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Présentation du livre À l'école des contes nigériens. Un volume illustré, éd. Tarbiyya Tatali, 11 rue Pierre Bellesculée 35700 Rennes, 2004. ISBN 2-95232-760-2
Au Niger, l'ONG Aide et Action travaille avec l'association Tarbiyya Tatali (Prendre soin de l'éducation). Dans le cadre de ces travaux, des enfants, guidés par leurs maîtres, ont permis l'édition du livre de contes dont nous publions ci-dessous des extraits.
Nous remercions Yvon Logéat de nous avoir transmis ces textes et Tarbiyya Tatali de nous permettre de les publier.
Texte mis en ligne le 16 janvier 2005.
© : Aide et Action pour les textes, Mossi Hamani pour les illustrations et Y. Logéat pour la photo.
Voici un livre de contes dont l'écriture, la composition et l'édition sont elles-mêmes une histoire merveilleuse qui n'est pas imaginaire, celle-là.
Il
était une fois des conteurs dans l'arrondissement de Dogondoutchi, au Niger…
Depuis trois ans déjà, avec l'aide des instituteurs, les élèves de Dogondoutchi participent de manière active à conserver ces histoires qui sont partie intégrante de leur culture.
Depuis trois ans, dans les classes, des conteurs de villages et de quartiers de Doutchi, anciens, pères et mères de famille, enfants, disent en haoussa, leur langue maternelle, leurs contes, ceux-là mêmes qu'ils ont entendus dans les soirées familiales. Les histoires sont retranscrites en français grâce à l'aide des instituteurs. Ainsi une forme de collectage, issue de cette vieille tradition de littérature orale si ancrée au Niger, s'est-elle inscrite dans le travail scolaire.
Là-bas, le conte a toujours eu un grand rôle dans l'éducation des enfants. Mettre le conte à l'école au Niger, c'est aussi se mettre à l'école de ces contes, c'est-à-dire, pour les enfants, en particulier, ressentir profondément qu'il n'est pas bon d'opprimer le faible, de souhaiter le mal pour les autres, de se montrer cupide, de mépriser ses parents ou ses enfants mais au contraire, qu'il faut écouter les vieux sages, respecter ses père et mère, aider les hommes et les femmes en difficulté… L'éducation morale se fait ainsi par la parole des conteurs.
Grâce aux contes, les élèves prennent encore conscience qu'il n'y a pas rupture entre l'école et son environnement, ils apprennent à maîtriser et à valoriser des éléments de leur propre culture, et à mieux comprendre aussi celle des autres.
En deux ans, deux brochures, éditées avec l'aide de l'ONG Aide & Action, sont revenues dans les classes : les enfants sont devenus auteurs de livres de lecture.
Quant à l'ouvrage que vous avez dans les mains, il est l'émanation de cette démarche collective : conteurs, enseignants, élèves, ce sont plus de deux cents personnes qui ont contribué à sa réalisation. Que tous pardonnent à leurs transcripteurs d'avoir quelque peu transformé leurs récits pour les faire arriver jusqu'à vous, lecteurs. Nous n'avons pas la prétention de faire ici œuvre ethnographique mais nous avons simplement voulu faciliter l'entrée dans l'univers de la culture populaire nigérienne, quelque peu dépaysant pour les Européens.
Un dessinateur nigérien a illustré les scènes marquantes, deux enseignants français ont retranscrit les textes, un imprimeur maquettiste a mis gracieusement tout cela en page. Et le produit de la vente du livre va servir à l'amélioration des écoles de Dogondoutchi.
Alors, pour paraphraser les formules finales des contes, puissent les élèves de Dogondoutchi être heureux de savoir que leur travail scolaire a aussi servi à cela.
Yvon Logéat
Président de
l'association AECIN
(Association
d'échanges culturels Ille-et-Vilaine Niger)
Tarbiyya Tatali
Remerciements à ceux qui ont facilité l'édition de cet ouvrage : Alain et Patricia Royet, auteurs de la maquette, Élisabeth Pléber de l'ONG Aide & Action pour sa relecture attentive des textes.
Illustr. Mossi Hamani
Il était une fois un roi qui s'ennuyait en compagnie de ses courtisans…
Nom et prénom du conteur : Madougou Koraou
Groupe d'élèves : Habibou Alou, Mamane Bizo, Alio Nassamou, Omar Tchitoumou, Habiou Tchémago, Saïdou Kadadé, Illa Manomi
Nom et prénom des enseignants qui ont appuyé les enfants : Siddo Halidou, Assoumane Koraou, Laouali Alzouma
Il était une fois un roi qui s'ennuyait en compagnie de ses courtisans. Il se décida donc, suivant le conseil des vieux sages, à parcourir son royaume à la recherche d'une seconde épouse, qui pourrait réjouir ses jours. Mais trouver une seconde épouse s'avéra plus difficile qu'il n'y paraissait d'abord. En effet, quand il passait dans les villages de son royaume, le roi ne découvrait que des femmes qui ne lui convenaient pas : les femmes sans mari étaient trop vieilles ou trop jeunes, trop bavardes ou trop curieuses, trop coquettes ou trop sérieuses.
Et un jour, après avoir visité tous les villages connus de son royaume, le roi, encore plus las qu'au début de sa quête, décida de rentrer à sa cour. Comme il atteignait un village perdu que nul ne connaissait dans son entourage, un vieillard, attiré par le nuage de poussière que soulevaient les montures du cortège, s'approcha et interrogea un des courtisans qui se tenait en avant-garde de la troupe :
— D'où venez-vous, avec vos visages si fatigués ?
— Nous cherchions une seconde épouse pour notre roi mais il n'y a dans ce royaume aucune qui lui convienne, aussi revenons-nous à la cour, tristes et las.
Le vieillard observa l'homme avec méfiance mais finit par lui dire :
— Je peux faire quelque chose pour vous et votre roi mais il faut me promettre de toujours protéger la femme que j'indiquerai, si le roi l'accepte comme seconde épouse.
Le courtisan, trop heureux d'entrevoir la fin de ses peines, s'empressa d'accepter et convainquit le roi et ses compagnons, malgré leur lassitude, de se rendre dans un groupe de cases qu'ils apercevaient à l'orée du village. Là-bas se tenait la « zaoura[1] » que le vieillard avait indiquée. Prudent, cependant, le roi voulut observer sans se faire connaître, cette nouvelle prétendante. Quand il eut enfilé les loques qu'un pauvre paysan lui avait cédées, il s'approcha de la case, en prononçant les formules d'usage pour réclamer l'aumône.
Une jeune femme sortit et lui fit signe de s'asseoir, en lui présentant une calebasse de foura. Le roi comprit bien vite qu'il avait devant lui, la seconde épouse qu'il lui fallait : elle chanta en balayant le sol pendant qu'il buvait lentement la foura et elle ne prêta pas l'oreille aux propos malveillants d'une de ses voisines qui s'entendaient par-delà les murs de la cour.
Le roi fut séduit par tant de gaîté, de sérieux et de discrétion et, après avoir revêtu ses habits somptueux, il vint lui demander de l'épouser. La jeune femme accepta d'un signe de tête et suivit le cortège.
Mais, bien vite, dans sa nouvelle demeure, la jeune épousée surprit tout le monde : aucun de ceux qui visitaient la cour, princes ou paysans, ne la vit participer à une conversation ni donner son avis, comme si elle restait sourde aux propos qui se tenaient devant elle. Tous d'ailleurs, répétaient à qui voulait l'entendre :
— Le roi a épousé une sourde !
Mais le roi appréciait la discrétion de sa nouvelle épouse et avait pris plaisir à écouter sa belle voix quand elle avait chanté devant lui dans sa case, il laissait dire. Cela ne fit que renforcer la jalousie de sa première épouse, dont le mauvais caractère n'avait cessé d'empirer.
La mégère commença un jour par tuer toutes les poules du roi.
Le roi, furieux, s'emporta :
— Qui a tué mes poules ?
— C'est la sourde, répondit la première femme.
Alors le roi déclara :
— On ne suit pas les paroles d'une sourde, il faut
les jeter en brousse.
Un autre jour, la jalouse tua le chien de garde du roi. Comme elle venait lui annoncer la mort de son fidèle gardien, le roi s'emporta encore :
— Qui a tué mon chien ?
— C'est encore la sourde, répondit-elle.
— On ne suit pas les paroles d'une sourde, dit le roi, jetez-les en brousse.
Une autre fois, la méchante femme tua le meilleur cheval du roi. Affligé par cette nouvelle épreuve, la mort de son animal préféré, celui-ci demanda :
— Qui a tué mon cheval ?
— C'est toujours la sourde.
Mais il se contenta encore de répéter :
— On ne suit pas les paroles d'une sourde, il faut les emporter en brousse.
Plus tard, la jalousie de la mauvaise femme lui fit perdre toute raison et c'est son propre fils qu'elle tua, elle fit transporter son cadavre dans la case et se mit à pleurer.
— Pourquoi pleures-tu ? demanda le roi qui avait entendu ses plaintes.
— La sourde a tué mon enfant.
Le roi décida alors de punir cette femme qui tuait, les uns après les autres, animaux et personnes de son entourage. Il appela donc deux de ses fidèles courtisans :
— Gongombiro et Guirso !
— Roi, que ta vie soit longue ! Nous voici, répondirent les deux hommes.
— Cette femme, cette méchante sourde, prenez-la pour la tuer en brousse !
Mais Gongombiro était ce courtisan qui avait promis de protéger la seconde épouse du roi. Il feignit cependant d'obéir aux ordres de son maître et prit son sabre. En compagnie de Guirso, il entraîna donc la sourde en brousse. Gongombiro, convaincu de l'innocence de la femme qu'ils devaient faire mourir, prit le temps de dévoiler son ancienne promesse à son compagnon. Celui-ci savait déjà qu'elle était victime de la jalousie de la première épouse et accepta de la sauver.
— Connais-tu le chemin de ton village natal ? demandèrent les deux compagnons à leur victime.
— Oui, je connais la route pour y aller.
— Va t'y réfugier. Nous saurons comment faire croire au roi que nous t'avons fait disparaître.
S'entaillant légèrement le bras, ils enduisirent leur sabre de sang et rentrèrent pour rendre compte au roi de leur mission : ils avaient bien tué la sourde, le sabre ensanglanté en témoignait.
Mais, la pauvre femme qui était revenue enceinte dans son village, accoucha d'un garçon.
Le temps passa, l'enfant grandit, sa mère lui acheta des instruments de musique fabriqués dans des calebasses, et lui apprit cette chanson :
« ihé matché maï yawan kichi ko Doki alhaki, wadda tackaché kajin mijinta tatché nia, wadda tackaché karen mijinta taché nia, wadda tackaché dokin mijinta taché nia ; wadda tackaché dandan tchikin ta tatché nia[2]. »
Quand le jeune homme la sut parfaitement, sa mère lui dit :
— Regarde cette route, si tu la suis, elle te mènera jusqu'à la porte de ton père. Là, vit une mauvaise femme. C'est elle qui m'a séparée de ton père. Quand tu seras là-bas, tu chanteras la chanson que je t'ai apprise.
Le moment venu, le jeune homme s'en alla à la cour du roi, son père, et chanta sa chanson. Dès qu'il l'eut entonnée, la première femme du roi, la coépouse de sa mère, le maudit et le chassa. Mais, sans se lasser, le lendemain il revint et répéta sa chanson. La mauvaise femme le chassa à nouveau, en le maudissant. Il rencontra alors une vieille femme qui lui demanda :
— D'où viens-tu ?
— Je dois mendier pour vivre, répondit-il. Est-ce que tu peux m'indiquer un lieu pour dormir ?
— Oui, ici il y a une case où tu peux te reposer.
Le jeune homme déposa ses instruments et s'endormit. Le matin, il retourna chez le roi et commença à chanter. La première femme du roi le maudit encore et elle était sur le point de le renvoyer à nouveau, quand le roi l'aperçut et l'interrogea :
— Sais-tu chanter ?
— Oui je sais chanter, mais ta femme m'empêche de le faire.
— N'aie pas peur, chante !
Le roi écouta la chanson de la sourde et lui dit :
— Vraiment tu sais chanter ! D'où viens-tu ?
Le jeune homme répondit sans hésiter et le roi constata qu'il venait du village où il avait trouvé sa seconde épouse qu'on surnommait la sourde. Il lui demanda alors le nom de sa mère.
— On la surnomme la sourde, répondit-il.
— Gongombiro et Guirso, cria le roi.
— Roi, que ta vie soit longue !
— Est-ce que vous aviez bien, autrefois, fait disparaître la femme qu'on surnommait la sourde ?
— Non, répondirent-ils pleins de crainte. Non, nous n'avons pu nous y résoudre.
— Vous avez bien fait. Voyez-vous ce jeune homme ? C'est le fils de cette femme. Allez me la chercher dans son village. Quant à ma première femme, mettez-la à mort.
Celle qu'on surnommait la sourde fut vite retrouvée et dit aux messagers du roi :
— Je veux bien revenir, mais je ne retournerai pas à pied chez le roi, mon époux.
On lui trouva alors une monture et on déroula un tapis depuis sa case jusqu'au palais royal.
Kay kay ta koma ga machékia[3]
Koungrousse kankoussou[4]
[1] Zaoura : femme sans mari, célibataire, veuve ou divorcée.
[2] O femme très jalouse, tu as péché, tu as tué les poulets de ton mari, tu as affirmé que c'était moi, tu as tué le chien et le cheval de ton mari, tu as répété que c'était moi. Tu as tué ton propre enfant et dit que c'était encore moi.
[3] Phrase haoussa qui correspond au proverbe français : « Tel est pris qui croyait prendre. »
[4] Mon conte est terminé.
Illustr. Mossi Hamani
Mère-Antilope avait affublé son petit dernier du nom de Petit Rebelle.
Conteur : Alkaye Douka
Groupe d'élèves : Zara Kaka, Zakari Magagi, Rahina Maidoukia, Chafaatou Nayamma, Moustapha Tolo
Enseignants encadreurs : Ousseini Tahida, Sanoussi Sahami, Mme Ousseini Ramatou
Une antilope, qui avait quatre petits, accordait tous ses soins aux trois premiers et rejetait le quatrième à qui elle refusait même la tétée.
Mère-Antilope avait nommé ses préférés le Beau, le Grand, et le Mince. Elle avait affublé le pauvre petit dernier du sobriquet de Petit Rebelle. Pour nourrir sa progéniture, elle allait pâturer dans de larges espaces de brousse éloignés. Au retour, elle s'arrêtait à quelques centaines de mètres de sa tanière et invitait ses trois « fils » aimés à venir téter en chantant :
— Que le Beau vienne, que le Grand vienne, que le Mince vienne, toi Petit Rebelle, attends que je revienne.
Ainsi, tous les jours, les trois préférés tétaient tout leur saoul et le quatrième restait avec sa faim au ventre et la tristesse de se voir délaissé. De temps à autre, à l'insu du vieux peuhl qui la menait paître, il devait se contenter de téter le lait aigre d'une vieille vache, émue par ses pleurs. Cette situation perdura des jours et des jours. Petit Rebelle essayait bien de s'approcher au moment de la tétée mais toujours il était rejeté de sa mère qui, le voyant s'approcher quand les autres étaient rassasiés, s'enfuyait au galop. Alors Petit Rebelle trouvait refuge dans un fourré où il pleurait amèrement ou, les jours de chance, près de la vieille vache au lait aigre.
Un jour, comme à son habitude, l'antilope chantait son refrain rituel quand un chasseur qui passait par là, l'entendit. L'homme comprit le parti qu'il pouvait tirer de la situation. Le lendemain, il vint se cacher dans un buisson tandis que Mère-Antilope était au pâturage. Il se mit alors à chanter maladroitement la chanson de mère antilope.
— Que le Beau vienne, que le Grand vienne, que le Mince vienne, toi Petit Rebelle, attends que je revienne.
Mais s'il avait bien mémorisé les paroles, il n'avait pu contrefaire la voix de la mère et les petits, méfiants, ne se montrèrent pas. Le chasseur attendant alors le retour de la mère, redoubla d'attention au moment où elle prononça son refrain rituel pour l'imiter parfaitement. Il laissa passer quelques jours et revint entonner la chanson en l'absence de Mère-Antilope. Trompés cette fois, les trois préférés s'approchèrent aussitôt. Petit Rebelle, lui, se garda bien de tenter sa chance car du fond du fourré où il se réfugiait habituellement, il avait aperçu l'intrus. Il pensa bien à détourner ses frères du danger, mais comprenant le risque qu'il courait s'il tentait de le faire, il préféra se tenir coi. Alors le chasseur captura tranquillement les trois aînés et ne s'acharna pas à retrouver le petit dernier. Il s'éloigna avec un gibier dont il n'allait pas manquer de régaler sa famille. Il ne restait donc plus que Petit Rebelle dans la tanière des antilopes.
Quand Mère-Antilope revint, elle répéta comme à son habitude sa chanson mais fut alors stupéfaite d'entendre la voix de celui qu'elle rejetait, Petit Rebelle, lui répondre par une autre chanson :
— Le Beau est parti, le Grand est parti, le Mince est parti aussi, il ne reste que moi, le petit, qui ne veux plus de tes pis.
Dès cet instant, Mère-Antilope comprit que ses trois préférés avaient été capturés et que désormais, son petit dernier prenait sa revanche : elle devrait rester jour après jour, les mamelles lourdes du lait que nul ne téterait, sous les regards impitoyables de celui qu'elle avait rejeté.
Des jours et des jours passèrent et, d'instant en instant, la haine s'attisait entre la mère et le fils rescapé. Épuisée, Mère-Antilope se résigna enfin à demander à ses parents et amis de tenter de les réconcilier. On organisa donc une assemblée où se distinguèrent les vieux sages de la famille : Petit Rebelle se rendit à leurs arguments et, devant l'assemblée accepta de revenir à de meilleurs sentiments. Mais on n'efface pas en un instant les longues blessures de l'âme : quand parents et amis se furent éloignés, au grand désespoir de sa mère, Petit Rebelle persista dans son attitude de refus.
Impuissante, Mère-Antilope s'en vint demander de l'aide au chien qui effraie les petits d'antilopes, comme le loup, les petits d'hommes. Petit Rebelle, en effet, était terrorisé à l'idée de se retrouver en face du chien. Ce dernier accepta de jouer le loup-garou et décida d'agir aussitôt. Ainsi, vint-il se cacher dans un fourré, sur le chemin du marigot où le petit allait boire.
Et lorsque celui-ci vint à passer, le chien sortit de sa cachette et le pourchassa en aboyant jusqu'auprès de Mère-Antilope. Dans sa panique, Petit Rebelle fit dix fois le tour de sa mère poursuivi de très près par des crocs menaçants. Accablé de fatigue et mort de soif, il s'engouffra enfin sous les pattes géantes et se mit à téter goulûment les mamelles qu'il refusait jusqu'alors. Il fut aussi soulagé d'entendre sa mère supplier le chien de laisser son petit tranquille comme si elle ignorait tout des causes de la poursuite.
Le chien avant de se retirer, gronda entre ses crocs :
« Petit Rebelle, je t'observe depuis longtemps et je ne veux plus que tu tourmentes ta mère qui n'attend qu'une chose, que tu l'aimes comme un fils doit aimer sa mère. Je ne veux rien savoir des raisons qui te poussent à la faire souffrir. Alors, choisis entre aimer ta mère ou subir ta mort ! »
Atterré par la peur d'être dévoré, Petit Rebelle n'hésita pas. D'ailleurs la douceur du lait maternel qu'il venait de découvrir, lui avait fait comprendre où était son intérêt : le lait aigre de la vieille vache du vieux peuhl ne supportait pas la comparaison. Il retourna tendrement à la mamelle maternelle.
Mère-Antilope remercia le chien d'un clin d'œil et se mit à lécher son Petit Rebelle dans des élans débordants d'affection. Et depuis ce jour, le petit et sa mère vivent les jours heureux d'une belle entente familiale.
Photo Y. Logéat
La conteuse Kandé Dan Sarki, 40 ans, tenant les épreuves du livre de contes qui contient l'une de ses histoires.
À ses côtés sa fille qui ne perd pas une miette de ce qu'elle raconte et sait déjà faire mieux que répéter !