Plan et résumé
de la Profession de foi du Vicaire savoyard
Bien que le texte de la Profession de Foi du Vicaire savoyard
soit d'un seul tenant et ne comporte aucun sous-titre, il est cependant facile
d'en distinguer les articulations.
On peut considérer que le texte est constitué de deux parties
principales séparées par l'intervention du disciple dans le discours du Vicaire
« Le bon prêtre avait parlé avec véhémence» (p. 96).
Rousseau marque d'ailleurs cette rupture en passant une ligne.
La première partie (pages 51-96) porte sur les articles de foi
de la religion naturelle ; la seconde (pages 97-120), constitue une
critique de la religion révélée opposée à la religion naturelle.
En outre Rousseau indique le plan suivi dans la première
partie à la page 83 : « Après avoir ainsi […] déduit les principales
vérités qu'il m'importait de connaître, il me reste à chercher quelles maximes
j'en dois tirer pour ma conduite… ». Ce qui implique donc une première
étape théorique, et une seconde étape pratique.
Le texte se termine par une conclusion (pages 120-129)
Orienté par ces indications données par Rousseau lui-même
nous pouvons établir le plan d'étude suivant :
1ère
partie : La religion naturelle (jusqu'à la page 96)
a – La démarche
du Vicaire : (de la page 51 à la page 56) : « consultons la lumière intérieure ».
Le Vicaire fait part des doutes qui l'ont assailli durant sa
vie ecclésiastique et explique comment c'est en s'en tenant uniquement aux
enseignements de la lumière intérieure qu'il est parvenu à établir les quelques
vérités dont il a besoin pour bien conduire sa vie. Son propos n'étant pas
d'établir une science certaine, son entendement étant trop limité pour cela,
mais de borner ses recherches à ce qui lui est utile.
b - Le Credo du Vicaire : (de la page 56 à la page 83) :
« Les principales vérités qui sont utiles à connaître, telles que les enseigne
la lumière naturelle ».
Le Vicaire s'interroge d'abord sur lui-même et la première
évidence qui s'impose à lui est celle de son existence. Cette évidence lui
vient du fait qu'il éprouve des sensations : exister c'est sentir, et la
sensation ne lui donne pas seulement l'évidence de son existence, elle lui
donne l'évidence de l'existence d'un monde sensible extérieur à lui. Et comme
l'homme ne se contente pas d'enregistrer des sensations mais qu'il les ordonne,
nous devons aussi penser que nous disposons d'un entendement.
Ainsi assuré de lui-même, le Vicaire s'interroge sur
l'immense univers qui l'entoure, à propos duquel il pense pouvoir affirmer les
trois articles principaux de son credo :
« Je crois qu'une volonté meut l'univers » :
la matière étant inerte par elle-même, il faut bien que le mouvement lui soit
communiqué par une cause extérieure.
« La matière mue selon certaine loi me montre
l'intelligence » : parce qu'il y a de l'ordre dans le monde et que
les moyens et les fins s'enchaînent, il faut penser qu'une intelligence suprême
a présidé à cette organisation. Le Vicaire la nomme Dieu. Nous ne pouvons
cependant pas dire ce qu'est cette intelligence suprême, cela dépasse notre
entendement, nous pouvons bien plus l'adorer que la connaître.
« L'homme est libre dans ses actions et comme tel animé
d'une substance immatérielle ». À l'inverse de la perfection de l'univers,
le monde humain est un monde de désordre. Partout le mal y règne. Pour que
l'homme soit capable de créer un tel désordre, il faut qu'il ait en lui un
pouvoir d'agir par lui-même, qu'il soit libre par rapport aux déterminations de
la nature. Il faut en outre qu'il soit double, à la fois raison et passion,
passif quand il suit ses passions, actif quand il suit sa raison. Il peut voir
le bien et faire le mal. Telle est la source du mal : le mal n'est pas le
fait de Dieu, mais du libre choix de l'homme. Et c'est l'abus de ses facultés
qui le conduit à ce choix funeste. La Providence a fait l'homme libre pour
qu'il choisisse le bien qui est conforme à sa nature ; s'il choisit le mal c'est
de son unique responsabilité, et il n'existe pas d'autre mal que celui que fait
l'homme. Le méchant construit son propre malheur. Mais il peut aussi arriver
que le juste soit malheureux. Il faut alors penser que la Providence rétablira
la justice dans une survie de l'âme après la mort.
c - Les maximes que
l'on doit en tirer pour sa conduite (de la page 83 à la page 96) : « la conscience principe de justice et de vertu »
Le vrai guide de l'homme dans tout ce qui importe à sa vie
est la conscience et non la raison. C'est le guide immédiat, infaillible et
universel qui nous instruit du bien et du mal. Elle nous enseigne qu'à travers
la diversité des lieux et des temps on trouve toujours les mêmes idées de
justice et de vertu, de bien et de mal. Sa voix est de l'ordre du sentiment, non
de la connaissance. Elle est à l'âme ce que l'instinct est au corps. De même
que l'instinct vise à la conservation de soi, la conscience vise à l'harmonie
de nos rapports avec nos semblables. La raison au contraire risque de nous
égarer, elle ne remplit son rôle que lorsqu'elle est éclairée par la conscience.
Sans cesse la voix de la conscience risque d'être étouffée
par le bruit des préjugés et des passions, l'ordre des passions qui tente de se
substituer à l'ordre du bien. Mais seul le respect de l'ordre du bien peut
assurer à l'homme la paix et le bonheur. Et quand ce respect est le fruit de sa
volonté, alors son bonheur atteint au sublime. Inversement le méchant est le
seul auteur de ses propres maux, et il ne doit s'en prendre qu'à lui-même de
ses propres vices.
Le mal qui règne dans le monde humain ne trouble donc pas la
création divine : Dieu a donné à l'homme la conscience pour aimer le bien,
la raison pour le connaître, la liberté pour le choisir. Ainsi tout est bien
sortant des mains du créateur, l'homme ne peut s'en prendre qu'à lui-même si le
mal existe et s'il en souffre.
2ème
partie : religion naturelle et religion révélée (de la page 97 à la page
120)
Le Vicaire explique dans cette seconde partie en quoi la
religion révélée lui paraît inutile et absurde. Nous n'avons nul besoin de
l'autorité des prêtres, de leur prétention à interpréter la parole de
Dieu pour savoir ce que nous devons croire. Le Vicaire reproche aux
religions révélées leur confusion et leurs mystères, leurs cultes fantaisistes,
leurs rituels absurdes, leur diversité, leur fanatisme et leur intolérance. La
religion naturelle au contraire est pure et simple, elle est dialogue direct
avec Dieu qui parle dans l'intimité de la conscience de tout homme qui sait
l'entendre. Elle ne s'encombre pas de rituel, elle ne s'autorise même pas la
prière, car nous n'avons rien à demander à Dieu, elle est simplement adoration.
Qui plus est, faire reposer la religion sur la révélation serait condamner à la
damnation éternelle ceux qui n'ont pu recevoir la bonne parole, ce qui serait
profondément injuste. Le Vicaire illustre son argumentation en imaginant un
dialogue entre l'inspiré qui représente les partisans de la religion révélée,
et prétend justifier les pires aberrations au nom du surnaturel et le
raisonneur qui revendique le droit de tout examiner au nom de la seule raison
(pages 106-109).
Parmi les diverses religions, reconnaître la bonne est un
exploit impossible, parce qu'elles sont à elles-mêmes leur propre
justification, parce que chacune se refuse à donner la parole à l'autre et que
pour en juger il faudrait pouvoir les connaître et les pratiquer toutes, ce qui
est impossible.
Le Vicaire reconnaît cependant que la religion de l'Évangile
est celle qui lui paraît avoir le plus de points communs avec la religion naturelle,
et que le Christ semble en tout dépasser les qualités d'un simple mortel. Mais
trancher sur cette question n'est pas nécessaire, car l'essentiel est le culte
du cœur.
Conclusion (de la page
120 à la page 126)
Pour terminer, le Vicaire fait le point sur sa propre
démarche. Après bien des tourments il a retrouvé paix et sérénité. Sur bien des
points il est resté dans le plus grand scepticisme, mais cela ne lui est pas
pénible car ces doutes ne touchent pas à l'essentiel. Les certitudes
essentielles, celles qui concernent la pratique, il les a acquises en
retrouvant la voix de sa conscience, et il ne peut plus les perdre, ayant trouvé
un guide infaillible.
D'autre part, étant parvenu à trouver un équilibre entre les
obligations de sa fonction et les impératifs de sa conscience, sa vie de prêtre
n'est plus déchirée entre la voix de sa conscience et celles de sa hiérarchie.
Il trouve même un certain bonheur à témoigner de l'esprit de l'Évangile (plus
qu'à celui de l'Église) qui est si peu éloigné des impératifs de bonté et de
justice que lui dicte la lumière naturelle.
Il termine sur une dernière exhortation à son disciple. Non
pour lui dire ce qu'il doit faire, mais pour lui recommander de toujours
écouter la voix de sa conscience, « de tenir toujours son âme en état de
désirer qu'il y ait un Dieu » (p. 125), de dire ce qui est vrai et de faire
ce qui est bien quoi que pensent ceux qui prétendent nous juger.