Au
cours de l'année 2012-2013, Françoise Sérandour a
conduit un travail d'écriture poétique avec les
élèves-ingénieurs à l'INSA de Rennes (Institut National des
Sciences Appliquées).
On présente ici l'un de ces poèmes, écrit par Noémi
Ledoux, avec un poème intercalé de Vivien Laplane.
Remerciements aux auteurs,
à Françoise Sérandour et
à l'INSA de Rennes.
©
Noémi Ledoux, Françoise Sérandour et l'INSA de Rennes.
Mis en ligne le 17 juillet
2013.
Souvenirs d'un accident
au cours duquel un ami a frôlé la
mort
Je me souviens…
Je me souviens de cette joie, cette joie
d'être ensemble…
Je me souviens de ce bonheur, ce bonheur
d'être là…
Je me souviens de cette envie, cette envie de
partager…
Je me souviens de l'euphorie, qui régnait à ce
moment…
Puis je me souviens, après, de cette peur, de
cette angoisse, mais aussi de cette lucidité.
Je me souviens de la douleur, et encore de la
peur.
C'était ensuite le rire, la décompression, et
de nouveau le rire.
Mais il y avait toujours la peur,
l'incertitude, et beaucoup de colère.
La colère de n'avoir rien dit, rien fait, même
si finalement nous n'aurions rien pu faire de
mieux.
Ensuite vint la joie, puis de nouveau la peur,
puis de nouveau la joie.
La joie de les retrouver, enfin, de le
retrouver, enfin !
À partir de ce moment-là, ce fut l'espoir qui
prit le dessus, bien que parfois bousculé par la
peur,
Mais l'espoir revenait toujours plus
fort.
Et plus les jours passent, plus cet espoir
envahit mon corps, mon espace, mon esprit,
Cet espoir fait partie de ma
vie.
Et plus encore qu'une partie de la mienne,
c'est sa vie toute entière qui tient en ces quelques mots :
espoir, force, volonté, amour…
L'amour des siens, l'amour que nous lui
offrons, afin de lui donner, la force d'avancer.
Deux mois et deux jours après, première visite à cet
ami…
Enfin !
Cette envie irrésistible
De me jeter dans ses
bras
De le voir rire et
sourire
Lui tenir enfin la main.
Ce bonheur
indescriptible
Cette lueur dans ses
yeux
Entendre son
chuchotement
Et mon nom entre ses
lèvres.
Cette joie tellement
visible
En voyant bouger cette
main
Restée longtemps
immobile
Et se déplier soudain.
Je me serais arrêtée
Assise des heures durant
S'il avait dormi
seulement
À l'écouter respirer.
Lors de ces longues
minutes
Quand la tristesse
dominait
Je voulais juste être là
Qu'il s'endorme rassuré.
La fierté de retrouver
Bien au chaud entre ses
bras
Orange, qui pour moi
veillera
Alors que je ne suis plus là.
Plus de deux mois après, je suis toujours hantée par ce
souvenir…
Une bouffée d'air
Courir
S'enfuir
Échapper à cette
souffrance
Ce sentiment qui me ronge en
dedans
Si je me laisse aller
Je risque de me perdre, me noyer,
sombrer
Je dois m'en aller
Me reposer
Oublier
Prendre le temps de me
poser
Le temps de me re-poser
Le temps de réfléchir
Le temps de prendre mon
temps
M'organiser
Travailler avec
efficacité
Mais aussi penser à moi, mon corps, mon
esprit,
Ne rien faire, lire, écrire, laisser
vagabonder mes idées,
Et enfin,
M'abandonner
Le labyrinthe de mes souvenirs
Mes souvenirs
Sont comme un labyrinthe
Dont les couloirs se
multiplient
S'allongent jour après
jour
Tout au long de ma vie
Qui tout doucement
grandit.
Durant le jour, durant la
nuit
Je me promène dans ses couloirs
M'y perdant sans même
vouloir
Sortir un jour d'entre ses
murs.
D'un souvenir à l'autre je glisse
tranquillement
Aucune concordance
Ni dans l'espace ni dans le
temps
Mais une simple
co•ncidence
Me transporte
subrepticement
De celui-ci jusqu'au
suivant.
Et pourtant, depuis un certain
temps
Quel que soit le chemin que
j'emprunte
Lorsque j'erre dans ce
labyrinthe
Je me retrouve dans ce
couloir
Et plonge encore dans ce trou
noir.
Caressant des champs de blés tout dorés.
Puis les questions
reviennent qui défrisent
Notre taux d'adrénaline, notre
hilarité.
C'est un instant d'éternité à goûter,
Un cadeau à ouvrir délicatement
Pour le
savourer sans aparté.
À écouter et à
m'interroger.