Au sein de la séquence pédagogique créée par Pascal Le Bert sur la justice et l'emprisonnement, des élèves ont écrit des articles faisant compte rendu de livres ayant trait à l'objet du cours. On trouvera ci-dessous l'un de ces articles.
Pascal Le Bert est professeur de Lettres au lycée Charles de Gaulle à Vannes.
Nous le remercions de nous permettre de publier cet article.
Dans L'Astragale, Albertine Sarrazin nous raconte, à
travers une fiction, son évasion de la prison de Doullens. Grâce à ce premier
roman, la jeune femme a connu, en 1965, un énorme succès.
Albertine Sarrazin est née en 1937 à Alger et est aussitôt
déposée à l'assistance publique. Elle est adoptée à l'âge de deux ans.
Remarquablement intelligente et volontaire, elle fait des études brillantes
mais donne du fil à retordre à ses éducateurs qui décident de l'envoyer au
pensionnat religieux du Bon Pasteur à Marseille, réputé pour son austérité et
ses méthodes, pour le moins sévères, d'encadrement des jeunes.
Fuyant l'institution le jour de son oral du baccalauréat,
Albertine gagne Paris en stop et mène une vie peu recommandable jusqu'au jour
où, une amie l'ayant rejointe, elle décide d'en finir avec la prostitution et
de tenter l'impossible pour s'en sortir en préparant un hold-up. Bien
évidemment, celui-ci échoue et est un fiasco total. Les deux jeunes filles sont
lourdement condamnées aux assises.
Albertine, après un séjour à Fresnes, est finalement
transférée à la prison de Doullens.
Avec L'Astragale, l'histoire qui nous est racontée commence le 19 avril 1957, le jour où
l'héroïne décide de s'évader. Anne, personnage principal à travers lequel on a
reconnu le double d'Albertine, saute des hauts murs du pénitencier en pleine
nuit et se brise l'astragale, un os de la cheville. Une douleur fulgurante la
saisit dans toute la jambe. Très vite, Anne comprend qu'il va lui être
difficile de rejoindre Rolande, une amie codétenue récemment libérée qu'elle
devait retrouver dans un
endroit lointain et isolé.
Anne est parvenue à se relever après sa chute mais elle n'a
pas d'autre solution que de faire du stop pour regagner Paris. Cependant, la
douleur de sa cheville est si insupportable qu'elle finit par tomber en travers
de la route et par perdre connaissance.
À ce moment, un camion qui remontait vers la capitale
l'aperçoit, étendue sur la chaussée et s'arrête pour la secourir. Quand il
apprend qu'elle est une évadée, il lui explique qu'il ne pourra pas lui
apporter l'aide dont elle a besoin… Néanmoins, il prend sur lui pour arrêter un
véhicule : le conducteur accepte de faire monter Anne et de l'emmener sur
Paris. L'homme qu'elle découvre a pour nom Julien ; il est très compréhensif et écoute sans
s'offusquer le récit que la jeune femme lui confie. D'emblée complices, une
relation « à la vie, à la mort » se noue alors entre ces deux êtres
qui ont en commun une même quête d'amour et de liberté.
Julien s'occupera de tout : de trouver pour Anne un
refuge et des vêtements, de payer sa pension chez ses hôtes et de régler les
frais d'hôpital et d'opération pour soigner sa cheville.
Pour
la jeune fille, aspirant à profiter à pleine goulée de la vie, c'est une
terrible épreuve que de clopiner et de se déplacer péniblement sur des
béquilles. Mais il est encore plus difficile d'attendre Julien clouée sur un
lit d'hôpital ou recluse dans des chambres de rencontres…
Au fil des pages de L'Astragale, nous suivons l'héroïne dans le quotidien de son évasion,
allant de planque en planque et recourant à tous les subterfuges pour échapper
aux forces de l'ordre qui la recherchent activement.
Le lecteur s'attache à la personnalité de cette femme
sensible dont le regard posé sur
la vie n'est pas dénué de poésie ; une femme, par ailleurs, prête à
prendre tous les risques pour sauvegarder une liberté si chèrement acquise…
Et on ne peut que compatir au destin malheureux
d'Anne : l'évasion s'achève un soir de soleil d'août. La jeune femme ouvre
la porte de sa chambre d'hôtel, non pas sur Julien qu'elle attendait, mais sur
le policier qui la recherchait depuis tant de mois… Nulle révolte : elle
sourit : Julien va arriver et
la voir passer « Il comprendra que je suis un peu retardée et que ce
n'est pas de ma faute… » Mais plus que tout, Anne est forte de cette
certitude qu'un jour, là-bas, « sur la plate-forme lumineuse, (ils se )
retrouveront »…
A. D.
Lycée Charles de Gaulle de Vannes. Mars 2004