, mais de proposer des éléments de réflexion que l’on pourrait tirer d’une théorie des textes.

Successivement, je voudrais :

1 - exposer brièvement l’intention que j’apporte dans ce travail ;

2 - formuler quelques remarques sur le programme d’enseignement des textes fondateurs en sixième, tel qu’il existe officiellement ;

3 - poser la question de la nature particulière d’un texte fondateur ;

4 - puis la question de l’enseignement des textes fondateurs sur le plan du principe ;

5 - enfin évoquer, mais toujours d’un point de vue théorique, les problèmes pratiques que pose cet enseignement.

I - L’intention en réponse à votre invitation

Je voudrais préciser à partir de quelle situation personnelle et dans quel esprit j’aborde devant vous des questions qui s’adresseraient plus naturellement à des spécialistes des sciences de l’éducation :

- Un intérêt professionnel pour les questions d’enseignement qui touchent à la culture et au politique, au sens large.

- Des réserves et limitations qui tiennent au fait que, au moment de la retraite, j’avais quitté depuis très longtemps le monde du premier cycle pour celui des classes préparatoires.

- La perspective pourtant que cette situation donnerait sur le problème : demeurant au lycée, les classes préparatoires se placent au terme d’un cycle de formation et au début d’un autre, à un moment où les questions de la culture fondatrice se posent à nouveau nécessairement, concernant des d’élèves dont une partie importante, s’agissant en tout cas des classes littéraires, se destine à l’enseignement. Quant aux élèves des classes scientifiques, ils reçoivent dans les matières littéraires une part significative de leur enseignement et ils rempliront dans l’appareil industriel et économique des fonctions importantes[1].

- La dimension de politique d’éducation, dont je suis conscient.

- Le niveau où la question des textes fondateurs se pose : le thème des textes fondateurs concerne tous les membres d’une cité pour laquelle se pose la question de l’identité, et en ce sens tous les citoyens et tous ceux qui l’habitent peuvent s’en saisir.

II - Quelques remarques sur le programme actuel

Le programme existe et, si je comprends bien, il est réellement pratiqué. Mais il fait l’objet d’interrogations officielles et, sans doute, de difficultés d’application.

a) Le corpus actuel comprend :

- la Bible, comme le fondement hébraïque de la culture religieuse en Occident ;

- l’Odyssée, comme le fondement hellénique de la culture et de la vision du monde occidentales ;

- l’Énéide, comme le lien de l’Occident actuel à la romanité, à sa langue et à sa poésie, à ses institutions (à noter le fait que ce texte est signé, historiquement parfaitement situé, et qu’il témoigne lui-même d’une recherche consciente de fondements, du côté de l’Orient) ;

- les Métamorphoses d’Ovide, comme le fondement (entre autres) de notre imagination mythologique : un répertoire de personnages, d’histoires et un trait important, pour toute imagination mythologique, celui des transformations[2] (texte signé lui aussi, situé et « littéraire »).

b) La cohérence et les traits de ce corpus

Il représente les deux sources, religieuse et culturelle, judéo-chrétienne et gréco-romaine, de notre culture nationale et européenne. Ce qui montre le caractère fondamentalement hétérogène de cette culture. Cependant, il est d’autres fondations et d’autres textes fondateurs, notamment juridiques et politiques, réels ou imaginaires : les Déclarations des Droits de l’homme, notamment l’américaine ; la loi salique des rois francs, le recueil des libertés de la nation franque, la Grande Charte anglaise de 1215, les Constitutions de la République ; le corpus du Droit romain… Et, dans un autre ordre, certains textes philosophiques, ceux du platonisme ou des présocratiques.

Les textes dont nous parlons ici et qui ont été choisis fondent une identité de l’ordre imaginaire, spécifiquement. Ils expriment le merveilleux de l’Occident. Ils sont fondateurs de ce que j’appellerais, en étendant quelque peu la notion de « l’identité narrative » chère à Paul Ricœur, l’identité représentative.

Par là, et comme tels, la relation que nous avons avec eux exprime désormais, et de manière privilégiée quand il s’agit de la Bible, ce qu’on appelle après Nathalie Sarraute « l’ère du soupçon » ou, d’une manière plus philosophique, « la crise de la représentation », qui est en réalité une crise de notre civilisation.

Notons aussi dans ce corpus la prévalence (la surreprésentation ?) des références latines, certes justifiée par l’importance de la langue et de la tradition latines dans la culture et dans l’éducation anciennes.

Notons encore une absence, celle des thèmes et des histoires propres à l’histoire de l’Europe : bêtes parlantes, gnomes et lutins, fées… Il est vrai (mais c’est peut-être regrettable) que la culture audiovisuelle a pris pleinement en charge et avec grand succès la pérennisation et l’actualisation de ce patrimoine fondateur. Or il y avait là des textes possibles (ceux de Perrault, de Grimm…), et la situation très originale de La Fontaine, d’un auteur homme de lettres et écrivain, imposant dans sa poétique la synthèse d’un imaginaire antique et populaire…. Ce n’est pas que ces textes n’apparaissent pas dans l’enseignement, mais ils y sont plutôt au titre de la discipline du Français.

c) Le cas particulier de la Bible

La Bible vient d’Orient et elle porte avec elle un monde plus large que celui de l’Europe, un monde au moins méditerranéen. En même temps, elle pérennise un monde pastoral et rural qui ne consonait pas si mal avec celui de la paysannerie, notamment en France, l’une des dernières terres en Europe de cette paysannerie plus que millénaire et mondiale, et ce jusqu’aux années cinquante. Cela trace en même temps les difficultés actuelles et les intérêts de ce texte. Mais là n’est sans doute pas encore l’essentiel, car l’Odyssée et l’Énéide rappelaient elles aussi les origines orientales de l’Occident grec et latin.

Il y a une prégnance de la Bible dans la culture occidentale. De mon point de vue de professeur de Lettres, c’est le plus nécessaire des quatre textes, à cause de la culture religieuse de ce pays, de l’imprégnation des littératures et des cultures européennes même profanes. En France, sans parler des textes de Bossuet et de Pascal par exemple, comment, sans connaître la Bible et notamment le Nouveau Testament, comprendre le théâtre français du XVIIe siècle, les grands textes du romantisme et des Lumières (Voltaire évidemment, et la notion par exemple de « la religion de Voltaire » selon Pomeau…), mais aussi les développements du lyrisme jusqu’à nous : Nerval et la mort de Dieu, Rimbaud et la détestation de son baptême, les surréalistes ? Dans les autres littératures, Shakespeare, Dante, presque toute la littérature de langue allemande relèvent de la Bible… En théorie de la littérature, une problématique comme celle de la réception selon Jauss est incompréhensible sans la référence à la tradition piétiste de l’interprétation de la Bible et sans référer à la liaison active de cette interprétation à la tradition juridique et à celle de la rhétorique. En philosophie, tout l’effort de laïcisation de la pensée notamment se produit dans et contre la culture biblique et se développe justement à travers la critique du texte biblique examiné comme tel (Richard Simon, Spinoza, Renan…). Quant à l’histoire de l’art, une part immense de l’iconographie comme de la musicologie renvoie à la culture biblique.

Or l’affaiblissement de la culture religieuse dans notre moment est patent : s’agissant par exemple de Bossuet ou de Nerval ou de Baudelaire, il faut tout réexpliquer : le dogme et l’Église, les sacrements, le matériel mythologique, « l’histoire sainte », le calendrier liturgique, la morale (et notamment la notion de faute, de péché, la problématique du Mal)… Les causes ne tiennent pas seulement à l’affaiblissement de la pratique et de l’idée religieuses (à travers l’unidimensionalité de la société laïque ou civile) mais aussi à des changements profonds dans l’éducation religieuse elle-même. Dans une Khâgne, on ne distingue pas vraiment les élèves qui ont été élevés religieusement. Cela signifie peut-être moins un affaiblissement de l’éducation religieuse que sa profonde transformation et son caractère soluble dans l’air du temps : l’Église catholique, depuis le Concile de Vatican 2, enseigne essentiellement une morale, elle-même profondément désacralisée, laïcisée.

Cette question est largement débattue, et il faudra la résoudre, techniquement et politiquement, dans toute son ampleur. En tout cas, elle conduit à réaffirmer la nécessité d’enseigner la Bible, le plus tôt possible et de manière approfondie.

Tout cela signifie au moins deux faits et conclusions contradictoires : que la présence de la Bible est indispensable dans ce corpus ; et que son « enseignement », au sens qui va être dit plus loin, sa « réception » sont de plus en plus difficiles : on n’établit pas (ni ne rétablit) par décret le caractère fondateur d’un texte.

III - Qu’est-ce qu’un texte fondateur ?

Cette question mérite d’être posée à nouveau et, en partie, à la lumière de ce qui vient d’être dit, avec les différences qui doivent être pratiquées entre ces textes.

Pourquoi ces récits fondateurs sont-ils des textes ?

Les histoires fondatrices ne sont pas par nature des textes : par nature, le plus souvent, elles sont orales et collectives ; ce sont des événements narratifs, dont chaque réitération est fondatrice par le rappel, ici et maintenant, de l’événement premier[3].

Mais justement, en Occident, elles se sont très vite formées en textes, exposés aux seuls aléas et transformations propres des textes ; elles ont été notamment enseignées comme textes, et très tôt. Et peut-être la fonction intégratrice de l’enseignement et de la lecture des textes a-t-elle eu à voir avec la rédaction des mythes en textes. En tout cas, elle a eu à voir avec leur pérennisation.

Dans le cas de L’Énéide, le texte littéraire, le poème, est même premier et constitué comme tel, à partir certes de données légendaires et traditionnelles.

Donc, d’une certaine façon, le fait du texte et celui de son enseignement font partie de l’histoire même du mythe fondateur, avec l’histoire de la scolarisation qui est un processus particulier de la transmission, un processus institutionnel et rationalisé.

La condition du texte fondateur

N’est fondateur que le texte qui peut s’actualiser, c’est-à-dire actualiser l’ancien. Une sorte de dialectique donc, qui veut que la fondation soit un acte qui s’effectue et se renouvelle dans le présent.

Cela suppose :

- que le présent entretienne avec le passé un lien effectif, même problématique et caché, ou justement problématique et caché. Est-ce le cas désormais avec la Bible par exemple ? Est-ce que la rupture qui s’est faite dans la culture ne s’est pas faite aussi dans l’enseignement de la religion[4] ? Même est-ce que la Bible est encore un texte problématique ? C’est ce que j’appelais plus haut « la crise de la représentation ».

- que le texte fasse l’objet d’un désir de ce qu’il raconte et de ce qu’il dit, d’une demande d’appropriation. La mort de Dieu, chez Nerval, avant Nietzsche, c’est la disparition de l’amour de Dieu et de la prière, sans reste autre qu’une espèce d’inquiétude et de malaise.

- qu’il y ait une identité possible à fonder. Or, actuellement, justement, n’y a-t-il pas crise de l’identité, des identités ? Identités religieuses affaiblies et disparates, identité française non représentée comme autrefois (dans l’effectif de certaines classes) de manière indiscutable et presque exclusive, identité européenne non encore établie profondément de manière politique[5]

- enfin que le texte soit considéré moins comme une matière d’enseignement que comme un mode de la présence de l’ancien parmi nous et parmi les enfants. Il y a donc là une sorte de « piété » à observer. C’est un problème qui existait déjà, et qui se renouvelle pour nous.

L’autorité particulière du texte fondateur

Elle est de nature complexe.

L’autorité de sa référence

Même dans le cas de l’Odyssée, le texte tire son autorité de récits antérieurs, à caractère oral, qu’il reprend et sur lesquels il se fonde. Dans le cas de L’Énéide et des Métamorphoses, il y a de multiples récits antérieurs. Dans le cas de la Bible, la garantie explicite est la parole de Dieu. Mais là encore, le cas de la Bible est particulier et crucial : d’une part, il est certain que le merveilleux judaïque et chrétien a revêtu, longtemps, un caractère de sacré et un mode de créance que le merveilleux du polythéisme n’avait jamais connus ; d’autre part, et par conséquent, « la mort de Dieu » le ruine de manière plus décisive.

L’autorité poétique

J’appelle ainsi toutes les garanties qui tiennent à la beauté, à la cohérence, à la puissance imaginaire, à « la valeur humaine » du texte. Le texte, comme tel, revêt donc une objectivité et une solidité fondatrices.

L’autorité historique

Celle-ci s’attache à la tradition, à la durée, à la consécration que le texte reçoit, non sans modifications de son sens, des institutions et de leur usage.

IV - Le problème de l’enseignement du texte fondateur

D’après ce qui a été dit, la tradition occidentale ne pose pas une antinomie si insurmontable entre le récit fondateur et la scolarisation, au contraire. Et cela pourrait procurer un bon point d’appui.

Cependant, et ce sont autant de difficultés, de tentations ou d’obstacles :

1 - Le fait du texte renvoie aux disciplines nouvelles de la science des textes

Ainsi, et suivant une tendance inaugurée dès la fin du XVIIe siècle, le texte fondateur est-il banalisé entre tous les textes narratifs et rendu justiciable de la critique textuelle, même et surtout quand celle-ci revêt une finalité « scientifique » : notre enseignement, surtout maintenant, aura toujours quelque chose à dire, mais de la même manière, de tout texte, fondateur ou non.

2 - La discipline de l’histoire

Pour elle le texte, comme bien d’autres faits, est un monument du passé. À son tour et à sa manière, par méthode, elle égalise les textes entre eux et avec les autres documents, pour construire le passé, mais simplement comme passé : comme donné à connaître et même comme leçons à observer, mais pas vraiment comme inspiration fondatrice à l’œuvre dans le présent. Si l’histoire est proprement la discipline qui procure le passé aux êtres et aux citoyens du présent, elle n’est pas, à proprement parler, fondatrice. D’une autre façon, l’archéologie interroge le passé à partir du présent (et ce geste est déjà plus fondateur), mais elle ne propose pas l’ancien comme un sujet actif et vivant.

3 - La question donc qui se pose

C’est une question pour ainsi dire nervalienne, mais portée au niveau de l’institution des enfants et de l’organisation symbolique de la société : comment faire que l’ancien (ici un texte), porteur actif d’identité, s’actualise au sein d’un processus d’éducation et d’identification collective ?

La réponse, de principe et inspirée encore une fois de Ricœur, pourrait consister en une autre question : l’inquiétude des origines ne peut-elle fonder, à sa manière, une fois éclairée et purifiée par la critique du soupçon, une nouvelle relation à l’ancien et aux textes qui l’expriment ? Ou encore, en d’autres termes : ne pourrait-on s’appuyer sur la crise elle-même, une fois celle-ci reconnue et acceptée, pour (re)construire de manière vivante la question des origines et des textes qui peuvent la faire vivre ?

Mais c’est une réponse presque exclusivement théorique, qui pose sans doute plus de problèmes qu’elle n’en résout.

V - Modalités de l’enseignement des textes fondateurs

La contradiction ici tient au fait que cet enseignement ne devrait pas recréer une nouvelle discipline ni s’insérer dans les finalités et les méthodes d’une discipline existante.

1 - La question de la traduction

Question embarrassante, plus qu’il n’y paraît, et pourtant capitale en l’occurrence.

- Le récit mythique des origines ne se pose pas la question de la traduction : tout récit des origines se fait dans le présent et dans la langue du narrateur. Le texte fondateur, lui, appartient d’origine à une certaine langue, bien souvent « morte », que le narrateur peut connaître mais dans laquelle il ne parle plus. Il communique avec la langue sacrée (l’hébreu, le latin…) par les signes du sacré que véhicule sa propre langue : des archaïsmes, un lexique, des formules rituelles…

- Parmi les nombreuses traductions, il faudra choisir. Quelle sera « la bonne traduction », en vue de l’enseignement ?

- En fait, les traductions font partie de l’histoire du texte fondateur lui-même. Si l’on admet que chaque traduction constitue un moment de l’actualisation du texte fondateur, c’est par là que leur multiplicité (et que chacune) aura valeur dans l’établissement du rapport de fondation. À condition qu’on ne retombe pas dans une science des textes et dans une attitude historiciste, telle traduction protestante de la Bible ou du XIXe siècle portera avec elle sa langue et sa valeur, différentielles. Ainsi, par exemple, la parole sacramentelle du Christ à Pierre, dans la langue de Sacy, quasiment étrangère à nous : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » (Jean, 21, 15-17.)

2 — Le problème de la lecture

J’entends ici la lecture dans toutes ses modalités de réalisation : à voix imaginée en chacun[6], à haute voix par l’un, à haute voix par tous. En effet, dès qu’elle consiste à oraliser le texte, la lecture convient aux textes fondateurs : elle consiste à actualiser la voix ancienne dans la parole présente. Or cette lecture, particulière, peut sans doute s’enseigner par des pratiques informées de sa nature. C’est probablement l’appropriation adéquate du texte fondateur.

3 - La question de l’oralisation et de la mémorisation

Ce mode de l’enseignement est étroitement lié à la nature ancienne du mythe, orale. Mais aussi à une nécessité, à reconsidérer dans tout l’enseignement des Lettres, la nécessité de l’appropriation des textes et des procédures de compréhension en général par la mémorisation et le contrôle récité (voir, dans le site, le texte d’une autre intervention). Ne faudrait-il pas que la récitation, individuelle et collective, revienne mais régénérée ?

4 - Les moyens récents

Il est clair que les moyens classiques audiovisuels peuvent être utiles, ainsi que les outils de la représentation virtuelle (ceux-ci peut-être surtout, en raison du caractère ludique de l’appropriation). Le CD présente lui aussi des modes de la lecture.

5 - La reprise des mêmes textes à des niveaux divers

Serait-il possible de définir un programme progressif, par exemple sur les deux cycles, ramenant l’étude de ces textes en Seconde ? Ou même quatre niveaux (CE, Sixième, Seconde, Terminale…) ?

Sur ces deux derniers points, je m’en tiens donc à quelques indications.

Conclusion

Je crains d’avoir apporté peu d’éléments de réflexion. Les éléments du problème sont connus. Les solutions sont plus difficiles à inventer…

D’autre part, je ne fais que nommer un autre problème, qui n’a pas vraiment sa place ici mais qui importe politiquement : celui de l’extension du corpus des textes fondateurs aux cultures des membres de la cité qui n’appartiennent ni à la romanité ni à l’environnement judéo-chrétien.


NOTES

[1] Avec toutes ses ambiguïtés, la situation de ces classes, qu’elles partagent en partie avec les autres classes post-bac des lycées, n’est pas sans intérêt, notamment pour ce qui nous occupe ici.

[2] La prégnance et la puissance de ce texte vont loin. Dans un compte rendu récent du Monde des livres, à propos d’un livre de l’historien des cultures américaines anciennes Serge Gruzinski, La Pensée métisse, Fayard, 1999, on apprend que « on lisait beaucoup le poète latin au Mexique ». D’où des fresques étranges réalisées par les Indiens, à travers « l’indianisation d’un Ovide moralisé » par les missionnaires : « La réinterprétation des citations antiques permettait aux peintres indiens d’y reformuler de multiples réminiscences païennes. » Le thème des métamorphoses n’est pas un thème ordinaire de la mythologie, c’est un thème fonctionnel de toutes les mythologies (voir : Henri Focillon, Vie des formes).

[3] Sur ce sujet, voir : Mircea Eliade, Aspects du mythe, Idées/Gallimard.

[4] À nouveau, dans le corpus, le cas de la Bible est très particulier. La Bible a été le dépôt de la foi pour presque toute la population européenne et du Nouveau Monde, pendant de longues périodes. Comme telle, elle était enseignée à part, dans les Églises. Ce qui rendait ses « vérités » implicites ailleurs (dans l’école et dans toute la société). Implicites et d’autant mieux validées : à l’abri de l’enseignement profane et même le nourrissant.

[5] Dans les années 30, un enfant immigré italien ou polonais en France pouvait se retrouver dans l’Évangile et dans les problématiques religieuses des poètes.

[6] J’entends la lecture que saint Jérôme pratiquait au grand étonnement de saint Augustin : intime et mentale, privée, portant inflexions et accents de la voix écrite de manière imaginaire, et donc faisant sens de cette manière.


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