RETOUR : Coups de cœur

 

Pierre Campion: Compte rendu du livre d'Armand FrŽmont, La MŽmoire d'un port. Le Havre.

Texte mis en ligne le 10 dŽcembre 2006.
Ce texte, ici remaniŽ, a fait l'objet d'une premire publication le 1er novembre 2005 sur le site EspacesTemps.net.

© : Pierre Campion.

fremont  Armand FrŽmont : La MŽmoire d'un port. Le Havre, ArlŽa, 1997.


LA FORME D'UN PORT : LE HAVRE

Pour Juliette, Étienne, Raphaël et Santiago.

Voici un livre singulier. AssurŽment, cĠest une autobiographie (celle dĠArmand FrŽmont, nŽ au Havre en 1933, de deux familles implantŽes en cette ville depuis plusieurs gŽnŽrations, universitaire et haut fonctionnaire, pre de famille lui-mme, etc.) mais cĠest aussi une monographie de gŽographie humaine et historique (Le Havre, ŽtudiŽ par le mme FrŽmont, des origines ˆ nos jours : un site, un port voulu et fondŽ par Franois Ier, une population, les succs et les Žpreuves dĠune histoire, particulirement dans le sicle qui va ˆ peu prs de 1880 ˆ 1995).

Un problme dĠŽcrivain

Justement le problme est bien lˆ : dans le projet formŽ par lĠauteur de remplir ˆ la fois les obligations dŽjˆ complexes de ses mŽtiers de gŽographe et dĠamŽnageur du territoire ˆ propos dĠun objet particulirement intŽressant ˆ cet Žgard et celles dĠun homme privŽ qui entend reconna”tre sa propre vie et en faire une sorte dĠhommage aux siens et, au-delˆ, ˆ sa ville. Construction de la subjectivitŽ et Ïuvre de science ; superposition de deux entitŽs apparemment sans commune mesure ; croisements incessants de deux histoires, familiale et urbaine, de deux humeurs et de deux destins ; grammaire ˆ deux sujets, Je et Le Havre, chacun totalisant de chapitre en chapitre ses propres Žtats successifs : la ville et ses pŽriodes, le Je et son histoire. Ainsi fut voulu ce livre, par lĠune de ces dŽcisions qui rgnent dans la littŽrature, problŽmatiques et mme obscures, inattendues, presque prŽsomptueuses, et qui se rŽsolvent (ou qui Žchouent) dans et par un travail dĠŽcrivain.

En effet, nous sommes en prŽsence de lĠune de ces apories de la pensŽe que tranchrent par exemple un LŽvi-Strauss dans Tristes tropiques ou un Corbin dans Le Monde retrouvŽ de Louis-Franois Pinagot[1], la plume ˆ la main. Car si, ˆ un moment, le chercheur rencontre et choisit un objet dĠŽtude qui, pour quelque raison que ce soit, fait corps avec lui-mme, alors lĠintrication du sujet dans son objet suscite lĠobligation de tracer entre eux des mŽdiations qui rŽsolvent cette hŽtŽrogŽnŽitŽ : des reprŽsentations unifiantes, des figurations complexes, en un mot des fictions. Une instance appara”t, qui nĠest plus ni Le Havre ni Armand FrŽmont mais un Žcrivain, lequel a la charge de gouverner cet objet complexe nŽ de sa propre dŽcision : dĠen assumer lĠŽtrangetŽ, dĠen exprimer la nŽcessitŽ, en un mot de le reconna”tre comme ce qui fait conna”tre et la ville et lĠenfant de la ville, lĠun par lĠautre. Et la premire invention de cet Žcrivain, cĠest la fiction dĠun narrateur qui ne soit en vŽritŽ ni la personne privŽe ni celle du gŽographe, ni mme celle de lĠŽcrivain, mais la projection de ces trois personnes dans une voix imaginŽe. Les deux premiers tropes du livre de FrŽmont, conjoints par lĠeffet de cette voix, cĠest donc lĠespce de mŽtonymie qui fait que lĠenfant tient ˆ sa ville par un lien de substance et lĠespce de mŽtaphore, par lˆ rendue possible, qui transpose la forme de la ville dans celle dĠune vie[2]. Ainsi se trouve fondŽe une certaine position intermŽdiaire qui autorise son projet :

Dans la reprŽsentation quĠont les hommes de lĠespace o ils vivent, la relation est bivalente : lĠobjet compte, mais aussi les hommes. Mon aventure personnelle avec Le Havre nĠest pas purement anecdotique. LĠobjectivitŽ me conduit ˆ interroger ma subjectivitŽ, mes attaches, ma mŽmoire, et ˆ les solliciter au-delˆ des impressions fugitives. Je ne suis certes pas un Havrais trs Ç significatif È, mais mes significations en valent bien dĠautres. La ville abstraite sĠest construite selon des donnŽes objectives, mais Žgalement sur une certaine perception de la ville, celle des Havrais et celle des autres. Je suis entre les deux. (p. 162-163)

Il y faut dŽjˆ une condition. Peu ˆ peu et ds avant sa naissance se forme lĠun de ces enfants du Havre qui, au dŽpart (dans les annŽes de ses grands-parents et parents puis dans sa petite enfance et son adolescence), nĠa pas plus de titres ˆ reprŽsenter sa ville que quiconque en sa gŽnŽration : bien moins en tout cas et en principe que les hŽritiers de la C™te parmi lesquels sĠŽtait dŽjˆ distinguŽ un AndrŽ Siegfried, gŽographe de la France et du monde, deux gŽnŽrations avant lui. Mais voilˆ que le jeune Armand FrŽmont (Armand le fils), par une dŽcision de ses parents qui nĠŽtait nullement inscrite dans leur culture, un mois aprs que la ville eut ŽtŽ rasŽe par les bombardements des AlliŽs, entra en sixime au lycŽe du Havre, un Žtablissement o nĠallaient ni les hŽritiers de la haute ni les enfants du peuple. Ainsi sĠisolant dŽjˆ une premire fois de lĠesprit de la ville tout en restant en elle (le lycŽe est une ”le, p. 119), il allait prendre progressivement cette autonomie dans la fidŽlitŽ qui permit ˆ un Daniel Colliard de devenir un jour, petit foulard nouŽ autour du cou, lĠun des maires communistes du Havre et ˆ lui, Armand FrŽmont, un gŽographe capable, vers la fin de sa carrire de professeur et de recteur dĠacadŽmie, de comprendre la ville de lĠintŽrieur en se comprenant lui-mme et ainsi de rŽvŽler la culture du Havre ˆ elle-mme (p. 123-135). Car les sociŽtŽs humaines ont le besoin et parfois la chance de susciter en leur sein une intelligence dĠelles-mmes suffisamment abstraite de leurs reprŽsentations immŽdiates, une intelligence que ne remplacent pas les meilleures Žtudes sociologiques, historiques, gŽographiques ou politiques[3]É Sortis lĠun et lĠautre du peuple de la ville par leur lycŽe, Colliard un moment la gouverna et FrŽmont la raconte.

LĠespace mental du livre

Nantes a dŽmŽnagŽ son port vers lĠembouchure de la Loire, cela ne lĠempche nullement de demeurer telle quĠen elle-mme une grande ville, belle et ouverte. Mais si Le Havre perdait le sien, cĠen serait fini du Havre.

Le port ! CĠest la figure centrale de ce livre : en mme temps une rŽalitŽ exclusive, dure et prŽgnante, et une forme imaginaire. Voulu par une dŽcision royale qui se prolonge dans le nom de sa plus grande Žcluse et de son lycŽe de centre-ville, objet assez souvent de la sollicitude nationale[4], dotŽ dĠun musŽe marin qui porte le nom dĠAndrŽ Malraux, dominŽ dĠabord par des grandes familles venues dĠAlsace puis par lĠadministration omniprŽsente du Port autonome, le port est la raison mme de la ville : sa matrice, sa formule et sa logique surimposŽes, le lieu gŽomŽtrique de ses espaces et de sa vie.

Le Havre, cĠest, ŽlevŽ ˆ la concrŽtisation spŽciale dĠun nom propre, le nom commun de tous les abris que la nature et leur ouvrage mŽnagent aux hommes sur les littoraux des aventures et des dangers : Le Havre, cĠest Le Port en personne, le miracle dĠun emplacement natif, un jour compris et amŽnagŽ par un roi de France puis conservŽ au long de plus de quatre sicles contre toutes les vicissitudes de la nature, de lĠŽconomie et de lĠHistoire ; cĠest la porte ocŽane de lĠAncien Monde sur le Nouveau.

Le port, nous dit FrŽmont, conserve en ses bassins et en ses quais lĠhistoire de ses installations, celles du temps des grands voiliers, puis celles du temps des paquebots qui emportaient en AmŽrique les puissants et toute la pauvretŽ de lĠEurope, maintenant celles des porte-conteneurs gigantesques qui, dŽfilant au ralenti dans lĠavant-port, dŽtournent ˆ leur profit le regard des visiteurs du musŽe — bient™t ils entreront par lĠouest dans les toutes nouvelles installations. Contre son port et par lui, la ville, de tout temps puis par sa reconstruction, a ordonnŽ et rŽordonnŽ ses avenues parallles et ses rues perpendiculaires, ses quartiers populaires de la basse puis de la haute ville, et les villas de sa C™te et de Sainte-Adresse.

Le port a concentrŽ les trafics, aux deux sens du terme. Il a drainŽ des populations hŽtŽrognes : comme ceux de beaucoup de Havrais, les arrire-grands-parents dĠArmand FrŽmont sont venus du pays de Caux, de la Basse-Normandie, de Bretagne et notamment des C™tes-du-Nord, ou dĠAlsace. Il a attirŽ successivement plusieurs types dĠindustrie : le commerce, la construction navale, le traitement et le conditionnement de tous les produits du monde, le raffinage des produits pŽtroliers — lĠautomobiliste qui entre pour la premire fois dans Le Havre par la route de lĠest, la seule vraiment qui y conduise, a sous les yeux ce que veut dire lĠexpression de chimie lourde. Il a apportŽ le football que Le Havre connut ainsi bien avant Paris ou Marseille. Il informe la ville, littŽralement et dans tous les sens.

Mais justement cet effet de prŽgnance que le port exerce sur et dans la ville, cĠest aussi celui quĠil produit dans le narrateur et que celui-ci constate en lui-mme. CĠest dans lĠesprit dĠun sujet que se rŽalise cette rŽflexion intellectuelle et affective dĠun port dans une ville et dĠune ville dans une vie. Ainsi, commentant la photo que son pre fit prendre de lui-mme non loin de Vancouver, FrŽmont note les espaces quĠelle dispose en elle et pour qui :

La photographie jaunie juxtapose plus quĠelle nĠoppose, mais la composition donne sa propre vŽritŽ : les fžts des grands arbres en arrire-plan, les totems ornŽs de grenouilles et dĠaigles, Žtranges, ˆ c™tŽ le jeune homme au costume bien coupŽ et ˆ la cravate soignŽe, civilisŽ jusquĠˆ la perfection, et, devant, horizontal, superbe, le taxi, lĠautomobile qui lĠemporte encore sur tout et quĠil faut absolument montrer. LĠAmŽrique en quatre dimensions, pour une image ˆ restituer au Havre, un souvenir encadrŽ au-dessus dĠune cheminŽe, ou un schme dans les ttes, invisible et partout prŽsent. (p. 84)

Retour au port de certaine image quĠil a suscitŽe de lĠun de ses habitants un jour au loin, et retour ˆ lĠesprit du Je dans lequel tout le rŽel se constitue en images. Oui, toutes ces constructions ne prennent sens que par et dans le travail de la subjectivitŽ, telle que lĠanalyse et la recompose un Žcrivain : comme le port du Havre, la mŽmoire du Havre est une crŽation.

Ce qui est singulier et trs beau, cĠest que Le Havre, par le fait de sa destruction en 1944 et par la pensŽe de sa reconstruction, est allŽ comme de lui-mme ˆ parachever ce statut de ville imaginaire, et cela de deux manires opposŽes. DĠune part il y a Le Havre de lĠenfance dŽfinitivement disparu, que recompose telle phrase Žvidemment proustienne (Ç Ce Havre-lˆ, ŽcrasŽ sous les bombes, actif, complexe, riche dĠoriginalitŽ, plus vrai que le vrai, se confond ˆ jamais avec la main rude et affectueuse de mon grand-pre È p. 169) ; dĠautre part il y a Le Havre actuel, cette crŽation dŽlibŽrŽe et conceptuelle de lĠƒtat et dĠAuguste Perret, que FrŽmont appelle, en son chapitre VIII, Ç la ville abstraite È :

JĠadmire la rŽsurrection et lĠexpansion de la ville, son modernisme affirmŽ, ses ambitions Žconomiques, mais je mĠen dŽtache aussi progressivement, y gagnant sans doute une objectivitŽ formelle, mais y perdant aussi beaucoup de familiaritŽ et de chaleur humaine. (p. 169)

Mais des deux manires, si diffŽrentes soient-elles, lĠŽloignement constitue la ville en tre de lĠesprit, et cĠest ainsi que se rŽsolvent en effet le problme de son objectivation et celui de la coexistence des deux points de vue, scientifique et personnel, portŽs sur cet objet : dans lĠespace mental dĠun Žcrivain, lˆ o les deux Le Havre coexistent en tant quĠils sont repris ensemble dans lĠhistoire du narrateur et dans la chaleur et la familiaritŽ de ses crŽations. Ainsi le dit-il encore une fois et clairement dans le dernier chapitre :

Les mŽmoires de ma ville se confondent avec ceux de ma famille. Je ne saurais les sŽparer. Il ne sĠagit pas de ma part dĠune facilitŽ de narration ni dĠun plaisir personnel. Cette famille-lˆ ne peut se saisir sans Le Havre. Je ne peux comprendre mon pre sans le port ni lĠAmŽrique, mon grand-pre sans la ville dĠavant-guerre, ma grand-mre et ma mre sans le quartier des Gobelins. Mais, rŽciproquement, Le Havre ˆ mes yeux ne sĠanalyse pas sans eux, mme avec mes techniques habituelles de gŽographe. Vidal de La Blache et Cholley ont inventŽ la Ç combinaison gŽographique È, considŽrant quĠun espace telle la ville ne sĠŽtudie que dans la multiplicitŽ et lĠinterdŽpendance des facteurs qui le composent ou le sous-tendent, facteurs naturels, Žconomiques, sociaux, culturelsÉ Je nĠai jamais oubliŽ cette leon, y ajoutant cependant lĠimage que les hommes donnent dĠeux-mmes en un lieu, la manire dont ils le vivent, les signes qui les orientent, les Žmotions qui les saisissent, tous facteurs aussi importants que la prŽcieuse Ç combinaison È. JĠai toujours voulu ajouter ˆ Vidal de La Blache, ne serait-ce quĠen clin dĠÏil, un peu de Montaigne, de Stendhal ou de Maupassant. (p. 250)

Reconnaissons la distance que ce clin dĠÏil crŽe avec ces noms de la LittŽrature et entrons maintenant dans les figures de cette gŽographie physique et morale telle quĠelle sĠinscrit dans un sujet comme Ç gisements profonds de [son] sol mental È et Ç terrains rŽsistants sur lesquels [il] sĠappuie encore[5] È.

Une archŽologie : « Sous la ville, le marais. »

Toute chose qui est a eu ses commencements, quĠil faut dŽceler en elle pour la conna”tre ici et maintenant, en tant quĠils y sont encore ˆ lĠÏuvre : Ç Il faut plonger dans lĠinfini de la mŽmoire des hommes pour imaginer ici Le Havre avant Le Havre È (p. 234). Car ici, ˆ lĠŽgard de cette ville presque entirement contemporaine, nous sommes paradoxalement comme devant un objet archŽologique plongeant aux origines de lĠhumanitŽ[6].

Avant que le port ne fžt crŽŽ comme une vue de lĠesprit par lĠun de nos rois puis recrŽŽ par la volontŽ nationale et la vision dĠun architecte, il y avait sa prŽhistoire, somme toute rŽcente, que le gŽographe arpente encore une fois selon le rituel familial et havrais de la promenade ˆ la plage (chapitre XII), sans fouiller ailleurs que dans sa mŽmoire et sans dŽchiffrer dĠautres palimpsestes que des paysages : le site naturel du Havre, les bassins et les quais, la disposition des quartiers, des rues et du b‰ti urbain.

Ç LĠendroit avait plut™t mauvaise rŽputation, dans lĠisolement dĠun bout du monde, [É] sous les froissements dĠailes des canards sauvages au-dessus des mares et des roselires, et dans le hurlement des mouettes ˆ la rencontre des vaguesÉ lorsquĠˆ la fin de lĠhiver 1537, des cavaliers et des barques sĠapprochrent È (p. 30). Physiquement et moralement le marais est toujours lˆ Ç sous la ville È (chapitre X) et autour dĠelle. Le Havre dĠavant Le Havre demeure dans une ville qui fut et qui reste insalubre et mŽlangŽe de trafics et de tensions :

Le Havre est construit sur le marais. Et le marais est toujours lˆ, prs de six sicles aprs la fondation du port, enserrŽ entre les quartiers et les usines, cernŽ par les bassins et les quais, endiguŽ, encerclŽ, enjambŽ par lĠimmense pont de Normandie, amŽnagŽ partiellement par les ingŽnieurs Žcologistes du PAH [Port autonome du Havre], mais toujours lˆ[7]. (p. 201)

Cette ville dŽsormais presque entirement nouvelle, et qui accueille comme les autres les violences de lĠŽpoque, reste travaillŽe par les forces ambigu‘s de sa gŽographie.

Les mŽdiateurs

Celui, le premier, qui donne Le Havre au narrateur cĠest son pre. Orphelin ŽlevŽ ˆ la dure en institution et sur le port, le plus souvent absent au loin puis tout prs retirŽ en son jardin de banlieue, mais toujours dŽtachŽ et caustique, Armand FrŽmont le pre est un fou de lĠAmŽrique. Il y a voyagŽ et vŽcu ; pendant les bombardements de juin 40, il a cru ˆ sa victoire puis il a combattu sur ses navires ; ensuite il a servi au bar des grands transatlantiques. Il signifie lĠouverture du port sur le monde :

La seule ville qui compte, la seule que supporte Armand le rŽvoltŽ, cĠest New YorkÉ Le Havre est son village, New York est sa ville. [É] Il ne conna”t ni Wall Street, ni le World Trade Center ˆ venir, ni Greenwich Village, mais Brooklyn, le Bronx, Harlem, Broadway, et surtout les quartiers derrire les piers o accostent les paquebots [É]. PrŽcurseur de ce que nous sommes, il revient au Havre, ˆ lĠaube des annŽes 50, chargŽ de microsillons, de livres de poche, de bas de nylon, de bo”tes de chocolat, dĠappareils Žlectro-mŽnagers, de victuailles conditionnŽes, de vtements de travail simples et pratiques, de blue-jeans avant la mode, et mme dĠun rŽfrigŽrateur. Tout est possible ˆ New York, avec quelques liasses de dollars en poche. (p. 84-85)

Figure fascinante et douloureuse pour le narrateur, personnage rŽcurrent dans son livre comme dans sa vie, il rapporte ˆ son fils des cadeaux de lĠailleurs et, par allusions, des nouvelles de lĠancien port, quand un jeune garon de 15 ans pouvait y vivre presque ˆ lĠaise. Fils du Havre par son pre, lĠauteur entretient ainsi un lien consubstantiel et difficile avec la vocation mondiale dĠune ville dure et mystŽrieuse.

LĠautre pre, cĠest le grand-pre maternel, ƒdouard Belloncle, tout aussi havrais que son gendre avec lequel il sĠentend mal, artisan installŽ avec sa femme au bas de la C™te, place des Gobelins, dans un quartier qui porte encore les marques de la campagne dans Le Havre ancien, et juste ˆ la limite des bombardements de septembre 1944. De fait, le grand-pre et la grand-mre Žlvent lĠenfant et cĠest de chez eux quĠil va au lycŽe chaque jour pendant sept ans :

CĠest, bien Žvidemment, un itinŽraire dĠinitiation, peut-tre plus important que le lycŽe lui-mme, entre la place des Gobelins familire et qui ressemble encore ˆ un village, jusquĠau centre de la ville bruissante dĠinconnu et de vie, entre la ville sous les ruines, celle qui subsiste et celle qui se reb‰tit, entre lĠurgence, le provisoire et le dŽfinitif. Le temps et lĠespace se construisent sur cet itinŽraire, dans ma conscience puis dans ma mŽmoire, comme dans la rŽalitŽ. Je ne suis pas le sujet de ce livre. Mais la ville ne peut se comprendre sans cette perception personnelle, sans ces centaines de milliers de perceptions qui ont fait la ville autant que les architectes, et qui, en retour, doivent tant ˆ la ville qui sĠest faonnŽe ou refaonnŽe en mme temps que nos propres vies. (p. 119)

Autres mŽdiateurs familiaux : cette grand-mre, bien sžr, AndrŽa, qui avait ŽtŽ femme de chambre chez les Augustin-Normand dans leur grande propriŽtŽ de Sainte-Adresse ; et sa mre ˆ elle, Marie PrŽvot, venue autrefois dĠAlsace, enceinte et abandonnŽe, dans lĠintention de sĠembarquer pour lĠAmŽrique et restŽe au Havre ˆ travailler durement dans le quartier du port. Et puis surtout, Ç ma mre, fille unique dĠƒdouard et dĠAndrŽa È (p. 54-55). Elle se nomme Raymonde, mais on lĠappelle NŽnette. Ç Elle est NŽnette de la place des Gobelins. Elle est la reine È (p. 57). La jeune fille vive et enjouŽe puis la jeune femme amoureuse dĠArmand, un peu de tristesse depuis dans son sourire, entra”ne dans son sillage son quartier (Ç un microcosme de ville È) et les annŽes heureuses, les promenades, ses amies et jusquĠˆ cette cousine qui, parmi les premires, joua au basket au patro de St Thomas dĠAquin. Elle entra”ne aussi le square Saint-Roch, o elle emmne volontiers son fils, Ç un univers, un havre ˆ lui seul È, un lieu qui porte en lui une histoire continue du Havre depuis les origines (p. 70). Mais dŽjˆ, en 1938, elle a suivi son mari ˆ Saint-Laurent-de-Brvedent, dans un exil de quinze kilomtres, dĠo elle revient de temps ˆ autre[8].

Il y a dĠautres lieux privilŽgiŽs, comme le stade Jules-Deschaseaux, o aprs le vieux stade de la CavŽe verte joue Ç le club doyen È, le Havre-AthlŽtic-Club, le HAC, toute une histoire lui aussi, incarnŽ un moment dans la figure de Jean-Pierre Hureau, Ç havrais dĠorigine et de cÏur È, porteur des valeurs dans lesquelles se reconna”t le peuple du Havre : Ç lĠexpŽrience professionnelle valorisŽe plut™t que le dipl™me, lĠattachement au milieu des origines, la force physique et la force de caractre, lĠesprit dĠŽquipe, quasi corporatiste, comme ˆ lĠusine ou dans les bordŽes de dockers È (p. 189). Au foot, se rencontrent sans se mler les ouvriers, les petits et moyens bourgeois, et les hommes de la haute :

La ville se regarde en ce miroir, ou, plus prŽcisŽment, deux ou trois villes qui nĠen font quĠune. Ici, autour de la pelouse, tout est signe. Le stade exprime lĠordre social beaucoup mieux quĠaucun autre espace, parce quĠil concentre en un mme lieu symbolique tous ceux qui constituent la ville, ou tout au moins un rŽsumŽ de ce qui les unit et de ce qui les distingue. Voici le programme et les annonces publicitaires qui entourent le stade. On y lit, avec une quasi-perfection, lĠŽconomie de la ville : Renault-Sandouville, Total, Elf-Atochem, Sidel, le port autonome, la compagnie nouvelle de manutention, Fretval et ses porte-conteneurs, mais aussi la pizzeria Valentino, le bar-tabac le Week-End, les torrŽfacteurs de cafŽ et le casino dĠƒtretat. (p. 193)

On lit aussi, dans les difficultŽs du HAC, Ç la crise È (chapitre XI) que traverse la ville : Ç Dans une Žconomie mondialisŽe, une sociŽtŽ mŽdiatisŽe, un espace europŽen, des relations continentales, un trs grand match commence, pour Le Havre, et pas seulement pour le HAC È (p. 191). Dans ce match, la CGT et le Parti communiste, la gauche et la droite, les Colliard et les Rufenacht, les nouvelles tensions ethniques, toutes ces forces souvent venues de loin poursuivent un match entamŽ depuis cinquante ans et qui met en jeu le destin de la ville. LĠauteur les reconna”t toutes, il en analyse les tenants et aboutissants, les succs, les erreurs et les Žchecs, mais il se situe principalement par rapport ˆ la classe ouvrire :

Ma famille ignorait ce Ç milieu È, sans dŽdain mais non sans peur. Je me souviens de mes copains de lĠŽcole de Gaineville [É]. Je me rappelle lĠarmŽe des travailleurs qui se prŽcipitaient du train le matin pour rejoindre les tramways [É]. Je vois encore les rangs serrŽs des grŽvistes et ceux des CRS qui leur font face, cours de la RŽpublique, quelque part vers 1953, comme deux armŽes avant un combat. (p. 225)

Cependant il nĠoublie jamais ces autres miroirs du Havre que sont ses peintres. Tout au long du livre, il nomme et Žvoque les peintres havrais : Boudin, Dufy et Monet, Dubuffet et Braque. Mme, ces deux derniers symbolisent ˆ ses yeux le passage du Havre ancien ˆ ce quĠil appelle, comme on lĠa vu, Ç la ville abstraite È. Mme si les dates ne co•ncident pas entre la production des peintres et lĠŽvolution de la ville, le narrateur repre un certain moment, qui nĠest pas non plus exactement celui de Perret : Ç Cela sĠest passŽ quelque part entre 1955 et 1975, pendant les annŽes de grande croissance, au cÏur des Òtrente glorieusesÓ auxquelles Le Havre a trs activement participŽ È (p. 155) :

Le conteneur a introduit le cubisme sur le port. Nulle monotonie cependant ne saisit lĠŽtranger lorsquĠil pŽntre dans cet univers ; plut™t un sentiment dĠŽcrasement, comme sĠil pŽnŽtrait, trs loin de Monet et de Boudin, dans une immense toile abstraite, tendue entre lĠestuaire et la ville, plus mobile encore quĠun Calder, riche de couleurs vives, de mouvements rapides, de formes sches et fortes et dont lĠintelligence supŽrieure se cacherait dans lĠintimitŽ de lĠinformatique, au-delˆ des hommes, ˆ peine prŽsents, rŽduits ˆ lĠŽtat de points minuscules sur les tracteurs, les portiques, les ponts des navires, alors que le peintre ou lĠarchitecte inconnus de cette mŽtamorphose auraient voulu tout effacer des formes et des savoirs anciens pour ne retenir que lĠŽpure droite dĠune abstraction sans autre contrainte. (p. 156-157)

Dans la ville mme, Ç le chef-dĠÏuvre de lĠabstraction urbaine se situe dans ce qui fut le centre de la ville : le bassin du Commerce et ses abords È (p. 158). Et, quand il veut prendre du recul, lĠauteur nous ramne ˆ la plage, prs du sŽmaphore, lˆ o les Havrais en promenade Ç viennent contempler leur Ïuvre È :

En des formes aussi nettes que celles du sŽmaphore, voici le b‰timent de la capitainerie, le quai des Abeilles, ces remorqueurs qui assistent les navires et oprent les sauvetages en mer, enfin le musŽe des Beaux-Arts dont lĠÏil ne cesse de regarder la mer. Tout Le Havre se trouve ici rŽsumŽ, en un rectangle de quelques centaines de mtres de c™tŽ seulement, centre nerveux de tous les passages et regard de la ville et du port sur eux-mmes. (p. 235)

Cependant, Ç qui ne verrait dans ces lignes gŽomŽtriques de lĠart contemporain quĠun dessein sans passŽ, sans culture et sans avenir, serait un barbare È.

Car, quand il veut prendre de la hauteur et conclure vraiment son histoire, le narrateur nous entra”ne vers les hauteurs de La Hve, dĠo se dŽcouvre aux Havrais de toujours la vraie vue sur leur ville et sur son paysage, celle des impressionnistes. Certes ses parents et ses grands-parents ne connaissaient ˆ peu prs rien des peintres qui avaient fixŽ les traits de leur ville, Ç pourtant ils en Žtaient les personnages mmes [É], non les modles de premier plan, mais les hommes et les femmes qui sont la vie de la peinture impressionniste ou post-impressionniste, le dŽjeuner sur lĠherbe ˆ Honfleur, le jardin de Sanvic, le long regard sur Le Havre depuis La Hve È (p. 248).

ƒvoquant une dernire fois le tableau de Monet Impression, soleil levant, FrŽmont conclut sur le panorama de La Hve, le sien, tel que vu par tous les siens et Žcrit par lui, le gŽographe :

Voici la zone industrielle, le port, la ville, lĠestuaire, la plage, lĠautre c™tŽ de lĠeau, la rade, la mer. Et voici encore tout ce quĠon ne discerne pas au-delˆ, mais qui semble prŽsent, ici, dans le flux incessant des navires qui surgissent ou disparaissent ˆ lĠhorizon, lĠAngleterre sans jamais la comprendre, lĠAmŽrique toute proche, lĠAfrique, lĠAsie, et peut-tre mme le cap de Bonne-EspŽrance ou la Tasmanie, ˆ lĠinfini des terres et des mers. Toute la gŽographie du monde en un regard, en une seule leon. (p. 252)

La poŽtique dĠune ville

Comme la peinture, lĠŽcriture sait ressaisir sous ses propres perspectives les espaces et les temps. CĠest pourquoi il nous appartient ˆ nous Ç les littŽraires È, selon les moyens de notre discipline, dĠessayer de dŽcrire et de comprendre les Žcritures de ceux, gŽographes, historiens, anthropologuesÉ, qui durent passer par la littŽrature pour accomplir les exigences de leur propre vocation. Certes il serait trop long ici de dŽvelopper compltement les raisons qui peuvent conduire ces hommes de science au besoin et ˆ la considŽration de lĠŽcriture[9]. Je dirai seulement, dĠune manire gŽnŽrale (trop gŽnŽraleÉ), quĠil sĠagit de sciences humaines et que par lˆ le sujet de la connaissance est nŽcessairement impliquŽ dans ses savoirs et dans son ŽpistŽmologie. Plus particulirement, lĠhistoire bute nŽcessairement sur le problme de lĠŽvŽnement, de son imprŽvisibilitŽ et, pour ainsi dire, de son inventivitŽ : il y a lˆ du drame, du tragique et du comique, et lĠobscuritŽ propre qui affecte tout ce qui advient — tout ce qui est advenu, tout ce qui adviendra. Depuis Rousseau et LŽvi-Strauss on sait aussi que lĠethnologie implique lĠethnologue, et lˆ encore lĠŽvŽnement, longtemps refoulŽ, inquite ˆ nouveau le chercheur et en appelle ˆ sa propre inventivitŽ[10]. Quant au sociologue Pierre Sansot, il se fit conna”tre par sa PoŽtique de la ville qui sĠattira dĠemblŽe le salut du philosophe Mikel Dufrenne, en ces termes : Ç Un livre o cĠest la ville qui parle, librement, ˆ voix claire ! Certes elle ne dispose pas dĠune langue, dĠune batterie de signifiants linguistiques ; mais elle est elle-mme ce signifiant, et qui porte en lui son signifiŽ : elle sĠexprime ; et quelquĠun qui a appris ˆ parler et ˆ Žcrire exprime ˆ son tour cette expressivitŽ[11]. È Et les gŽographes dŽcrivent les villes et les paysages o nous vivons tous et o, parfois, ils furent enfants.

Bien entendu, comme Alain Corbin nagure en son Pinagot et comme Duby il y a un peu plus longtemps en son Dimanche de Bouvines, FrŽmont sĠadresse au public et non plus ˆ ses confrres et ˆ ses Žtudiants. Ë lĠ‰ge o lĠon peut Žcrire son autobiographie, il se sent probablement dŽgagŽ de ses obligations anciennes, plus libre sans doute ou possesseur dĠune autre libertŽ. Pour autant, il nĠabandonne ni la dŽontologie de la vŽritŽ scientifique ni mme lĠattitude du chercheur. Simplement il fait comprendre dĠune part lĠŽtroite implication que peut conna”tre, sous diverses formes, le savant en son objet, dĠautre part le caractre positif de cette implication sur le plan de la connaissance, et enfin la nŽcessitŽ de dŽpasser cette implication dans la crŽation dĠun style, jĠentends la nŽcessitŽ de rŽaliser dans des phrases et dans une organisation littŽraire spŽcifique les traits dĠune ville considŽrŽe comme une entitŽ vivante et telle quĠelle sĠimprime dans la vie dĠun homme. Que fait ici le style ? Il objective au sein de ses propres tensions (la voix imaginaire dĠun narrateur, un ordre du discours, des impressions et des images, les inflexions de ses phrasesÉ) les relations problŽmatiques qui rgnent entre le port et la ville du Havre, entre le passŽ et le prŽsent, entre le site et les constructions, — entre la ville et le Ç Je È, entre le savant et lĠŽcrivain.

ƒvidemment je nĠai pas ˆ dire si, du point de vue de la science gŽographique, la littŽrature Žtait nŽcessaire ˆ l'Žtude de lĠobjet Le Havre. Je ne peux pas non plus invoquer comme une preuve de sa valeur — sinon pour moi-mme — le fait que, personnellement, jĠai pris un grand intŽrt ˆ lire le livre dĠArmand FrŽmont. Mais je dirais quĠil supporte plut™t bien le point de vue et lĠanalyse littŽraires, lĠun et lĠautre pratiquŽs sous la considŽration de son objet propre. Pourrait-on accepter que cela soit une marque de rŽussite ?

Pierre Campion



[1] Voir Pierre Campion : Ç Une Žcriture de lĠhistoire au dŽfi de ses limites. Alain Corbin ˆ la recherche d'un monde perdu È, sur ce site.

[2] JĠemprunte ˆ G. Genette lĠarticulation de ces deux figures, telle quĠil la dŽcrit dans Proust : GŽrard Genette, Ç MŽtonymie chez Proust È dans Figures III, Paris, Seuil, coll. PoŽtique, 1972, p. 41-63.

[3] Ce fut la chance de Nantes, qui rencontra, en un Julien Gracq venu dĠailleurs Žtudier en son lycŽe, un Žcrivain qui la comprit mieux que personne tout en se racontant lui-mme (Julien Gracq, La Forme dĠune ville, Paris, JosŽ Corti, 1985). De Gracq FrŽmont parlera plus tard dans son livre, Aimez-vous la gŽographie, Paris, Flammarion, 2005, p. 133-136. Il lĠŽvoque comme lĠun de ces Žcrivains qui pratiquent ˆ lĠŽgard des lieux ce quĠil appelle Ç une gŽographie sensible È. Pas exactement de symŽtrie ici : Gracq est un Žcrivain qui fut un gŽographe, FrŽmont est un gŽographe qui se fait Žcrivain, au besoin et ˆ cette occasion. Au titre de cette gŽographie des Žcrivains, La MŽmoire dĠun port invoque Balzac pour Modeste Mignon et surtout La NausŽe de Sartre. Le premier de ces deux romans raconte lĠune des crises de la ville, celle quĠelle subit ˆ la veille de la RŽvolution de Juillet, le second en fait la critique un sicle plus tard.

[4] FrŽmont aurait pu citer le discours de Victor Hugo Ç Consolidation et dŽfense du littoral È prononcŽ ˆ la Chambre des pairs le 27 juin 1846, et dans lequel le pote Žvoque Ç la situation grave du Havre È et les travaux rendus nŽcessaires par lĠŽrosion du littoral normand et particulirement par la rencontre au cap de la Hve des actions de la mer et de la Seine : Ç Comment ces deux forces vont-elles se comporter ? Une lutte sĠengage ; la premire chose que font ces deux courants qui luttent, cĠest de dŽposer les fardeaux quĠils apportent ; le fleuve dŽpose ses alluvions, le courant dŽpose les ruines de la c™te. Ce dŽp™t se fait o ? PrŽcisŽment ˆ lĠendroit o la Providence a placŽ le Havre-de-Gr‰ce È Victor Hugo, Îuvres compltes, Paris, Le Club Franais du Livre, tome VII, 1968, p. 94. Mais FrŽmont est plus sensible au fait que Le Havre se sent ˆ lĠŽcart du pays : Ç [É] ce nĠest quĠune pice neuve accrochŽe ˆ un vieil hexagone, alors que lĠhorizon est ailleurs, et quĠainsi les hommes du Havre regrettent presque toujours lĠinadŽquation entre ce quĠils sont en France, nation fondamentalement terrienne, et ce quĠils pourraient tre È (p. 129).

[5] Proust, Du c™tŽ de chez Swann.

[6] Couronnant le dossier original qui lui Žtait prŽsentŽ, le 15 juillet 2005, ˆ Durban, la commission ad hoc de lĠUNESCO a inscrit le centre moderne du Havre dans le patrimoine de lĠhumanitŽ.

[7] Et, depuis que le livre a ŽtŽ Žcrit, le projet Port 2000 est sorti ˆ son tour du mŽlange des eaux et de la terre, en pleine baie de Seine, pour lĠusage bient™t des Ç grands camions des mers È. Plus que jamais Ç cette modernitŽ sans complaisance, cĠest Le Havre mme, Le Havre sans cesse renouvelŽ et toujours tel quĠen lui-mme le dŽveloppement et lĠappel du large lĠinspirent et le forment È (p. 236).

[8] Pour tre complet, il faudrait noter tous les personnages Žpisodiques qui font figures de mŽdiateurs : tel jeune oncle du narrateur (p. 55), les jeunes professeurs qui arrivent au lycŽe du Havre dans les annŽes de la LibŽration (p. 132É), un professeur qui invite ses Žlves chez lui, dans son tout nouvel appartement Perret pour leur montrer la ville (p. 155), lĠaum™nier du lycŽe, lĠun des hommes qui fondent au Havre lĠalliance politique qui devait gouverner la ville par la suite de RenŽ Cance ˆ Daniel Colliard. Et puis, bien sžr, Franois Gay, professeur de gŽographie et dĠhistoire, ˆ lĠorigine de la vocation dĠArmand FrŽmont.

[9] Je me contente de renvoyer ˆ un numŽro dŽjˆ un peu ancien mais toujours intŽressant de la revue Communications, Ç L'Žcriture des sciences de l'homme È, nĦ 58, sous la direction de Martyne Perrot et Martin de la Soudire, 1994, Paris, Le Seuil (importante bibliographie).

[10] Ainsi Francis Affergan. Voir ˆ ce sujet Pierre Campion : Ç La notion de fiction dans lĠanthropologie È, sur ce site.

[11] Pierre Sansot, PoŽtique de la ville, Paris, Klincksieck, 1973, rŽŽd. Armand Colin 1996, prŽface de Mikel Dufrenne, p. 3. Dernire rŽŽdition : Payot, 2004.


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