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FRANÇOISE SÉRANDOUR

Parler, lire, écrire
L'invention des écritures en terrains français, portugais et marocain

Chapitre 4 : L'oral, du mythe au conte.

© Françoise Sérandour.

Mis en ligne le 3 janvier 2005.



Parler, lire, écrire

L'invention des écritures en terrains français, portugais et marocain


SOMMAIRE DE CE CHAPITRE
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Chapitre 4

L'oral, du mythe au conte

Introduction : Du désir de lire

Ainsi nous retournons aux origines de l'humanité pour repenser les processus de transmission et de réception de la connaissance qui caractériserait une lecture du monde basée sur le mode ancestral du mythe, c'est-à-dire l'expression d'un rite individuel et collectif d'auto-connaissance et d'insertion dans le monde. Et l'art de la parole, qui opère avec les émotions les plus profondes, est un mode privilégié de réaliser cette archéologie de la lecture.

Gloria Pondé[1]

Dans sa Poétique de la rêverie, Gaston Bachelard écrit au sujet des « rêveries d'enfance » : « J'ai goûté auparavant le plaisir de faire ces voyages dans les mondes lointains de l'imagination. » Et « ouvrir la porte de ce temps de l'enfance » pour en « créer des images positives et s'en nourrir à chaque instant de sa vie », c'est ce que le philosophe propose à l'être qui est devenu adulte, autonome, porteur de ses désirs et capable de transmettre ses savoirs[2].

Ainsi, au plus loin de nos souvenirs, dans quelque lieu que ce soit, un livre contre le visage, et les yeux au plus près pour s'abîmer encore plus profondément dans le récit, l'extase de la lecture nous retirait de la vie réelle. Lire seule, et bien souvent en se cachant, c'était prendre un livre entre les mains, glisser dans un autre monde, et ne plus appartenir au quotidien. Se pénétrer des caractères noirs de la page qui se mouvaient, prenaient sens, c'était faire corps avec l'univers du narrateur et se confondre avec ses personnages (être la sœur ou l'amant de la Petite Chatte Blanche, ou Avenant au grand cœur lui-même, procurait une délectation, une volupté de lire). Et la seule illustration du livre — ou du moins pas plus de deux ou trois — suffisait à elle seule à une « rêverie » qui se prolongeait au-delà du jour, au-delà de la nuit[3]. De sorte que ce dialogue entretenu avec soi et avec le monde à travers les lectures depuis l'enfance, c'est-à-dire ce débat instauré avec nous-même et avec l'autre que nous sommes aussi[4], nous a amenée à poser une première hypothèse dans notre cheminement intellectuel sur le désir de lecture[5].

Si les mythes et contes peuvent amener l'enfant à désirer être lui-même son propre lecteur et son propre conteur, c'est-à-dire son propre « rêveur », il est certain que la lecture même suppose un travail de compréhension et des efforts qui découragent bien souvent le lecteur. Dès lors, nous posons la question prioritaire, et pédagogique, de l'acte de la parole en groupe dans la relation à l'écrit : l'écoute de la parole dans un espace collectif, et la verbalisation collective qui ont partie liée avec l'altérité (la reconnaissance de l'autre et de sa différence), peuvent-elles être un mode privilégié d'accès au monde de l'écrit ?

C'est dans cette visée que nous allons aborder les questions de sémiologie et de sémantique dans les contes à travers quelques exemples de variantes, et précisément dans diverses versions du conte Le Chaperon Rouge. Et au niveau des pratiques, dans la deuxième partie de ce travail, nous montrerons alors la démarche semblable de l'analyse comparative sur le terrain culturel avec les enfants[6].Cependant, il ne faut pas oublier que le sens d'un texte peut être saisi de manière plus compréhensive et plus rigoureuse par une analyse structurale de la forme et de la langue, comme Ricœur le dit en substance dans ses écrits Du texte à l'action : l'interprétation symbolique se rattache à la sémantique profonde, mais celle-ci ne peut être portée au jour (comprise) que par une analyse structurale préalable[7]. Aussi, de même que nous avons invoqué l'art de la composition de l'histoire dramatique selon Aristote, nous donnerons pareillement à comprendre aux participants des ateliers d'écriture la structure d'un récit de conte, et par exemple « le schéma narratif » proposé par Vladimir Propp. Car la composition d'une certaine histoire dans tel ou tel conte, parce qu'elle est cohérente et vraisemblable alors qu'elle est pourtant dite et écrite à plusieurs voix, ne peut se construire que dans la dimension de l'altérité — dans la reconnaissance active par chacun et par tous de la capacité narrative de chacun et de tous. En somme, à l'origine d'un conte il y a plusieurs « poètes de cette histoire », qui conjuguent entre eux, anonymement, leurs capacités d'organisation narrative. De même par la suite, lorsque le conte se trouvera renouvelé, par écrit ou oralement, chaque acteur de ce renouvellement (écrivain et lecteurs, conteur et auditeurs) mettra en œuvre sa capacité poétique de création narrative, conjointement et particulièrement. En revanche, avant d'aborder les expériences des ateliers d'écriture, il sera plus aisé de construire ce concept d'altérité à travers une expérience vécue avec des tout petits de crèche : cela pour éprouver les conditions nécessaires à des situations d'oralité, en tant que pratiques pédagogiques de médiation.

Dans ce sens, le livre collectif Contes et divans[8], écrit par plusieurs psychanalystes et chercheurs sur le conte, traite de « la médiation du conte dans la vie du psychisme », et notamment par la parole vécue en groupe. René Kaës insiste sur la fonction de médiation du conte telle qu'elle nous occupe en signifiant son importance à deux niveaux : importante « en vertu des qualités structurales internes du conte », mais également « en vertu de son utilisation dans des dispositifs qui visent à établir (ou rétablir) des processus de liaison intrapsychiques, plus spécialement dans les liens de groupe ». Les « contes “merveilleux” ont un rôle remarquable dans la fonction de la constitution des liens intersubjectifs » écrit-il, si bien que les auteurs de ce livre les ont aussi utilisés, tout spécialement pour « leur formation de l'imaginaire », proche du mythe, comme pour leur construction similaire à celle du mythe.

1 - La parole du mythe

Dans les traditions orales, la puissance est dans la parole : « Je suis griot […] Nous sommes les sacs à paroles, nous sommes les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires… » Dans La Tradition orale, Louis-Jean Calvet cite les grandes épopées africaines de tradition orale[9] (et autres), où le griot (le sage, le chaman) connaissait la parole, son histoire, son pouvoir. Cependant, les anthropologues — dont certains ont contribué aux enregistrements et à la diffusion de cette tradition orale[10] — n'ignorent en rien que l'écriture des mythes, épopées et contes, a permis une plus grande circulation de ces paroles qui sont des langages « universels » traitant des problèmes existentiels dans nos rapports à l'autre, au temps, à la mort, au monde.

La religion s'épanouit dans l'hommage aux êtres surnaturels, tandis que la mythologie commence avec l'intention de déchiffrer les mystères : « elle veut percer le voile », tirer les puissances surhumaines de l'inconnaissable et expliquer le monde[11].

1. 1. Le mythe, invention de l'homme

« Le mythe peut être défini comme une explication du monde où l'homme et le groupe social sont intégrés harmonieusement[12]. » Dans L'Invention de la mythologie, Marcel Détienne s'attache justement à démontrer cette intrication entre l'oral et l'écrit qui a permis au mythe d'être créé, « inventé », à partir « d'histoires données par la tradition[13] ».Le mythe, muthos, selon lui est une invention de l'homme (de plusieurs auteurs) pour tenter d'expliquer, de « percer le voile » du monde. Il retrace ainsi toutes les significations du mythe — en répertoriant les travaux des chercheurs d'histoires chez les « primitifs et les sauvages », historiens et mythologues tout au long des époques, depuis Hérodote, Hésiode, Pindare, Thucydide, Aristote.

Ainsi, selon Aristote dans Histoire des animaux, le mythe peut être « l'on-dit, l'incroyable, le faux, l'invraisemblable ». Ce peut être « les histoires, les nouvelles que racontent ceux qui perdent leur journée à parler de n'importe quoi : le bavard », écrit-il aussi dans l'Éthique à Nicomaque. Dans la Métaphysique, « le mythe, composé de récits merveilleux a une vertu philosophique ». Existe également la forme « mythique », l'ancienne tradition divine comme quoi « les astres sont des dieux ».

De la philosophie à l'anthropologie, c'est bien tout d'abord autour du paradigme grec que s'élabore le statut de la mythologie. Cependant, les chercheurs anthropologues et historiens des religions d'aujourd'hui démontrent dans leurs ouvrages l'importance et la diversité des mythes dans les sociétés dites primitives, telles celles des Amérindiens ou des Africains, en soulignant singulièrement le pouvoir initiatique des rites[14]. Ce sont ces récits qui ont permis à l'angoisse humaine de se traduire et d'être source de création, par l'énonciation d'explications :

Un mythe se façonne ; les faits doivent être appareillés ; les actions agencées selon le vraisemblable ou le nécessaire ; l'histoire doit avoir une certaine longueur que la mémoire puisse retenir aisément. L'intrigue doit être composée de telle sorte que, indépendamment du spectacle, sans les voir, « en apprenant les faits qui se produisent, on frissonne et on soit pris de pitié devant ce qui se passe. ». L'effet tragique naît du mythe-intrigue. Si, en écoutant l'histoire d'Œdipe, nous ressentons la pitié et la peur, c'est que l'intrigue est bonne, qu'elle est bien nouée, que l'auteur de la tragédie l'a traitée avec habileté, en bon artisan. Le mythe est donc objet d'invention, mais sur un fond d'histoires données par la tradition […][15].

Mais le développement de l'ethnologie en France a suscité également un renouveau des collectes. Des ethnologues — comme Claude Lévi-Strauss[16], Denise Paulme[17], Geneviève Calame-Griaule — ont pu se rendre compte de la difficulté de recueillir et de comprendre les paroles de peuples aux coutumes et traditions différentes. Il faut du temps : « Je crois qu'il y a un problème initiatique qui se pose pour l'ethnologue. Je crois que c'est vraiment une question de temps, de patience et d'initiation[18]. » Et ces chercheurs (tout comme Marcel Détienne, Paul Ricœur ou Jean-Pierre Vernant[19]) nous confirment ce que disait déjà Aristote au sujet de l'invention du mythe, à savoir qu'il est révélateur et constructeur de sens.

La mythologie, habitée par le muthos, est un territoire ouvert où tout ce qui se dit dans les différents registres de la parole se trouve à la merci de la répétition qui transmute en mémorable ce qu'elle a sélectionné. Et le mythe, loin de conférer à la mythologie l'identité qu'il semble lui devoir, révèle en allant d'un sens à l'autre qu'il est un signifiant disponible. Au point qu'Aristote, au milieu du IVè siècle avant notre ère, peut en faire le choix dans la Poétique pour définir ce que doit être l'âme de la tragédie : l'intrigue, l'agencement systématique des faits en histoire. Du point de vue de la poétique aristotélicienne, le mythe n'est pas l'histoire contée, c'est le produit d'une construction réglée. Un mythe se façonne[20].

1. 2. Le conte comme rite du mythe

Ainsi les récits des contes, reprenant les scénarios des rites, introduisent au mythe, transformant aussi l'être humain qui peut ou sait écouter, que ce soit un conte amérindien qui reprend un rite initiatique du chamanisme[21], ou l'une des premières épopées du monde, telle La Légende de Gilgamesh retrouvée en Mésopotamie, et écrite depuis bientôt cinq mille ans[22]. De toute évidence, parce que les mythes sont des récits qui parlent des thèmes récurrents de l'amitié, l'amour, le pouvoir, l'immortalité, il y a identification aux héros ; c'est ce que nous retrouvons dans la dimension socialisante du conte. Ainsi, les héros mettent en scène des êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects du génie ou de la condition de l'humanité dans des fables, des légendes, des contes, rappelle Jacques Lacarrière[23]. Simplement dans le conte, le héros ne meurt pas, du moins, la chute est heureuse : malgré de nombreuses actions plus ou moins dramatiques, l'intrigue est (le plus souvent) celle d'un « schéma de gagneur[24]. »

À cet égard, dans son célèbre livre Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim met l'accent sur les « processus internes à l'œuvre dans l'individu », et les « scénarios existentiels » permettant à l'enfant de s'y identifier. « Le conte de fées […] met carrément l'enfant en présence de toutes les difficultés fondamentales de l'homme[25]. »

Dans son livre sur l'interprétation des contes, Ne le dites pas aux grands, Alison Lurie souligne que l'une des idées les plus intéressantes de Bettelheim est d'avoir mis en évidence que « les différents protagonistes d'un récit représentent souvent les motivations et les émotions conflictuelles qui coexistent dans un même individu »[26]. Ce qui explique que le besoin d'apprendre et de saisir le sens voilé, caché, en deçà des mots, se retrouve aussi chez les enfants. Nous avons pu suivre, dans nos diverses expériences, des enfants capables de grandir en devenant conteurs et rêveurs eux-mêmes, philosophes, portés par ce désir de s'approprier contes et mythes, livres et images de tous les pays de la terre. Ainsi, lors d'un temps de médiation narrative en bibliothèque, Sandrine, 11 ans, a comparé les épreuves vécues par la lutine Hipollène[27] avec Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll[28] en énonçant par elle-même le pourquoi de ces rites : « C'est une façon de grandir[29] ! »

Il est évident que les contes d'hier et d'aujourd'hui ont été transcrits (ou récrits) pour perpétuer et conserver le patrimoine culturel et philosophique de plusieurs pays du monde, mais il semble également que la problématique de l'oral et de l'écrit d'hier évolue depuis quelques années en un retour de l'écrit à l'oral. Une prise de conscience dans le champ de la culture et dans les maisons d'édition a permis à des professionnels du livre et de la Jeunesse[30], à des conteuses et conteurs d'écrire dans des revues spécialisées. Et des collections particulières mettent aussi bien l'accent sur le texte que sur la valeur des illustrations : textes traditionnels repris tel quel ou adaptés, avec les anciennes illustrations des auteurs aux valeurs reconnues ou de nouveaux illustrateurs. Mais ceux qui s'interrogent sur le pouvoir de la parole savent la difficulté de la lecture des contes : non seulement, elle doit permettre de transmettre du savoir, mais bien plus, elle conduit au-delà des mots et permet de lire, « dans le blanc des mots », la poétique des textes.

La parole du conte est ouverte à tous vents, pour le meilleur et pour le pire. Le travail de l'écrivain, tellement exigeant, demande en retour un véritable travail de lecture […] de l'adulte avisé.

L'art du déchiffrage du texte, voilà ce que requiert, plus que tout autre genre, le conte. Il s'agit de lire non pas les mots et les jeux de mots seulement, lire non pas seulement l'histoire, mais lire l'ensemble ainsi tramé de façon singulière, lire le texte en un mot à travers sa poétique, mesurer la portée de ce qu'il dit[31].

2 - Le conte : de l'oral à l'écrit

Je ne donnerais à mes enfants, ni les Contes de fées, ni les Mille et une nuits : les contes mêmes que Madame d'Aulnoy fit pour ces âges ne leur conviennent pas ; il n'y en a presque pas un dont le sujet soit véritablement moral, l'amour en forme toujours tout l'intérêt.

Madame de Genlis[32] 

Avant de retrouver l'acte de la parole pour l'accès à l'écrit sur le terrain, il est important de cerner une classification des contes — même de manière restreinte —, car les conséquences de cette recherche rejoindront le travail élaboré d'une part en médiation narrative, et d'autre part dans le cadre des ateliers d'écritures. Déjà, nous en donnerons une courte illustration dans ce chapitre[33], car il y sera découvert cette vérité insoupçonnée pour la plupart des élèves que les contes écrits que nous connaissons ont subi bien des transformations, et qu'« ils se présentent à nous sous de nombreuses variantes sans qu'aucune puisse prétendre représenter le “véritable conte”[34] ». Cette existence de versions diverses est également précisée par Denise Paulme dans son essai sur les contes africains : « La quête d'une version initiale, d'où toutes les autres seraient dérivées, est illusoire : il est des versions plus riches, il n'en est pas de moins importante, chacune replacée dans le cadre qui est le sien est également digne d'intérêt[35]. » Il peut donc y avoir pluralité de sens pour un conte connu, ou selon les variantes récoltées de par le monde.

Au sein des contes populaires, selon la terminologie des folkloristes auteurs des premières classifications, la catégorie du conte merveilleux permettra de situer les « contes de fées » où interviennent particulièrement le magique et le symbolique[36].

2. 1. Les interprétations des contes populaires

Les contes, ces « courts récits de faits d'aventures imaginaires destinés à distraire » répondaient déjà au XIIe siècle à une fonction de distraction. Mais le mot désignait « une réalité beaucoup plus ancienne, l'expression d'une tradition orale multi-séculaire », alors que le mot computare (compter-conter) servait encore à exposer, vers 1130, des récits de faits réels[37]. Dans son dictionnaire du XVIIe siècle, en 1660, Furetière donnait au mot conter cette signification : « En faire accroire, donner pour vraies des choses fausses. »

Chez les folkloristes, les contes de la tradition orale s'appellent « contes populaires ». Néanmoins, ils restreignent cette désignation de contes populaires pour « un certain type de récit en prose d'événements fictifs transmis oralement ». Transmis par la parole, de bouche à oreille, narrés, dits, contés, relatés, racontés, ils expriment la mémoire des « mythes humains universels ». Le mot « populaire » est utilisé par eux dans le sens « qui appartient au peuple », « émane du peuple » et « propre au peuple » selon les définitions données par le Dictionnaire Robert. Dans Le Conte populaire français[38], Michèle Simonsen rappelle que « la plupart des contes français se retrouvent sous diverses variantes dans toute l'Europe et dans d'autres parties du monde. Or, les vrais contes populaires sont anonymes, et leur origine, parfois très lointaine, est impossible à préciser. Si, de nos jours, les contes populaires sont avant tout des textes, fixés par l'imprimé […] ils ont pendant longtemps fait partie d'une culture vivante, transmise oralement pendant des siècles. »

Les contes de Charles Perrault ne seraient donc pas des contes populaires — au sens strict du terme établi par les experts —, mais uniquement des adaptations très littéraires (récrites) qui s'appuieraient fortement sur la tradition orale. Mais, ce qui importe, c'est que des écrivains aient eu l'idée et l'envie de transcrire, ou de récrire les contes oraux (populaires) : « Les contes de Perrault et ceux de Madame d'Aulnoy nous permettent d'observer le moment précis où la tradition orale appelle l'écriture pour se perpétuer » remarque l'écrivain Michel Butor. Puis, de nouveau, ces récits réinventés qui ont divulgué des croyances populaires ont réinvesti la culture populaire en quittant les salons du XVIIIe siècle pour la littérature de colportage, telle la Bibliothèque Bleue.

« Dans ce grand va-et-vient entre oral et écrit », nous retrouvons en effet des mythes et des sentiments identiques. Par exemple, dans Les Enfants égarés dans la forêt (T. 327) connu de nos jours sous le titre du Petit Poucet (grâce à Charles Perrault), les versions de la tradition orale ont pour héros un frère et une sœur. La ressemblance avec la version de Grimm Hansel et Gretel s'arrête là (Jeannot et Margot, chez Bettelheim).

Par contre, dans le groupe de travail de médiation narrative en bibliothèque, lors des échanges, les filles ont comparé Le Petit Poucet au conte africain Masamanamatug et l'Oiseau enchanté dans lequel l'apparition, et l'action, d'un géant mangeur d'hommes provoquent l'intervention magique de l'oiseau[39]. Mais ce géant leur fait cependant beaucoup moins peur que l'ogre du Petit Poucet ou que la sorcière russe Baba Yaga, et bien moins que la sorcière de Hansel et Gretel qui leur semble vraiment être la « mauvaise mère », dévoreuse d'enfants.

La grande complexité des différentes variantes de par le monde se superpose aux versions diverses d'un même pays et ajoute encore à la difficulté de cerner le conte populaire à l'aide de la classification élaborée par les folkloristes. Mais en fait, ce qui intéressait les folkloristes et motivait leur collecte, c'était le conte lui-même et les multiples formes de l'acte de conter. Un conte n'est ni la relation d'un fait divers, ni un divertissement, mais la transmission d'un message sous des formes et à des niveaux très divers : c'est ce que souligne Denise Paulme dans l'introduction de son essai sur les contes africains.

Un conte n'est pas le récit d'un fait divers, son but n'est pas de seul divertissement, il transmet toujours en langage allusif un message implicite ou plusieurs, que l'auditoire, c'est-à-dire tout le village — aînés, cadets, femmes, enfants — déchiffre plus ou moins aisément. Comme le mythe, mais sur un plan moins élevé, le conte est presque toujours la réduction d'une opposition, ou la façon dont un manque, collectif dans le cas d'un mythe, individuel dans celui du conte, aura été comblé dans la mesure des forces humaines[40].

2. 2. Le savoir-lire des versions traditionnelles

Pour nous aider à y voir plus clair, convenons que le conte est un récit au même titre que les mythes, les légendes, les sagas (récits épiques)[41]. Pour illustrer ce propos, prenons le conte bien connu en France nommé Barbe-Bleue, ou La Barbe Bleue.

En France, ce conte a pu être influencé par les légendes rappelant les crimes de Gilles de Rais. Barbe-Bleue est un mari monstrueux, mais de forme humaine. « Ailleurs il s'agit d'un animal fabuleux qui enlève successivement trois sœurs et les soumet à la tentation de la chambre interdite. La cadette, plus rusée, vient au secours de ses aînées[42]. »

Catherine Velay Vallantin[43] a recherché l'existence de plusieurs variantes dont celle de Sainte Tryphine. À l'intérieur de la France même, dans le Morbihan et dans les Côtes d'Armor en Bretagne :

L'histoire de sainte Tryphine dont on aura reconnu les échos dans les versions bretonnes du conte Barbe bleue, en particulier dans cette version d'Étienne Souvestre intitulée « Comorre », s'insère dans un large corpus légendaire et hagiographique (saint Gildas, saint Bieuzy et la figure antithétique de Conomor, personnage violent, sauvage, irréligieux, constituent les piliers du récit)[44]. ».

En outre, Catherine Velay-Vallentin rapporte des écrits de Pierre Saintyves indiquant un passage des versions hagiographiques de saint Gildas : « Conomor tue ses femmes parce que le fils qui doit lui naître le tuera, tout comme Œdipe ou Persée[45]. » Nous sommes dans le mythe d'Œdipe. D'ailleurs, le mythe du Barbe-Bleue breton reste bien vivace dans les esprits curieux du XXe siècle. Sa légende ne nous est-t-elle pas racontée encore aujourd'hui, avec paroles et images, en « spectacle féerique » quatre nuits d'été dans une ancienne abbaye de la région, mêlant histoire véridique, contes et symboles communs au mythe[46] ?

Voici donc l'histoire de Tréphine et Conomor.

Le Roi Conomor épouse Tréphine, dont le père Gherok (Guérock, Warrock) est comte de Vannes, en 548. Son père la mit sous la protection de saint Gildas, car une folle ambition — un rêve — avait poussé Conomor à tenter de tuer son premier fils adoptif Jugdual qui dut s'exiler hors de Bretagne. Lorsque Conomor apprit l'imminente naissance d'un fils, il poursuivit sa femme dans la lande pour la tuer. Intervint saint Gildas qui redonna vie à Tréphine — au château de l'Hermine à Vannes — pour qu'elle puisse mettre au monde leur fils Trémeur. Celui-ci aura la tête tranchée par son propre père dix ans plus tard en 558. Trémeur portera alors, seul, sa tête sur la tombe de sa mère et Conomor sera puni en étant tué par Jugdual qui, ainsi, réalise la prophétie en prenant le trône de son père[47].

Le tombeau de Trémeur fut découvert à Laniscat en 1570. Et comme il faisait l'objet de nombreux miracles, une petite chapelle fut édifiée à cet endroit que l'on peut encore voir aujourd'hui, près de l'église.

 

C'est de la sorte que Louis-Jean Calvet analyse les textes et les variantes de tradition orale d'une culture à l'autre : « Si d'un genre à l'autre, d'une culture à l'autre, la part respective de l'improvisation et de la mémorisation peut varier, ce qui compte c'est que le texte de tradition orale est précisément à la convergence de ces deux principes : le diseur est “sac à paroles” (ainsi parlent les griots), et “artiste”, “créateur ”, “jongleur” au sens médiéval du terme. » Cela signifie que le récit, habité par la pensée et par le corps du conteur, peut (et doit) être adapté selon les facteurs contextuels de la culture et de l'hétérogénéité du public : l'histoire et l'âge de ce public, enfants ou adultes, filles ou garçons, etc. Certaines formes sont cependant définitivement fixées, et sont passées dans la tradition écrite, commente Calvet : « Ce sont les proverbes, les formulettes, les comptines des contes qui constituent “un fonds culturel commun” tout en transmettant une langue : ils sont figés. » Dans d'autres formes, la liberté du conteur est assez grande et « la permanence se limite au contenu sémantique et à quelques formules clés[48] ». Mais en réalité, dans l'art de dire un conte, il n'y a pas de vraie improvisation : « Le conteur lui-même ne conte jamais n'importe quoi, n'importe comment » souligne Michèle Simonsen, et elle rappelle qu'autrefois, le contage se pratiquait « selon un système à trois paramètres principaux : le cadre des réunions (lieu, saison, heure, occasion), la sélection des participants (opérée en fonction du sexe, de la classe d'âge et de la profession), et le répertoire. Il y a une correspondance entre le type de réunion et les genres narratifs qui y sont pratiqués[49] ». À cet égard, Amadou Hampaté Bâ signale qu'on ne raconte pas l'épopée peule Kaydara de la même façon devant des enfants ou des érudits[50] ; et de même, Diné Bahané précise dans Le Livre des Indiens Navajos cette « richesse de l'arsenal des ressources poétiques dont disposent les conteurs des traditions orales » :

S'il existait un style poétique commun à tous les conteurs navajos, chaque narrateur avait aussi son style, qui le distinguait de tous les autres. Tous les récitants observaient certaines règles de syntaxe, insistaient sur des mêmes détails, et suivaient des canevas relativement rigides lorsqu'ils abordaient les points essentiels de l'histoire. Mais là où l'un s'exprimait d'une manière archaïque, un autre employait un langage beaucoup plus familier. Là où l'un multipliait les dialogues, mimant les actions de ses personnages, un autre les réduisait au minimum et accentuait les descriptions. Dans le cadre général de la technique narrative, il restait suffisamment de possibilités offertes pour que chaque artiste puisse laisser libre cours à son talent personnel, tout comme un bon écrivain devrait être capable de le faire dans le cadre de la technique littéraire[51].

Ces interprétations diverses d'un texte portent à conséquence, d'un point de vue littéraire mais aussi pédagogique et éducatif, d'autant plus que la permanence et la métamorphose du conte sont l'apanage des textes des contes. Les questions posées par Jean Verrier qui travaille avec ses étudiants (de vingt ans ou de soixante-cinq ans) sur l'interprétation des contes, à la faculté de Vincennes, sont donc celles-ci :« Qu'est-ce qui est permanent ? Et qu'est-ce qui est différent ? » Dans son département de littérature française, il est d'usage d'étudier le conte selon trois approches. Voici ce qu'il écrit dans son article sur La Réception du conte à l'université :

La première approche est de type linguistique, ou narratologique ou structuraliste (les éléments, les fonctions, les cycles narratifs, etc.). La deuxième approche est celle qu'on pourrait appeler culturelle ou sociologique (pourquoi telle variante dans telle culture).

La troisième, plus délicate, est celle de la réceptivité du texte, de sa réception par tel ou tel étudiant de telle culture ou de tel pays : un étudiant d'une région française pourra-t-il accepter (sans comprendre) tous les symboles d'un conte africain[52] ?

Et la question qui concerne la transmission du conte à travers l'étude de ces trois approches est bien aussi celle du rapport de l'oral et de l'écrit : n'est-il pas alors plus important « d'apprendre à lire », d'être « professeur de lecture », à l'exemple de ce que propose la parole d'interprétation du conteur ? Pour un professeur de littérature, cela revient à enseigner un « savoir-lire[53] », continue Jean Verrier. Il souligne alors que, paradoxalement, le savoir intrinsèque des contes tel que nous l'ont montré Freud ou Bettelheim et les psychanalystes d'aujourd'hui, peut être si prégnant et si pertinent qu'il ne peut être « parachuté » de façon immédiate, non préparée ! « Rien de ce que la psychanalyse a découvert du psychisme humain n'est absent du conte » écrit aussi René Kaës dans la préface de Contes et divans. Si bien que la lecture du texte n'est pas donnée au départ, elle est à construire : c'est le lecteur qui fait le texte.

2. 3. Le cas du Petit Chaperon Rouge

Voici, entre autres, le cas du Petit Chaperon Rouge.

Pour Louis-Jean Calvet, « il a dû être raconté des millions de fois sous des formes variées, une permanence étant le schéma général de l'histoire et la formule ».

 « Tire la chevillette, Cherra la bobinette ! » disent la mère-grand au loup, puis le loup au Petit Chaperon Rouge. Une explication toute simple de ces variations possibles est donnée un peu plus loin dans le texte ; elle repose sur le fait qu'il s'agit d'une littérature écrite : « L'identité du conte ne repose pas, ici, sur la mémoire humaine, mais sur l'écrit (le conte de Perrault) auquel on pourra toujours se ressourcer, et la formule que nous venons de citer doit sa pérennité au caractère vieilli, hors d'usage, des substantifs chevillette, bobinette et du verbe choir. »

Ce conte-là a un auteur (à la différence des contes de tradition orale), et Louis-Jean Calvet remarque qu' « il ne s'agit donc pas là de tradition orale mais de tradition écrite ». Pour autant, on peut supposer que Charles Perrault a choisi d'écrire son œuvre, selon l'habitude de son époque, d'après l'une des variantes des nombreuses versions orales connues, telles qu'on les retrouve dans les collectes de contes ! Ainsi celles des ethnologues du XXe siècle, telles Yvonne Verdier ou Bernadette Bricout.

a- La lecture des variantes

Bernadette Bricout a écrit sa thèse d'État sur la collecte de Henry Pourrat, thèse critique à partir des nombreuses versions orales qu'il avait recueillies dans son pays du Livadrois-Forez sur ce conte et sur tant d'autres[54]. De même, dans son livre Encore un conte ? Le Petit Chaperon Rouge à l'usage des adultes, Claude de la Genardière, nous propose une lecture interprétative « à l'usage des adultes » du texte de Henry Pourrat, Le Conte du Chaperon Rouge[55]. En effet, cet auteur a choisi de remettre dans la structure de ce texte si connu les données perdues sur l'initiation de la sexualité de la petite fille pubère qui devient femme à son tour. Dans le même sens, l'anthropologue Yvonne Verdier restitue l'importance de la grand-mère dans son analyse pointue « La Grand-mère oubliée », Le Petit Chaperon Rouge dans la tradition orale[56] : cette étude est réalisée à partir des nombreuses versions orales qui ont été collectées dans diverses régions.

Il y avait une fois une petite fille, qui allait sur ses huit ans et qui était toute gentille. Sa mère-grand lui disait toujours d'avoir grand'peur du loup, tant elle la trouvait gente : gente à donner envie de la croquer. Pour la rendre plus gente encore, la mère-grand lui fit faire un bonnet d'écarlate de sorte qu'on ne nommait plus cette petite dans le pays que le Chaperon rouge.

Elles demeuraient, la vieille et la petite, au mitan d'un grand bois, tout de ramée obscure, qui était aussi noir par endroit que le ventre du loup[57].

Nous référant à l'analyse ethnographique de Yvonne Verdier — qui remet dans son contexte La Grand-mère oubliée dans une culture populaire de ces siècles passés où la marraine (ou grand-mère), souvent couturière, avait une grande importance —, nous nous rendons compte que Perrault a, en contrepartie, éliminé les motifs de l'initiation sexuelle et « du repas proprement cannibale de la petite fille » qui mange les restes de sa grand-mère. Cependant il a voulu induire dans son Petit Chaperon Rouge une morale « d'avertissement » pour les jeunes filles de son époque : l'interdit transgressé amène le châtiment qui participe de cette « pédagogie de la peur » de la fin du XVIIe siècle[58]. L'histoire finit mal, au contraire de la version du XIXe des frères Grimm dans laquelle les deux femmes ressortent bien vivantes du ventre du loup ! « Oh, là là, quelle peur j'ai eue ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup ! » dit le Petit Chaperon Rouge qui saute dehors, toute guillerette. Bruno Bettelheim donne une explication dans sa Psychanalyse des contes de fées : « Si elle a eu peur, c'est qu'elle était bien vivante ; et elle a eu peur du noir parce que son comportement lui a fait perdre sa conscience supérieure qui, jusque là, avait éclairé son monde. Dans Le Petit Chaperon Rouge, comme dans toute la littérature de contes de fées, la mort du héros […] symbolise son échec. »

Le Petit Chaperon Rouge de Perrault perd beaucoup de son charme parce qu'il est trop évident que le loup du conte n'est pas un animal carnassier, mais une métaphore qui ne laisse pas grand-chose à l'imagination de l'auditeur. Cet excès de simplification, joint à une moralité sans ambages, fait de cette histoire, qui aurait pu être un véritable conte de fées, un conte de mise en garde qui énonce absolument tout[59].

Voici une partie de l'épilogue de la version écrite de Charles Perrault, épilogue qui énonce toute la morale de l'époque[60] :

On voit ici que de jeunes enfants,

Surtout de jeunes filles,

Belles, bien faites, et gentilles

Font très mal d'écouter toute sorte de gens

Et que ce n'est pas chose étrange

S'il en est tant que le loup mange[61].

À l'encontre de cette morale établie, nous découvrons la variante venant du Portugal, celle de Silvestrina. La jeune fille doit aller s'occuper de son grand-père malade, de l'autre côté de la forêt ; et le dénouement qui se clôt ici sur des retrouvailles d'amour révèle qu'il est possible d'affronter les forces de l'ombre et de la peur (le loup, l'inconnu) lorsque l'on est deux. Quand on fait confiance à l'autre et qu'on accepte son aide, on sort vainqueur : c'est un scénario de type initiatique et gagneur. Il serait intéressant d'approfondir le texte portugais recueilli oralement auprès d'un berger de la montagne du Montesinho :

Il était une fois une petite fille qui habitait avec sa mère dans une petite maison derrière la montagne. […] En face, une immense forêt. Tout le monde disait qu'elle était dangereuse, mais Silvestrina n'avait pas peur. De l'autre côté de la forêt, habitait le grand-père de Silvestrina[62].

Dans son recueil de contes et proverbes berbères Le Grain magique[63],Taos Amrouche raconte le conte kabyle Le Chêne de l'ogre : Aïcha aux bracelets d'argent. La jeune Aïcha est récompensée de son intuition, de sa ténacité face à l'ogre, et de son dévouement envers son grand-père : les villageois la libèrent de l'ogre(« Aïcha, la vie, regarde l'ogre par le trou de la serrure[64] »).

L'on raconte qu'aux temps anciens il était un pauvre vieux qui s'entêtait à vivre et à attendre la mort tout seul dans sa masure. Il habitait hors du village. Et jamais il n'entrait ni ne sortait, car il était paralysé. On lui avait traîné son lit près de la porte, et cette porte, il en sortait la targette à l'aide d'un fil. Or ce vieux avait une petite fille, à peine au sortir de l'enfance, qui lui apportait chaque jour son déjeuner et son dîner. Aïcha venait de l'autre bout du village, envoyée par ses parents qui ne pouvaient eux-mêmes prendre soin du vieillard. La fillette, portant une galette et un plat de couscous, chantonnait à peine arrivée : — Ouvre-moi la porte, ô mon père Inouba, ô mon père Inouba !

Et le grand-père répondait : Fais sonner tes petits bracelets, ô Aïcha ma fille[65] !

b - La transmission du « savoir-lire »

La transmission du conte à travers l'étude de ses diverses versions, comme dans le conte du Petit Chaperon Rouge, est intéressante en ce qui concerne d'une part la lecture du thème général à différents niveaux, et d'autre part, la compréhension des différences entre les discours énoncés par les auteurs.

C'est ainsi que, par le biais de la découverte des variantes, des élèves des classes de sixième ont travaillé à une recherche personnelle, à des lectures individuelles et collectives (silencieuses et à voix haute), puis à un travail collectif d'analyse comparative selon les textes les plus marqués dans leurs différents points de vue.

Cette étude s'est concrétisée par l'élaboration d'un tableau comparant le texte de Henry Pourrat au texte de Charles Perrault, selon les phrases, les mots, les citations connues (et le contexte), et s'est conclue par une réelle découverte du sens caché du Petit Chaperon Rouge : non pas seulement une leçon de morale, mais surtout une histoire de quête et d'initiation féminine, leçon qui est « nécessité pour l'individu de passer d'un état à un autre, d'un âge à un autre[66]… » Ce travail d'analyse comparative, mené selon notre méthode pédagogique de médiation et de mutualisation, a abouti à une fête en classe, avec mise en espace collective des lectures du texte de Henry Pourrat : les interprétations à plusieurs voix par tous les élèves furent suivies de notre propre lecture contée d'un album jeunesse d'aujourd'hui, album adapté, écrit et illustré à partir de cette version de Henry Pourrat[67].

Ainsi, en partant des versions orales, diverses et traditionnelles que les élèves ont appris à lire, ils ont aussi connu et compris des versions adaptées d'aujourd'hui qui ont l'avantage de faire ressortir le sens caché du psychisme humain, par l'approche du symbolisme des illustrations. Et la littérature a été transmise et partagée entre tous, par la parole d'une part, puis par l'écriture : la connaissance et la compréhension des contes se sont prolongées par l'apprentissage de l'art de la composition d'une histoire (lieu, temps, personnages, thème) et de la structure d'un conte (schéma narratif), dans le but d'aboutir à des créations de contes par les élèves eux-mêmes.

En atelier d'écriture (adapté à cause du nombre des élèves dont certains posaient des problèmes de comportement), plusieurs contes ont été écrits, selon la méthode structurale, de la situation initiale à la situation finale, mais avec des thèmes d'hier comme d'aujourd'hui (drogue, technologie…). Le désir d'écrire est advenu au fur et à mesure que nous découvrions et étudions les variantes et la composition des contes. Et ce désir est devenu plaisir et fierté pour les enfants lorsqu'ils ont saisi et peaufiné leurs textes en traitement de textes au collège, durant les heures d'atelier d'écriture[68].

Il est à présent intéressant de savoir que les élèves ont particulièrement lu et apporté en classe des textes dits « contes de fées », car ce sont les récits qu'ils connaissent (ou croient connaître) depuis leur enfance et leur premier parcours scolaire, de la maternelle à l'école primaire : ainsi Le Chaperon Rouge de Perrault, et celui des frères Grimm[69].

3 - Le conte de fées

Le mot merveilleux vient de « merveille », du latin populaire miravella et du latin classique mirabilia qui signifie deschoses admirables, étonnantes. Le nom merveilleux signifie ce qui s'éloigne du cours ordinaire des choses : ce qui est surnaturel, miraculeux. Mais c'est aussi l'intervention de moyens et d'êtres surnaturels, de la magie, de la féerie. Enfin, en empruntant à l'Encyclopédie littéraire la signification du mot merveilleux, nous ne sommes pas très loin de celle du mythe, où le symbole et la métaphore permettent de dire et d'expliquer une vérité du monde et de l'homme : « Expression du surnaturel, le merveilleux paraît être une des premières formes de l'imagination littéraire. Correspondant à la fois à un besoin de symbolisation et à un désir d'évasion, il caractérise les œuvres les plus anciennes de tous les peuples : les épopées indiennes, les poèmes homériques, les chansons de geste. » De la même façon, Denise Paulme met l'accent sur « le métalangage du conte, la place des acteurs, hommes, animaux, plantes dans la société ; le symbolisme des gestes, celui des accessoires (bijoux, calebasses, chasse-mouches…), le recours constant à la métaphore ou à la métonymie[70] ».

3.1. Les fées : une dualité

Étymologiquement, les fées, « les fata », sont des instruments du destin — les « tria fata » — car, dans la mythologie grecque, les Moires (les Parques romaines) présidaient au destin des hommes en déroulant puis en tranchant le fil de la vie de chacun[71]. Mais dans sa préface aux Contes de Grimm, Marthe Robert confirme que le conte allemand ne les appelle pas « fées », mais « sages-femmes », à cause précisément du double sens de ce terme et de l'interprétation dont il est susceptible. En effet, avant d'être magicienne ou sorcière, la sage-femme comme les Moires grecques et les Nornes germaniques, paraît bien présider à la naissance de l'homme dont elle figure le destin. Elle souligne aussi que la vieille de nos contes est souvent fileuse (La Belle au bois dormant).

Quoique ses traits se soient considérablement dégradés, la vieille des contes de Grimm a gardé en partie son caractère de gardienne des rites et de la tradition, ce qui explique la crainte et le respect dont elle est généralement entourée. Ni bonne, ni mauvaise, ni fée, ni sorcière, elle est l'une ou l'autre selon les cas, pour rappeler la nécessité des coutumes rituelles par quoi les grands événements de la vie prennent sens[72].

Néanmoins, il paraît plus pertinent d'élargir la notion des fées par l'approche de la problématique de la femme-mère qui peut être fée, sorcière, marâtre, mère dévorante ; mais aussi poupée — qu'il faut nourrir et à laquelle il faut penser — dans certains contes russes. Ainsi, dans Femmes qui courent avec les loups[73], Clarissa Pinkola Estés analyse plusieurs récits, dont le conte de Vassilissa la sage, qui appartient à la collecte des histoires de la sorcière Baba-Yaga. Considérée comme la mère sauvage, la poupée représente l'un « des trésors symboliques de la nature spirituelle » et elle est « liée aux symboles du farfadet, de l'elfe, du gnome, de la fée et du nain ». Elle est la voix de la femme sauvage (la voix de celle qui sait, par intuition, avec cette capacité de voir à l'intérieur) que chaque femme a en soi, et qu'elle se doit de redécouvrir en tant que « force très puissante, faite d'instinct, de créativité passionnelle et de connaissances ancestrales », force « étouffée par des siècles de culture et de civilisation au stéréotype de soumission assez rigide[74] ».

De même, Alison Lurie parle des fées et des sorcières du côté de la femme-mère, deux facettes de la femme qui n'en font qu'une : « La fée-marraine et la sorcière sont deux aspects de la même femme, et la méchante marâtre est notre propre mère vue sous un jour moins favorable, quand est révolu le temps de notre petite enfance[75]. » Sur les relations, et les rapports qui demandent soumission entre individus, en famille ou dans les villages, citons encore Denise Paulme dans l'introduction de son analyse sur les contes africains : elle explique que le conte, « parce qu'il est du domaine de la fiction, mais que l'on semble n'y attacher guère d'importance, permet d'aborder les questions les plus graves ». Entre autres le personnage de la belle-mère : « La belle-mère est un personnage auquel, dans la vie réelle on ne peut rien refuser ; dans le conte, elle devient une ogresse, celle “qui mange tout”. »

De cette manière aussi, à travers son travail de collecte des contes de ghouls au Maroc, Najima Thay Thay met en relief la dualité de l'homme dans le personnage de l'ogre, les deux versants qui semblent s'opposer : le bien et le mal.

[Ils] sont riches, prospères et ils défient le temps. Ils règnent sur de vastes demeures où s'entreposent leurs richesses. Ils ont la ruse et la duplicité des Hommes et peuvent prendre une apparence trompeuse pour mieux attirer leur proie. […]

Mais ils peuvent avoir des penchants humains, ils deviennent compréhensifs et compatissants, alors ils mettent leurs pouvoirs magiques au service des hommes, ils redonnent vies et fortunes aux corps meurtris et découpés.

Au-delà de l'enchantement qu'ils peuvent provoquer, les contes d'ogres et d'ogresses ont une valeur de témoignage et dénudent une cruauté toujours vivace, intense et identique en des lieux différents et à des époques éloignées ; ils nous rappellent que nous sommes « Dieu » et « diable », ils nous rappellent notre capacité d'aimer et nous démontrent que l'homme et l'ogre ne sont en fait qu'un seul individu qui manifeste son être ou son paraître, sa sagesse ou sa folie[76].

Les fées, ou les personnages féminins auxquelles elles sont identifiées, sont cependant bien souvent des représentations de la sagesse : elles sont nées de la terre-mère, et dans de nombreux récits mythologiques et épiques, elles émergent de l'eau comme du monde souterrain.

Ainsi, dans nos contes racontés aux enfants, la sirène Sedna du conte esquimau Le Voyage de Tikkatoo, vit au fond de la mer, dans ce premier Paradis des Amérindiens (le deuxième est le ciel, moins prisé)[77]. « La vieille fée à la clé d'or » du conte breton La Grotte des Korrigans[78] a des ressemblances avec « la petite vieille à la bouche cadenassée » du Royaume de l'eau des Nagas (les serpents-mages blancs) dans le conte tibétain Le Roi Jacasse et le petit garçon[79].

Dans ces exemples de récit, nous constatons que l'existence des fées ne se retrouve pas nécessairement dans les contes merveilleux, mais que d'autres personnages précis sont aussi les figures douées de pouvoir qui hantent l'imagination populaire des contes, sans parler des animaux proprement dits : tels les ogres, ghouls et ghoulas au Maghreb (ogres et ogresses, géants-mangeurs d'hommes), les sorcières en Russie (Baba Yaga), les magiciens et enchanteurs dans les pays de l'Est, les serpents/génies ou fées (les Nagas dans les pays de l'Orient ; Mélusine, Merlin en Bretagne).

Parmi les bonnes fées de nos contes, la jeune déesse indienne en forêt d'Amazonie, la Fille du Grand Serpent. Gardienne des Eaux et de la Nuit, elle ramène l'ordre sur la terre en séparant la nuit du jour. Jeune femme, mais dépositaire des savoirs originels, elle entre dans un mythe cosmogonique de l'ordonnancement du monde[80]. En Bretagne même, dans Le Roman du Roi Arthur[81], on relate les amours du sage Merlin et de la fée Viviane, jeune femme qu'il a choisie pour lui apprendre et transmettre tous ses dons et pouvoirs magiques.

Ces figures représentatives du destin donné à chacun selon son courage et ses mérites participent donc du rôle éducatif de la littérature orale du pays où a été inventée cette légende ou ce conte (chez les Amérindiens, au Moyen Âge, en Afrique, etc.).

3. 2. L'étude du conte : le magique

L'analyse structurale de Vladimir Propp, dans Morphologie du conte[82], a révélé une structure identique à la forme du conte selon laquelle les contes sont construits autour d'ossatures simples constituées d'un certain nombre de situations, « les fonctions » semblables ou analogues dans toutes les cultures.

La fonction s'entend comme « l'action d'un personnage, définie d'un point de vue de sa signification dans le déroulement de l'intrigue ». Certaines de ces intrigues ne se dénouent ou n'évoluent que « par magie » : il ne peut y avoir de rupture totale avec l'enchantement, ça se termine bien : parce que le héros est aidé par un pouvoir magique (personnage, animal ou objet), il remporte l'épreuve[83].

C'est ainsi que dans La Chatte Blanche de Madame d'Aulnoy, c'est la chatte blanche qui secourt le jeune prince en concevant à chaque demande du roi une solution appropriée[84]. Dans Le Voyage de Tikkatoo, le jeune garçon reçoit les conseils de plusieurs personnages merveilleux qui peuplent son monde pendant son voyage d'initiation chamanique : la fée des eaux Sedna, l'Iceberg, la Lune, le Soleil. Ces personnages l'aideront à trouver la flamme du soleil qui pourrait réchauffer et guérir son grand-père, car « un esprit de glace a pénétré son cœur » durant son voyage visionnaire de chaman.

Dans la mise en scène du merveilleux, comme dans le mythe, il y a intervention du magique : par des enchantements et à travers l'aide d'un médiateur qui peut être une personne aux pouvoirs surnaturels ou un objet symbolique. Nous verrons également la prise de conscience, par les enfants comme par les étudiants, de la force médiatrice d'un (ou de plusieurs) objets symboliques dans la plupart des contes écrits en ateliers d'écriture collective.

Reprenons maintenant les analyses de Paul Ricœur. Il y indique les deux façons adéquates et complémentaires de lire un texte, l'analyse structurale et l'interprétation :

Nous pouvons, en tant que lecteur, rester dans le suspens du texte, le traiter comme texte sans monde et sans auteur ; alors nous l'expliquons par ses rapports internes, par sa structure. Ou bien nous pouvons lever le suspens du texte, achever le texte en paroles, le restituant à la communication vivante ; alors, nous l'interprétons. Ces deux possibilités appartiennent toutes les deux à la lecture et la lecture est la dialectique de ces deux attitudes[85].

De sorte qu'avant de montrer ce qu'est l'analyse structurale dans le domaine des récits folkloriques (analyse élaborée par les formalistes russes de l'école de Propp et par les spécialistes français de l'analyse structurale des récits), Ricœur prend pour exemple le domaine des mythes. Il précise d'ailleurs que l'on retrouve chez ces auteurs les mêmes postulats que chez Lévi-Strauss pour l'analyse des mythes, à savoir le principe d'une structure :

Les unités au-dessus de la phrase ont même composition que les unités au-dessous de la phrase ; le sens du récit est dans l'arrangement même des éléments ; le sens consiste dans le pouvoir du tout d'intégrer des sous-unités ; inversement, le sens d'un élément est sa capacité à entrer en relation avec d'autres éléments et avec le tout de l'œuvre ; ces postulats ensemble définissent la clôture du récit ; […]. À la limite, le récit se ramènerait à une combinaison de quelques unités dramatiques — promettre, trahir, empêcher, aider, etc. — qui seraient ainsi les paradigmes de l'action. Une séquence est alors une suite de nœuds d'action, chacun fermant une alternative ouverte par la précédente […]. Expliquer un récit, c'est saisir cet enchevêtrement, cette structure fuguée des procès d'action emboîtés[86].

Dans son ouvrage Morphologie du conte, Vladimir Propp a analysé cent contes de fée russes, d'après les contes traditionnels réunis par Alexandre Afanassiev[87]. Cette analyse lui a permis de dégager trente et une fonctions : il les cite et les explicite tout en précisant qu'aucun conte ne présente toute la série des fonctions — « il y a des lacunes » —, mais il assure que « celles-ci ne brisent pas la chaîne et ne changent en rien l'emplacement des fonctions subsistantes ». Citons quelques-unes d'entre elles : éloignement, interdiction, transgression, interrogation, information, tromperie, complicité, effet, manque, médiation, etc.[88].

Cette analyse des contes russes donne neuf tableaux[89], mais de notre point de vue, fonctionnel, nous retenons cinq axes, ainsi que nous le faisons habituellement en atelier d'écriture :

1 - La situation initiale (déséquilibre et manque : Où ? Quand ? Qui ?)
2 - L'élément perturbateur (la complication, la transgression, qui met en route l'intrigue : rencontre)
3 - Le nœud de l'intrigue : les actions, les événements, les épreuves, et autres actions (qui développent la quête)
4 - La résolution : le dénouement
5 - La situation finale (chute positive, ouverture).

De son côté, l'ethnologue Denise Paulme explicite ainsi les travaux de Propp sur sa recherche des fonctions : à partir de cette observation essentielle selon laquelle il y a des fonctions, il s'est efforcé d'identifier ces fonctions, en entendant par ce terme « l'action d'un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l'intrigue ».

Comment ne pas être frappé par le double aspect du conte, d'une part par son extraordinaire diversité, son pittoresque haut en couleur, et d'autre part son uniformité non moins extraordinaire, sa monotonie. C'est de cette double constatation que Vladimir Propp est parti pour écrire sa morphologie du conte. S'appuyant sur le principe qu'on trouve dans tous les contes des valeurs constantes et d'autres variables, Propp s'attache à distinguer les unes des autres et parvient à une découverte capitale : le conte prête souvent les mêmes actions à des personnages différents, ce qui ne change pas ce sont leurs actions, les événements relatés[90].

3. 3. Le conte : la symbolique du mythe

Nous avons vu que les variantes d'un conte, collectées oralement ici ou là (que ce soit dans une même région comme en Bretagne, que ce soit d'un pays à un autre), laissent entrevoir la plupart du temps un sens caché, et pertinent, dans l'une des versions. Et c'est en cela que du point de vue ethnologique, elles sont intéressantes à analyser et à faire découvrir par d'autres lecteurs. Le plaisir dû à la découverte et à la connaissance en est multiplié et incite en conséquence à des essais d'écriture de contes. Nous conclurons sur cette observation faite par Denise Paulme, à savoir que Propp a découvert que le conte de fées, en fait, « n'est rien d'autre qu'un récit » ; et, même s'il n'y a pas de fées, la norme du récit peut être respectée. C'est pourquoi, en tant seulement qu'il fait partie du domaine de la fiction et qu'il est lié à la symbolique du mythe, le conte de fées a permis aux participants des ateliers d'écriture collective (comme aux élèves du projet Sabak Conte au Maroc) de laisser libre cours à leur imaginaire pour créer des allégories :

Propp aboutit à une autre découverte : le conte de fées n'est rien d'autre qu'un récit exploitant des fonctions dont le nombre est limité et dont l'ordre de succession est constant. La différence formelle entre plusieurs contes résulte du choix, opéré par chacun, entre les trente et une fonctions disponibles, et de la répétition éventuelle de certaines fonctions. Mais la norme peut-être respectée en l'absence de toute fée. Le terme « conte de fées » est donc impropre. D'un certain point de vue (« historique » selon lui), le conte de fées ramené à sa base morphologique est assimilable à un mythe[91].

4 - L'expérience de l'altérité en crèche

Dans son livre La Parole et le lien, René Kaës met en avant un « mythe fondateur de la parole », le mythe de La Tour de Babel. Avant que ne se constituent les disciplines de la linguistique, les mythes ont proposé et imposé des représentations. Le mythe biblique de la tour de Babel est l'un des mythes fondamentaux sur la parole. Le mythe dit que « la diversité des langues est une des conditions de la pensée et de la parole ». Il dit aussi que nous ne pouvons pas nous faire nous-mêmes notre origine.

Les liens tissés par la parole en groupe s'expliquent par les liens qui s'y forment au niveau de l'inconscient : « Dans tout lien intersubjectif, l'inconscient s'inscrit et se dit plusieurs fois, dans plusieurs registres et dans plusieurs langages : dans celui de chaque sujet et dans celui du lien lui-même. Il ne s'agit pas de tout entendre mais de s'entendre à l'intérieur d'une polyphonie à laquelle nous prenons part. Comme dans un choral[92] ». Nous en aurons exactement l'illustration lors de nos expériences en crèches avec des tout petits où les conditions de l'oralité permettaient alors un temps de conter et d'échanger paroles et livres.

Aussi allons-nous décrire, en quelques lignes, quelques-unes de ces situations qui mettent particulièrement en évidence l'élaboration de l'altérité : « L'autre est celui dont je sais que j'ai à le comprendre dans une relation dont je sais aussi qu'elle sera réciproque, ce qui, bien entendu, ne veut pas dire qu'elle sera réussie. L'altérité n'empêche pas la compréhension[93]. »

4. 1. L'altérité : être acteur

Dans le rapport écrit sur cette expérience vécue en crèche, nous avions mis l'accent sur l'apprentissage de l'enfant, le tout petit devenant un sujet acteur, complice d'échanges entre la conteuse et les enfants, entre les enfants eux-mêmes, entre les enfants et les éducatrices. « Il y eut des animations culturelles et pédagogiques autour des livres avec des enfants de vingt mois à trois ans, l'objectif étant bien de créer un “espace collectif” autour de livres, comptines et chansons à partir d'une histoire contée, un espace culturel propice à l'écoute et à l'expression pour conduire au désir du livre[94]. » De réceptif et attentif — mais passif —, l'enfant devenait peu à peu acteur d'une relation qui s'établissait entre l'adulte et lui, et entre les autres membres du groupe et lui, et cette évolution se constatait dans le plaisir que se donnait l'enfant à partager son savoir, ou ce qu'il venait de connaître, à l'apprendre à l'autre.

Quelques exemples tirés de ce rapport pourront illustrer l'hypothèse qui se construisait alors : par une pratique en crèches se déroulant sur quelques mois, il nous était possible de donner à comprendre, à des éducatrices et à des parents, ce fait que, dans le plaisir de la parole racontée, contée, et partagée à plusieurs, se construit le désir d'une approche du livre, dans sa matérialité et dans sa lecture.

Ainsi, ce matin-là, à Rosporden, nous revivons une deuxième fois l'histoire de la petite souris Cri-Cri Souris et de l'ombrelle magique, de la fée de la forêt grâce à l'arrivée tardive de l'éducatrice. Avec le parapluie ouvert, nous chantons ensemble la chanson. Mais comme cette ombrelle est grande ! Elle fait encore un peu peur aux plus petits de vingt, vingt et un mois. Or, c'est en chantant plusieurs fois la chanson pour l'éducatrice Véronique que chacun, chaque enfant, est amené à se risquer à toucher l'ombrelle magique, puis à la faire tourner avec sa main, à se l'approprier. Les sourires illuminent les visages… Joie. Car il y a don et contre-don entre les enfants et l'adulte, entre l'adulte et les enfants. Un lien est créé, un dialogue.

Dans une autre crèche, à Douarnenez, ce fut la présence de l'auxiliaire qui permit cette relation de don et contre-don. Comme il est bon de chanter à Cécile la comptine universellement connue, et reprise dans un petit album d'images de l'auteur Claude Ponti, « Une poule sur un mur » ! Mais non, elle ne la connaît pas, ou pas très bien du moins ! Avec les enfants elle apprend les gestes, les doigts qui picotent le pain dur… Bravos, rires, applaudissements avec les mains, les pieds…

De là, Thomas devient acteur: il propose ce qu'il a envie de faire avec ses pieds, nous l'imitons. Au tour de Léna : elle voudrait chanter ; puis Fabien rythme la comptine avec ses pieds ; enfin Allan…

À la crèche de Rosporden, les enfants de trois ans et deux ans et demi seront chefs d'orchestre[95] !

Sur ces quatre mois de séances hebdomadaires en crèches, les exemples abondent en ce qui concerne ces prises de conscience du désir d'agir, ainsi que la notion de plaisir. Au fil des récits et des lectures des images des livres, les enfants se transformaient, désirant montrer leurs capacités individuelles pour se donner et donner du plaisir de l'un à l'autre : nous plongions véritablement dans une atmosphère joyeuse et tendue en même temps, car la situation « exceptionnelle » pour les enfants demandait à chacun une grande exigence de concentration.

Et si les éducatrices étaient en accord avec notre pratique, nous sentions une jubilation des sens et un plaisir de la parole, plus ou moins extériorisés selon l'enfant et selon le groupe. Nous ressentions les corps et les esprits tendus vers un même but : connaître, apprendre autre chose, découvrir le monde et ses différences, puis montrer ses capacités, se donner du plaisir entre eux. Aussi illustrons-nous encore une fois notre propos par un exemple bien singulier :

Ce matin-là, à Concarneau, avec la complicité de l'éducatrice Cathy et d'une maman, les enfants m'apprennent une comptine : « La fourmi m'a piqué la main, la coquine… » que… j'appris à mon tour aux autres enfants, à Rosporden, Douarnenez, Quimper. Et Marie et Méloé, deux ans et cinq mois, ne s'en lassaient pas, prenant peu à peu un grand plaisir au contact sensuel du doigt qui monte sur la jambe… jusqu'au creux de la main ! La dernière fois, Marie osait chanter en même temps[96].

4. 2. L'altérité : être soi-même par l'autre

Le concept de l'altérité était bien au centre de nos petits groupes d'enfants. Ils aimaient s'imprégner des univers des contes et des récits pluriels, se découvrant alors, même si petits, dans un processus universel de découverte de la différence, d'une double différence : celle du groupe et celle des contes. Nous pourrions dire fort justement qu'il s'agit simplement « d'une obligation à se sentir terrien[97] », puisque ce processus de découverte et de compréhension du monde et de soi-même est universel. Cependant, si l'enfant, et le tout petit enfant, a la capacité d'être en posture d'altérité, elle n'est pas un état de fait évident à comprendre et à mettre en œuvre, en particulier sur le terrain scolaire où elle se heurte à la conscience intentionnelle de l'élève (et au fait de l'évaluation).

Cette « conscience intentionnelle » est le sujet (et non le moi) qui se manifeste et se constitue comme tel, en acte, par la reconnaissance de l'autre comme alter ego, c'est-à-dire également sujet. Pour ce faire, c'est un travail sur l'écoute et le regard qui est mis en œuvre, et en réalité c'est bien un travail d'éducation de l'expérience corporelle et de la sensibilité. Bien souvent, il est même indispensable de maintenir à distance, provisoirement, ses propres habitudes pour s'abîmer dans celles de l'autre, comme on plonge dans un texte aimé pour accueillir le rythme et l'écho des mots en délaissant tous les autres bruits et faits de la vie quotidienne (de même on s'immerge dans la mer pour accueillir la vague, malgré la fraîcheur de l'eau) ; alors il devient possible d'être attentif à l'autre dans son identité, dans ce qu'il souhaite nous signifier et nous donner à comprendre, comme autre sans doute (alter), mais comme autre sujet assurément (alter ego), autre semblable et différent.

Le risque est de tomber dans la peur de l'ouverture de l'autre, plus encore que de l'ouverture à l'autre. Ce n'est pas seulement l'autre qui dérange, voire inquiète, mais c'est aussi sa propre ouverture, sa propre capacité à changer qui suscite l'angoisse ; et puis, la liberté de l'autre peut se dérober à notre pouvoir, à notre désir d'asservissement[98]. La découverte de l'altérité est « celle d'un rapport, non d'une barrière », dit Claude Lévi-Strauss. Et si elle remet en question l'idée qu'on se fait de soi et de sa propre culture, c'est précisément parce qu'elle nous fait sortir du cercle restreint de nos semblables. L'altérité est une relation qui demande compréhension, mais aussi réciprocité, ce qui ne veut pas dire qu'elle soit réussie. Comprendre ne veut pas dire « rendre semblable à soi », au sens de assimiler, s'identifier les différences : « L'autre est aussi un homme, non pas dans, mais malgré sa différence. »

La compréhension authentique doit au contraire le [l'objet initial] maintenir dans sa spécificité. Elle n'abolit pas la distance entre le sujet et l'objet, elle permet de la parcourir, mais ne la supprime pas, ne la dissout pas dans une vague sympathie qui, sous prétexte de découvrir l'humanité profonde, estomperait tout ce qui fait des hommes ce qu'ils sont, c'est-à-dire des êtres profondément différents les uns des autres. C'est en tant qu'essentiellement autre que l'autre doit être vu. Le premier mérite de l'ethnographie est de faire de cette règle logique un impératif pratique[99].

Dans sa recherche sur l'altérité, Tzvetan Todorov insiste également sur les valeurs de la découverte de soi et de l'autre par la multiplicité de nos cultures :

La meilleure connaissance de soi passe par celle des autres, le détour le plus long se révèle être le chemin le plus court […], car celui qui s'engage dans une connaissance approfondie des autres, dans le temps ou dans l'espace, peut ensuite retourner un regard étonné sur soi : le dialogue entre cultures s'accomplit alors à l'intérieur de son esprit[100].

4. 3. Don et contre-don

Ainsi, à l'intérieur de ces divers petits groupes hétérogènes (âge, milieu social, histoire), se construisaient au fil des séances, dans un jeu d'écoute et d'interactions sans fin, des relations privilégiées. Elles produisaient non seulement le désir de se nourrir (avec délectation) aux paroles contées, mais aussi la prise de parole (ou de gestes) pour partager ses savoirs. Mais dans le cas des enfants de la crèche, on pourrait parler véritablement de « don et contre-don », cette notion dont parle Marcel Mauss en terme d'anthropologie : je te donne, tu reçois (tu sais recevoir) et tu me rends (tu as le plaisir de me rendre)[101]. Il inclut ici nécessairement un projet anthropologique entre plusieurs personnes de milieux ou cultures différents[102].

5 - Le conte : l'oralité en groupe

Le conte est dit dans un groupe, pour un groupe. Le conteur parle le groupe. Le conte est dit de groupe.

R. Kaës[103]

La mise en œuvre d'une pratique pédagogique de médiation dans des lieux culturels et sociaux — espaces clos et ouverts à la fois — nous a paru faisable grâce aux conditions indispensables de l'oralité (c'est-à-dire de l'écoute et des échanges de paroles), avec la dimension de l'altérité.

C'est ainsi que notre action menée en groupe autour de la parole des contes, mise en scène et interprétée, était reconnue comme une pratique culturelle de « médiation » selon les termes de Jean Caune dans les pratiques culturelles[104]. La « médiation narrative » est, pour Paul Ricœur, dans Du texte à l'action, une relation du lecteur aux textes qui instruit et forme sa pensée ; mais quant à nous, nous voulions tenter de répondre à la question pédagogique d'un accès problématique aux textes. Il s'agissait donc de propositions spécifiques d'un projet commun, en un lieu choisi, et innovant au contraire de situations habituelles[105].

Par conséquent l'hypothèse pourrait être ainsi formulée, sous la forme d'une question : dans ce temps donné d'oralité, construit comme espace collectif, chaque personne ne pourrait-elle pas trouver la possibilité de jouer un rôle dans le groupe et de nouer des liens positifs, afin de se construire, soi-même et son propre savoir, au contact de la parole de l'autre ?

5. 1. Les conditions nécessaires à la médiation narrative

Tout d'abord, en insistant sur l'importance des conditions nécessaires à la médiation et pour atteindre cet objectif, nous allons considérer les facteurs temps et lieu, qui se conjuguent l'un et l'autre pour construire un espace de vie symbolique (il est nécessaire de disposer d'une salle réservée à la lecture ou à l'écoute des contes, ou préparée à cet effet).

En conséquence, il est essentiel de prendre le temps :

• Le temps de raconter le conte, avec les mots de la conteuse, sans support, sans durée déterminée. Seulement un horaire fixé pour telle heure, pour commencer, afin que chacun puisse se préparer au rendez-vous, comme le Renard du Petit Prince.

• Le temps de laisser les textes prendre racine et germer, nourrir l'imaginaire, la subjectivité et l'intériorité de chacun : les contes ne sont pas oubliés d'une séance à l'autre.

• Le temps d'échanger, de s'exprimer en seconde partie de séance, pendant une vingtaine de minutes ou beaucoup plus selon le désir : pour des échanges à partir du conte raconté en un premier temps, et sur les illustrations du ou des livres que les enfants découvrent, en un deuxième temps. Et la discussion peut se prolonger par des documentaires sur le pays concerné, son peuple, ses traditions, les coutumes d'hier et d'aujourd'hui ; ici, le regard de l'ethnologie aide à comprendre les situations et actions, ainsi que les comportements des personnages d'une histoire.

Enfin, nous pouvons remarquer que, dans les diverses situations vécues en crèche autant que dans l'expérience de la médiation narrative en bibliothèque, ces espaces-temps de paroles partagées s'affirmaient au fil des séances après le temps du conte, de sorte que nous en avons déduit la nécessité de construire cet espace d'écoute et de partage autour de la parole, espace collectif et symbolique, clos en même temps qu'ouvert. Ainsi d'emblée l'espace de la bibliothèque, qui doit être par nature un lieu de socialisation et d'échanges mais aussi de transmission de savoir et de valeurs, était devenu pour le groupe un espace idéal, clos sur l'intériorité de l'individu, ouvert sur les autres et le monde. Et par la suite, cet espace singulier se construira de la même manière lors de chaque atelier d'écriture.

a - Le lieu de la « Halqua », espace collectif et symbolique

Sans aucun doute, cet espace-temps idéal se rapproche au mieux du terme utilisé par les conteurs professionnels du Maroc, la Halqua[106]. C'est le conteur et écrivain Tayeb Saddiki, homme de théâtre, qui nous donne la définition de ce « véritable théâtre en rond-théâtre de rue » où les conteurs — mystiques, poètes, comiques, ou majdoubines (charlatans) — s'expriment, relatent, racontent, en arabe ou en berbère, dans des lieux animés et réputés, surtout à Jamaâ el fna (Marrakech), Bab Hel Makina (Fès), Bab Doubkkalla (Essaouira), etc. :

La Halqua (véritable théâtre en rond-théâtre de rue) est un moyen de se regrouper, d'être ensemble, et surtout d'être transporté dans un autre monde, celui du rêve, où les contes et légendes réinvestissent bien des mémoires, où le feu est permanent, le songe est mille fois vécu et force la réalité à paraître, par les mots, les mythes, la générosité, l'humour et le rêve au cœur vivant de l'imaginaire qui se fait réel[107].

b - L'écoute

Dans cette construction de l'espace collectif (où existe une double implication, celle des enfants et celle de la conteuse), nous voudrions souligner la prise en compte non seulement de la pensée exprimée par la parole, de l'esprit donc, mais aussi du corps. Le corps s'émeut et se trouble au souffle de la parole écoutée.

Pendant l'écoute du conte, nous pouvons voir les enfants, petits ou grands, presque immobiles : corps tendus, attentifs, réceptifs, intentionnés.

L'écoute du Voyage de Tikkatoo (à la troisième séance de la médiation narrative, en bibliothèque) illustre bien l'implication personnelle du corps de chacun : Solen, silencieuse, ne remuait pas un petit doigt, ses yeux brillaient ; Sandrine, très réceptive, écoutait avec ses yeux et ses oreilles grands ouverts ; Charlotte remuait tout le temps et fronçait les sourcils. Elle agira ainsi pour presque tous les contes : marques d'attention… d'inquiétude ? Les quatre filles, Solen, huit ans et demi, Sandrine, dix ans, Charlotte, huit ans, et Anaïs, huit ans et demi, constituèrent le noyau fidèle de ce groupe formé en bibliothèque, et elles en furent, si l'on peut dire, l'âme.

Pendant l'échange, au contraire, les enfants bougent en s'agglutinant autour du livre : les corps se serrent les uns contre les autres, se touchent, effleurent la conteuse… Les doigts suivent les illustrations sur le livre, contournent et palpent les formes et couleurs. Les bouches s'exclament, rient… À chaque fois, ce fut la même proximité des corps, la même fébrilité des mains qui touchent le livre, le même désir de regarder et de toucher encore, le même plaisir : « Encore, encore ! » disait la petite Marie de deux ans et demi. Joie !

L'oralité permet donc cette situation de promiscuité, d'immédiateté, d'échanges verbaux. Et dans ces échanges-là, la transmission n'existe pas uniquement en termes d'érudition et de connaissances, mais par rapport à la personne elle-même. Elle est relation, par l'écoute intentionnée. La valorisation de chacun s'effectue par les images renvoyées des uns aux autres par un jeu de miroirs : dans cette expérience de l'altérité, dire, parler, s'exprimer, s'apprend en écoutant l'autre dans ses ressemblances et malgré la différence, avec sa pensée et avec son corps. L'autre motive et interpelle, suscite la question, apporte ou demande la réponse, appelle la référence à un autre conte, à une expérience vécue, à des connaissances acquises, calme l'angoisse de l'esprit et du corps, à l'exemple de Sandrine qui conduit la réflexion sur la réalité des sorcières, pour rassurer Solen : « Les Sorcières ça n'existe pas !… Si tu connais une potion magique, tu la fais, et voilà, tu es sorcière ! » Lorsque l'on a onze ans, on peut oser rassurer une sœur plus petite de huit ans et demi, sur le sens des questions qui semblent graves, d'autant plus que l'on « se sent portée » par la médiatrice et « écoutée » par l'ensemble du groupe.

Dans son texte Le Corps et la musique, Roland Barthes s'interroge sur l'écoute, acte psychologique, à la différence d'entendre qui est un acte physiologique. Proposant trois niveaux d'écoute, il s'attarde surtout à la troisième écoute qui est « censée se développer dans un espace intersubjectif, où “j'écoute” veut dire aussi “écoute-moi”. L'écoute met en relation deux sujets : […] l'injonction d'écouter est l'interpellation totale d'un sujet à un autre ; elle place au-dessus de tout le contact quasi physique de ces deux sujets (par la voix et par l'oreille) ». Ainsi, Barthes note que « l'instrument archétypique de l'écoute moderne, le téléphone, rassemble les deux partenaires dans une intersubjectivité idéale (au besoin intolérable, tant elle est pure), parce que cet instrument abolit tous les sens, sauf l'ouïe ».

[…] l'interpellation conduit à une interlocution, dans laquelle le silence de l'écouteur sera aussi actif que la parole du locuteur : l'écoute parle, pourrait-on dire : c'est à ce stade (ou historique ou structural) qu'intervient l'écoute psychanalytique[108].

5. 2. La parole et le groupe

Dans un espace doublement ouvert — constitution du groupe, ouverture sur le monde —, grâce à une parole qui lie, l'implication de l'enfant dans sa démarche de recherche est un travail de construction du sujet ; le voyage intérieur commencé par la conteuse peut devenir le voyage de chaque enfant, et celui du groupe :

Le conte transmet par la voix, par le dire et par l'entendre, une parole qui lie par un double lien le sujet qui parle une forme déjà parlée et celui qui écoute un récit déjà dit : la parole du conte les lie à leur propre réalité psychique et au champ social dont ils participent[109].

Du côté de la psychanalyse, « le groupe est un appareillage psychique groupal, un complexe intersubjectif dans lequel se produit une réalité psychique propre, sous l'effet de l'inconscient de ses sujets[110] ». Définissons étymologiquement ce qu'est le groupe, « ce plus petit des pluriels jusqu'à l'infini[111] », en nous référant à ses origines italienne gruppo, — groppo signifiant effectivement « nœud, assemblage » —, ou germanique, qui nous donne le sens de « masse arrondie » avec le mot kruppa. Opposé à individuel, un ensemble de personnes (ou de choses, d'animaux) forme un tout, et est défini par une caractéristique commune. Lorsqu'on parle d'un groupe qui est fait à plusieurs ou concerne plusieurs personnes, il s'agit de réunion de plusieurs personnes concernées par la même situation ; ainsi en ce qui concerne notre propos, par le conte. Et sans nous référer à la thérapie de groupe où nous entraînent les travaux psychanalytiques sur « les processus associatifs », nous pouvons considérer que le groupe se constitue comme une scène où se vivent « des représentations produites par l'excitation des représentants » (séduction, motivation, défense, éveil, désir, etc.).

Également, nous pouvons nous reporter à ces mêmes principes dégagés par René Kaës sur le sujet par rapport au groupe en tant que sujet du groupe : autrement dit, d'une part, « le sujet est ici considéré dans sa singularité » ; et d'autre part, il est proposé de « considérer que le sujet de l'inconscient contient un sujet du groupe, divisé entre la nécessité d'être à soi-même sa propre fin, et celle d'être membre, serviteur, bénéficiaire et héritier d'une chaîne intersubjective à laquelle il est assujetti ». S'y trouvent ou non réunies les conditions d'un espace psychique où « le Je peux devenir[112] ». En outre, dans un groupe, il y a de multiples énonciations et la capacité de chacun d'écouter et d'entendre ces énonciations. Ainsi c'est en entendant parler d'une chose, ou d'une autre, par l'un ou l'autre des membres du groupe, que celui qui écoute « entend en fait quelque chose dont le sens viendra de lui et sera mis en place par la chaîne associative, par le transfert, par notre écoute[113] ».

Les sujets s'y révèlent multiples, et il s'agit d'être à l'écoute différenciée et plurielle, un peu comme dans « une polyphonie ». Dans notre situation de groupe, il est également important et « même si les voix sont discordantes », de « reconnaître et la trame impersonnelle du discours du groupe, et la chaîne des discours singuliers, et les motifs qu'ils tissent, dans les temps distincts, pour chaque sujet[114] ». C'est de cette manière que chaque temps oral et collectif peut devenir écoute exigeante et intentionnelle et jeu d'interactions sans fin ; chacun féconde, nourrit le concept d'altérité. Cependant, il faut souligner que leur disponibilité et leur aptitude à l'écoute des récits et de l'autre sont intrinsèquement liées à la reconnaissance et donc à l'acceptation de celle qui transmet la parole du savoir et anime l'espace d'oralité.

Conclusion : écoute et échanges dans l'oral

« Le merveilleux nous installe dans un monde surnaturel que par une convention commune à l'épopée et au conte de fées, nous acceptons comme réel », écrit Jean-Pierre Vernant ; et l'instrument du merveilleux sert le langage des poètes et écrivains avec les figures de style : l'allégorie et le symbole[115].

À ce titre, la dimension symbolique des contes et récits multiples a traversé l'expérience d'oralité vécue avec les petits des crèches. D'une part, il s'est avéré que leur capacité à l'imaginaire a suscité le désir de la parole interprétative, des livres et des images, mais aussi le désir des échanges. Et d'autre part, leur écoute et les échanges en réciprocité ont démontré que ces concepts-là sont au fondement de l'altérité. Dans ces expériences traversées par l'imprévisible, ressources, connaissances, et capacités individuelles se composaient pour interpeller, déranger, désorganiser, bousculer, questionner les repères habituels pour une part et par ailleurs apporter, donner du positif, reconnaître l'autre. Ainsi, pouvons-nous conclure sur la notion du don et contre-don : donner, recevoir, rendre avec plaisir transforme les individus à trois niveaux, social, culturel, et psychique :

• dans le savoir-dire, le savoir-faire, le savoir-être ;

• dans la pensée, et l'expression de la pensée, par l'écoute, la réflexion liée au dialogue (références citées en rapport avec les connaissances déjà acquises, expériences vécues et transmissibles) : c'est le savoir-lire ;

• dans une transformation psychique de la capacité de l'énonciation, c'est-à-dire selon Benveniste de l'appropriation de la langue, pour exprimer ce qui peut être dit, mais aussi pour l'émergence des « non-dits » — de ce qui était caché, de l'inacceptable. Certes, l'imaginaire des textes prend en charge les non-dits et les angoisses, mais la parole écoutée et accueillie a bien des pouvoirs.

Si nous avons pu établir cette avancée dans l'accès à la compréhension de l'écrit, par la parole véritablement vécue dans l'altérité, nous en tirons par conséquent la conviction que, pour accéder à la culture de l'autre, il faut aussi identifier et accepter l'autre comme semblable et autre. Ce serait avoir une « capacité imaginative de l'autre », dans ce sens où l'autre a sa place, son point de vue. Mais nous nous apercevrons sur les divers terrains que, pour avancer dans ce processus (non seulement de tolérance, mais encore de compréhension), il faut agir sur la durée d'une médiation avec les mêmes enfants ou élèves. N'est-ce pas ce qui se traduira dans ce processus de reconnaissance de l'autre (et de partage) que nous appellerons alors mutualisation, notamment en ateliers d'écriture collective[116] ?

L'être humain est capable, et cela fait partie de sa définition même, d'introduire, face à une culture étrangère, des représentations médiatrices, accessibles à l'un et à l'autre champ[117].


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[1] Gloria PONDÉ, « Nouveaux langages du féminin » in La Littérature de jeunesse au croisement des cultures, p. 171. Ouvrage collectif coordonné par Jean Perrot et Pierre Bruno, coll. « Argos », CRDP, Académie de Créteil, 1993, p. 171.

[2] Gaston BACHELARD, La Poétique de la rêverie, PUF, coll. « Quadrige », 1993 [1e éd. 1961], p. 129 : « Et voici pour nous, entre rêve et rêverie, la différence radicale, une différence relevant de la phénoménologie : alors que le rêveur de rêve nocturne est une ombre qui a perdu son moi, le rêveur de rêverie, s'il est un peu philosophe, peut, au centre de son moi rêveur, formuler un cogito. Autrement dit, la rêverie est une activité onirique dans laquelle une lueur de conscience subsiste. Le rêveur de rêverie est présent dans sa rêverie. »

[3] Un illustrateur d'aujourd'hui a su retrouver et restituer l'atmosphère de mystère ressenti à ces lectures : Frédéric CLÉMENT a illustré La Chatte Blanche et autres contes de Madame d'Aulnoy, éd. Grasset Jeunesse, 1989. Cependant, aujourd'hui, nous avons à portée de main, du moins en Europe, des milliers d'albums, des milliers de livres et d'images ; et par conséquent, il faut apprendre à choisir…

[4] Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, Seuil, 1990.

[5] Françoise SÉRANDOUR, Contes d'enfance, Contes pour grandir, in Rencontre des contes : une conteuse et des enfants. Mémoire de maîtrise en Sciences de l'éducation, 1996, Université de Rennes 2.

[6] Au moment d'étudier la médiation narrative, nous verrons de manière spécifique le mythe et le conte du côté de la parole, et donc de l'herméneutique : à partir de lectures contées, et d'échanges en groupe autour des livres et de représentations diverses de l'histoire contée, il s'agit pour les enfants de se mettre en quête du sens des textes.

[7] Voir Paul RICŒUR, Du texte à l'action. Essais d'herméneutique II, Seuil, « Points Essais », 1986, p. 174 : « Si […] on tient l'analyse structurale pour une étape — et une étape nécessaire — entre une interprétation naïve et une interprétation critique, entre une interprétation en surface et une interprétation en profondeur, alors il apparaît possible de replacer l'explication et l'interprétation sur un unique arc herméneutique et d'intégrer les attitudes opposées de l'explication et de la compréhension dans une conception globale de la lecture comme reprise du sens. »

[8] René KAËS, Contes et Divans, les fonctions psychiques des œuvres de fiction : « L'étoffe du conte », ouvrage collectif (Jean Perrot, Janine Méry…), Dunod, rééd. 1996, [1e éd. Bordas Paris, 1984], p. 14. Voir aussi René KAËS, La Parole et le lien. Processus associatifs dans les groupes, Dunod, 1994 ; L'Appareil psychique groupal, coll. « Psychiatrie », dirigée par Didier Anzieu, Dunod, 1998. En tant que psychanalyste, il mène sa recherche spécifiquement sur la médiation du conte comme « conditions de dépassement d'un dérèglement ou d'une discontinuité psychiques ».

[9] Louis-Jean CALVET, La Tradition orale, PUF, « Que sais-je ? », p. 1. D.T. NIANA, Soundjta ou l'épopée mandingue.

[10] Jack GOODY, Entre l'oralité et l'écriture, Paris, PUF, 1994 : « Pour trouver une culture véritablement orale, pour être sûr que la forme et le contenu de la poésie et de la prose n'ont pas subi l'influence de l'écriture, il faut chercher ailleurs. […] L'Afrique dont je veux parler est surtout l'Afrique occidentale ; c'est là, parmi les LO Dagaa du nord de Ghana, que j'ai enregistré le long mythe du Bagre (1972 et 1981), et c'est aussi cette partie du continent qui a produit un certain nombre de versions de poèmes épiques qui ont été publiées, en particulier les cycles concernant Soundiata au Mali, et Silamaka chez les Peul et les Bambara », p. 91-92. Également, Jean-Pierre Olivier de SARDAN, Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, coll. dir. par Jean Copans, éd. A Pad-Karthala.

[11] Marcel DÉTIENNE, L'Invention de la mythologie, p. 40.

[12] André PICHOT, La Naissance de la science, 1. Mésopotamie, Égypte, « Folio Essais » Gallimard, 1991, p. 14.

[13] Voir aussi Jacques LACARRIÈRE, Au cœur des Mythologies, éd. Philippe Le Bau, 1996. L'oralité a permis la circulation des mythes : « mitus loges », disait-on dans l'Antiquité (tu racontes des « bobards » : des histoires, des fabulations) !

[14] Claude LÉVI-STRAUSS, Mythologiques IV, l'Homme nu, Paris, Librairie Plon, 1971 ; Mircea ELIADE, Initiations, Rites, Sociétés secrètes, Idées Gallimard, 1976, [1e éd., 1959].

[15] Marcel DÉTIENNE, L'Invention de la mythologie, op. cit., p. 237 : « Le mot d'ordre est inventer (heuriskein) ». Aristote, Poétique, 1455a 23.

[16] Claude LÉVI-STRAUSS, Histoire de Lynx, Paris, Plon, 1991. Avant-propos, p. 10 : « Et il ne faudrait pas croire que le mythe, qui nous vient de très loin dans le temps ou dans l'espace, n'a plus à nous offrir qu'une partie périmée… Les mythes […] sont inlassables, ils entament une nouvelle partie chaque fois qu'on les lit ou qu'on les raconte… » [par comparaison avec une partie d'échecs ou de cartes], p. 10-11.

[17] Denise PAULME, La Mère dévorante, Essai sur la morphologie des contes africains, Gallimard, coll. « Tel », 1986, p. 20, [1e éd., Bibl. des sciences humaines, NRF Gallimard, 1976].

[18] Geneviève CALAME-GRIAULE, « The Revival of Story Telling », in Actes du colloque, Le Renouveau du Conte, p. 138. Édité par Calame-Griaule Geneviève, éd. du CNRS. 1991, p. 449.

[19] Jean BOTTÉRO, Clarisse HERRENSCHMIDT, Jean-Pierre VERNANT, L'Orient ancien et nous. L'écriture, la raison, les dieux, Chaire de l'I.M.A., éd. Albin Michel, coll. Idées, 1996.

[20] Marcel DÉTIENNE, L'Invention de la mythologie, op. cit., p. 236, 237.

[21] Le Voyage de Tikatoo, conte amérindien-inuit, op. cit.

[22] L'Épopée de Gilgamesh, trad. de l'arabe et adapté par Abel AZRIE, texte établi d'après les fragments sumériens, babyloniens, assyriens, hittites et hourites, Paris, Berg International Éditeurs, 1979.

[23] Jacques LACARRIÈRE, Le Fil d'Ariane ou jouer le jeu pour Vivre le mythe, Ipomée-Albin Michel, 1996.

[24] Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, Pluriel, Le Livre de poche. éd. 1999, p. 63, [1e éd. 1976].

[25] Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, op. cit. : « Mircea Eliade, par exemple, définit ces histoires comme “des modèles de comportement humain, ce qui leur permet de donner, par le fait même, un sens et une valeur à la vie”. Traçant des parallèles anthropologiques, lui et bien d'autres suggèrent que les mythes et les contes de fées dérivent ou sont l'expression symbolique de rites d'initiation ou autres rites de passage, par exemple la mort métaphorique d'un ancien moi inadapté afin de renaître sur un plan d'existence supérieur » in « Conte de fées contre mythe », op. cit. p. 57.

[26] Alison LURIE, Ne le dites pas aux grands. Essai sur la littérature enfantine, trad. de l'anglais par Monique Chassagnol, Rivages, 1991 : « Interprétation des contes : Bruno Bettelheim, Éric Berne », p. 36-42.

[27] Claude PONTI, L'Arbre sans fin, ill. Claude Ponti, L'École des loisirs, 1992.

[28] Lewis CARROL, Alice au pays des merveilles, suivi de De l'autre côté du miroir. [Alice's Adventures in wonderland], trad. de Parisot, ill. par John Tenniel, Hachette, 1994 [1e éd 1898].

[29] Sur les contes qui font grandir, voir aussi Abdessamad DIALMY, « Féminisme Soufi ». Conte Fassi et initiation sexuelle, éd. Afrique/Orient, 1991 (Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l'Université de Fès).

[30] Il faudrait citer des inspectrices-conteuses, bibliothécaires-écrivains, universitaires passionnés, tous chercheurs dans ce domaine. Ainsi, Sylvie Loiseau, formatrice et Inspectrice de l'Éducation nationale, Claude-Anne Parmeggiani, directrice de la célèbre Revue de livres pour Enfants, les chercheurs universitaires Marc Soriano, Georges Jean, Jean Perrot, Bernadette Bricout, Nadine Decourt. Voir Nadine DECOURT, Michelle RAYNAUD, Contes et diversité des cultures : le jeu du même et de l'autre. CRDP de l'Académie de Lyon, « Argos Démarche », 1999. De même, Isabelle Nières, à l'Université de Rennes 2 en Littérature comparée. Au Maroc, Najima Thay Thay, à l'origine du GRUO (Groupe de Recherche Universitaire sur l'Oralité), Faculté des Lettres et Sciences humaines d'Agadir, Secrétaire d'État à l'alphabétisation et à l'Éducation non formelle dans le gouvernement marocain, 2002.

[31] Élisabeth GARDAZ DE LINDEN, in PARMEGGIANI C.A, Lectures, livres et bibliothèques pour enfants, Paris, éd. du Cercle de la Librairie, coll. « Bibliothèques », 1995. C'est aussi ce que nous avons tenté de démontrer dans une communication : Françoise SÉRANDOUR, « La parole contée pour grandir. Médiation et transgression en histoires de vie », revue Histoire de vie, nº 2 : « Récit de vie oral, Récit de vie écrit », dir. Christian Leray et Claude Bouchard, Rennes, PUR, 2002.

[32] Madame de GENLIS, 1746-1791. Éducatrice des enfants du duc de Chartres, dont le futur roi Louis-Philippe. Elle s'insurgeait avec Berquin contre les « extravagances » et l'absence de moralité des contes.

[33] Cette description d'écritures de contes en atelier d'écritures ne pourra être que succincte. Elle a sa place, ici, en tant qu'illustration du propos, mais c'est dans la seconde partie que nous nous attarderons sur notre pratique.

[34] Michèle SIMONSEN, Le Conte populaire français, PUF, « Que sais-je ? », 2e éd., 1986, p. 11.

[35] Denise PAULME, La Mère dévorante, op. cit, Introduction, p. 12. Voir aussi Catherine VELAY-VALLANTIN, L'Histoire des contes, Fayard, 1992 : « La variété des formes d'un conte atteste la richesse de ses interprétations » p. 97.

[36] D'après Michèle SIMONSEN, in Le Conte populaire français, op. cit. : « L'étude des contes populaires comporte des difficultés d'ordre terminologique. » « Le conte populaire relève du folklore au même titre que les fêtes et instruments de musique, croyances populaires, rites, recettes de cuisine, etc., et du folklore verbal au même titre que les chansons et proverbes, les comptines et les formules de médecine populaire, […]. »

[37] Dictionnaire historique de la langue française sous la direction d'A. Rey. Le Robert, 1992.

[38] Michèle SIMONSEN, Le Conte populaire français, op. cit., p. 5 : « Les contes sont souvent connus sous un titre général qui ne correspond ni au titre particulier de chaque version concrète rassemblée par les folkloristes, ni au titre du conte type auquel cette version appartient d'après la classification internationale Aarne-Thomson ». Motif Index of Folk Littérature, Helsinki, 1932-1937. Voir aussi Denise Paulme, La Mère dévorante, op. cit., introduction.

[39] Masamanamatug et l'Oiseau enchanté, conte africain, ill. Laura Rosado, éd. Ipomée 1987 ; Baba Yaga, conte russe, d'Alexandre Assanafiev, ill. et adapt. Katia Arnold, trad. Michèle Nikly, éd. Nord/Sud, 1983.

[40] Denise PAULME, La Mère dévorante, op. cit., p. 11.

[41] Albert POULAIN, Contes et Légendes de Haute Bretagne, Rennes, éd. Ouest France, 1995 : « La légende prétend à une réalité, faits historiques, vie des saints, mais il est difficile de faire le partage entre l'imaginaire rapporté et la vérité. »

[42] Conte « La Barbe Bleue » dans Contes de ma Mère L'Oye, texte intégral, Librio, 1994. T 312, p. 6.

[43] Catherine VELAY-VALLANTIN, L'Histoire des contes : « Barbe Bleue », op. cit., p. 43-93.

[44] Des fresques relatant ces légendes ont été découvertes dans deux chapelles du Morbihan. Elles sont liées à la dimension chrétienne de saint Gildas, figure opposée à Conomor. Dans une chapelle de Pontivy, une fresque peinte en l'an 1706  sur l'ensemble du plafond (restaurée et visible en 1995) reproduit l'histoire de sainte Tréphine et de Conomor, datant des années 550 (la condamnation historique de Conomor, lors du concile de Méné-Bré est relatée dans des sources sûres, dont La Vie de saint Hervé) : l'un des tableaux est la reproduction de la vignette du Barbe Bleue dans la première édition de la Bibliothèque Bleue. De même, dans une autre église, à Saint-Nicolas des Eaux (fresques en restauration en 1995). Les contes, mythes et récits étaient donc bien colportés par les écrits de la Bibliothèque Bleue au XIXe siècle, constate C. Velay-Vallentin, op. cit., p. 82-93.

[45] Catherine VELAY-VALLANTIN, L'Histoire des contes, op. cit., p. 83. Nous retrouvons aussi ce thème dans un conte tibétain Le Roi Jacasse et le petit garçon aux chaussures de fer, op. cit.

[46] Cette abbaye de Bon-Repos fut fondée par Alain de Rohan en 1180 pour l'ordre des Cisterciens. Elle prospéra, mais fut détruite après 1789, lors de la Révolution, par les Chouans. En 1202, les frères ouvraient gratuitement l'abbaye à tous ceux qui étaient « tourmentés du désir de connaître ».

[47] Il y a huit panneaux : les peintures sont inscrites dans des médaillons et les costumes sont ceux de l'Antiquité romaine ; le texte est écrit en lettres gothiques, au-dessous. Le pardon de sainte Tréphine, à la chapelle de Pontivy, a encore lieu chaque année le 20 juillet.

[48] Louis-Jean CALVET, La Tradition orale, op. cit., « Structure du texte oral », p. 26.

[49] Michèle SIMONSEN, Le Conte populaire francais, op. cit., « La pratique du contage », p. 50.

[50] HAMPATÉ BA, 1900-1991, écrivain, historien, ethnologue, maître-conteur et poète. Depuis quelques années, les contes africains sont collectés, transcrits, traduits et publiés. Ils permettent de vulgariser la littérature et la culture millénaire des Africains. C'est ainsi que l'écrivain Hampaté Bâ recueille « les mots d'avant, ceux de tous les siècles, pour qu'ils germent et ne meurent pas ». Amkoulle l'enfant Peul. Mémoires I, Actes Sud, 1991. Oui mon commandant ! Mémoires II. Contes Initiatiques Peuls, éd. Stock, 1994.

[51] Diné BAHANÉ, Le Livre des Indiens Navajos, éd. du Rocher, 1995.

[52] Jean VERRIER, « La réception du conte à l'université », in Le Renouveau du conte, Paris, éditions du CNRS, 1991, sous la direction de Geneviève Calame-Griaule, p. 235-243.

[53] Jean VERRIER, op. cit., p. 238.

[54] Bernadette BRICOUT a publié une édition critique de la collecte Pourrat : Contes et récits du Livradois-Forez, Paris, Maisonneuve et Larose, 1989, ainsi que sa thèse elle-même sous le titre Le Savoir et la saveur. Henry Pourrat et le trésor des contes, Gallimard, 1992.

[55] Claude de la GENARDIÈRE, Encore un conte ? Le Petit Chaperon Rouge à l'usage des adultes, coll. « Écriture et transmission », L'Harmattan, 1996.

[56] Yvonne VERDIER, Coutume et destin. Thomas Hardy et autres essais, précédé Du rite au roman, par Claudine Fabre-Vassas et Daniel Fabre, « Bibliothèque des Sciences humaines », Gallimard, 1995. Les collectes du conte Le Petit Chaperon Rouge proviennent de diverses régions : Bassin de la Loire, Nivernais, Forez, Velay, Alpes.

[57] Henry POURRAT, Le Trésor des Contes, Gallimard, 13 volumes publiés entre 1948 et 1962 : Le Petit Chaperon Rouge se trouve au vol. II.

[58] Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, op. cit., p. 257.

[59] Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, op. cit., p. 273.

[60] Marc SORIANO, Les Contes de Perrault, Culture savante et traditions populaires, éd. revue et corrigée, Gallimard, coll. « Tel », 1977. Psychanalyste, il remet en cause l'interprétation habituelle du conte. Voir aussi l'ouvrage de Claude de la GENARDIÈRE : Encore un conte? Le petit chaperon rouge à l'usage des adultes, op. cit.

[61] Charles PERRAULT, Les Contes de ma Mère Loye. Histoires ou contes du temps passé. Avec des moralités, 1697, éd. Librio, texte intégral, Flammarion, Thuringe-Paris, 1994.

[62] Helena GENESIO, professeur de littérature portugaise et française à l'École de formation des professeurs à l'Institut polytechnique de Bragança, tient cette version d'un entretien oral recueilli et traduit par elle-même dans la région du Montesinho, au nord du Portugal.

[63] Taos AMROUCHE, Le Grain magique. Contes et proverbes de Kabylie, La Découverte, 1996, [1e éd. Maspero, 1966].

[64] Jean PERROT, La Littérature de jeunesse au croisement des cultures, ouvrage collectif, coll. Argos, C.R.D.P, Créteil, 1993.

[65] Taos AMROUCHE, « Le Chêne de l'ogre », in Le Grain magique, op. cit., p. 111. C'est donc une version berbère qui se situe entre les deux versions européennes. La culture des Arabes vint jusqu'en Europe ; et, de même, Kalila et Dimna (contes étiologiques) à l'origine un livre indien, est l'une des sources des Fables de La Fontaine. Ce livre indien écrit pour l'éducation politique des fils d'un prince régnant (discours politique à l'intérieur duquel se trouvaient des fables qui mettent en scène des animaux) fut traduit en persan, puis en arabe, puis en français en passant par l'Espagne : KALILA et DIMNA, Fables choisies, trad. par A. MIQUEL, calligraphie Ghani ALAMI, préf. de Leila BENOUNICHE, Institut du Monde Arabe/Ipomée-Albin Michel, 1997. Livre bilingue (Abdallah IBNAL MUQAFFA).

[66] Marthe ROBERT, Contes de Grimm, Folio Gallimard, 1976, préface, p. 12.

[67] Anne IKHLEF, Mon Chaperon Rouge, ill. Alain Gauthier, Seuil Jeunesse, 1998. Citons aussi, entre autres albums illustrés, celui de la photographe Sarah MOON : Le Petit Chaperon Rouge, avec des photographies en noir et blanc (qui rejoignent angoisses et peurs inconscientes de la petite fille devant l'inconnu et face à l'autre dans l'acte de grandir).

[68] Tous les élèves des deux classes de 23 et 24 élèves ont participé, en groupes de trois à cinq élèves de 11 à 13 ans (sauf 2 élèves en grande difficulté). Avec le soutien de la principale du collège et l'aide (technique et humaine) d'un aide-éducateur, ils ont saisi eux-mêmes leurs textes sur ordinateur. Les contes réunis en livret, chacun a emporté à la maison son recueil à la fin de cette séquence, aux vacances de Pâques 2003. Il a été réalisé également, dans le même temps, des ateliers d'écriture avec des élèves de deux classes de quatrième (respectivement 28 et 29 élèves), à propos de l'étude de la nouvelle fantastique et de l'écriture collective de nouvelles. Ateliers adaptés (11 groupes).

[69] Jacob et Wilhelm GRIMM, Kinder und Hausmärchen (1812-1822). Le classement de ces récits a été élaboré par les premiers folkloristes et collecteurs que sont les frères Grimm, d'abord philologues. Au centre du mouvement romantique allemand, ils ont publié entre 1812 et 1815 des Contes de l'Enfance et du Foyer nommés « Märchen », « Contes de fées ». Recueil de 200 contes, tirés des traditions populaires et allemandes (Blanche-Neige, Hansel et Gretel, Les Musiciens de la ville de Brème, etc.). Dans leur catalogue national, Delarue-Ténèze suivent l'usage établi depuis le catalogue international de Aarne-Thomson, en distinguant les contes « merveilleux » sous l'appellation « contes de fées » (par les Français et les Anglais). Ils font partie des « contes proprement dits ».

[70] Denise PAULME, op. cit., p. 11.

[71] Edith HAMILTON, La Mythologie, ses Dieux, ses Héros, ses Légendes, éd. Marabout Université, 1962, p. 41.

[72] Marthe ROBERT, Contes de Grimm, Folio Gallimard, 1976, p. 14, 15, 16.

[73] Clarissa PINKOLA ESTES, Femmes qui courent avec les loups, trad. de l'italien, LGF, 2001 [1e éd. Grasset, 1996].

[74] Clarissa PINKOLA ESTES, Femmes qui courent avec les loups, op. cit. : Dans cet essai, cette analyste montre comment il est possible — et nécessaire — de récupérer l'intuition et la capacité visionnaire de l'âme féminine perdue au fil des temps. Son analyse structurale et psychanalytique sur le conte russe Vassilissa la sage (p.113-167), fait partie du matériel d'analyse proposé aux enseignants par le CDDB (Centre dramatique de Bretagne) pour la pièce de théâtre tirée de ce conte (Vassilissa et la poupée dans la poche) et qui est proposée aux élèves des classes de primaire de la région (année scolaire 2003-2004).

[75] Alison LURIE, op. cit., « Cendrillon », p. 38. Voir aussi Denise PAULME, La Mère dévorante, op. cit., p. 11.

[76] Najima THAY THAY RHOZALI, Au pays des Ogres et des Horreurs, Paris, L'Harmattan, 2000 : « Avant-propos », p. 1. Contes berbères du pays du Souss au Maroc du Sud.

[77] Le Voyage de Tikkatoo, conte esquimau, ill. Amanda Loverseed, éd. GrŸnd, 1990. Il est évident que, pour une plus grande compréhension des thèmes énoncés (c'est un voyage initiatique), il était nécessaire de remettre le récit dans son contexte, à partir de nos connaissances de la civilisation esquimau, et du peuple Inuit vivant au nord du Québec.

[78] La Grotte aux Korrigans, conte breton adapté par E. Brisou-Pellen [repris de P. Sébillot], éd. Milan, 1992.

[79] Le Roi Jacasse et le Rêve du petit garçon, conte tibétain, ill. Laura Rosado, éd. Ipomée/Albin Michel, 1991.

[80] La Fille du Grand Serpent et la nuit, légende amazonienne, op. cit. De la même manière que pour le conte de Tikatoo, il était nécessaire de restituer ce texte dans les mythes cosmogoniques, et de travailler en référence à l'étude ethnologique des Amérindiens.

[81] Le Roman du Roi Arthur, renouvelé par Xavier de Langlais, éd L'Édition d'Art H. Piazza, Alfortville, 1965, 5 tomes. Le Roman du Roi Arthur est une épopée écrite (commencée) par Chrétien de Troyes sur la quête du Graal.

[82] Vladimir PROPP, Morphologie du conte, trad. de M. Derrida, T. Todorov, C. Kahn, Points Seuil, 1970 [1e éd., 1965] : « Les Fonctions », p. 31. « Le mot de morphologie signifie l'étude des formes. En botanique, la morphologie comprend l'étude des parties consécutives d'une plante, de leur rapport les unes aux autres et à l'ensemble ; autrement dit l'étude de la structure d'une plante », préface, p. 6.

[83] Vladimir PROPP, Morphologie du Conte, op. cit. : « Les Fonctions », p. 31.

[84] AULNOY, Marie Catherine le Jumel de Barneville, comtesse d', Les Illustres Fées, 1698. La Chatte Blanche, L'Oiseau bleu, album ill. par Etienne Delessert, Grasset, 1989. Dans Les Trois plumes, autre version, c'est une vieille grenouille, jouant un peu le rôle de grand-mère, qui aide le plus jeune des trois fils. Voir Psychanalyse des contes de fées, op. cit., p. 166.

[85] Paul RICŒUR, Du texte à l'action, op. cit., II ch. III, « Qu'est-ce qu'un texte ? », p. 163. De même, Tzvetan TODOROV, dans « Critique du structuralisme » in Devoirs et Délices. Une vie de passeur. Entretiens avec Catherine Portevin, Seuil, 2002, p. 113 : « Le structuralisme ignore le sujet, avec sa liberté et donc sa responsabilité. C'est très bien d'avoir découvert les contraintes venant du langage, ou de la force même de l'art, qui s'exercent à côté des déterminations sociales ou psychiques ; mais cela ne supprime pas la liberté de l'individu — ni, du coup, l'intérêt qu'on peut porter à cet individu. La tentation structuraliste d'étudier l'œuvre, et elle seule, était vouée à l'échec : l'œuvre déborde toujours de tous les côtés. En pratique, on est bien obligé d'isoler des segments ou des perspectives ; mais si l'on réifie cette nécessité pratique au postulat théorique, elle devient nuisible. »

[86] Paul RICŒUR, op. cit., p. 167-168.

[87] Contes russes collectés par Afanassiev, publiés sous forme de recueils entre 1855 et 1864. En font partie les contes de Baba Yaga, sorcière universellement connue en Russie. In Les contes populaires russes réunis par Alexandre AFANASSIEV, trad., introd. et notes de Lise Gruel-Apert, éd. Maisonneuve et Larose, 2000.

[88] Vladimir PROPP, Morphologie du conte, op. cit., p. 36 à 80.

[89] Vladimir PROPP, Morphologie du conte, op. cit., p. 86, et Appendice, p. 146.

[90] Denise PAULME, La Mère dévorante, op. cit. : « Morphologie du conte africain », p. 20.

[91] Denise PAULME, La Mère dévorante, op. cit., p. 21.

[92] René KAËS, La Parole et le lien. Processus associatifs dans les groupes, Paris, Dunod, 1984, p. 8-10.

[93] Claude LÉVI-STRAUSS, Race et histoire, Folio Denoël, 1987 [1e éd., Unesco, 1952].

[94] Françoise SÉRANDOUR, Mémoire de DESS : Des livres pour ceux qui ne savent pas lire, « Pour un projet d'animation culturelle à l'école, en crèche, en bibliothèque », DESS-Cogef, Université de Rennes 2, 1997, p. 35-47.

[95] Françoise SÉRANDOUR, « Le temps de conter et d'échanger paroles et livres. » Objectifs et modalités de l'action culturelle menée autour des livres, de janvier à avril 1997, dans quatre crèches parentales du Finistère. Quimper, 1997. Sur cette expérience de formation, dans le cadre d'un projet financé par la CAF et la DRAC, le rapport cité a été écrit pour la revue professionnelle de l'association des parents des enfants en crèche parentale (ACEPP, organisme national).

[96] « Le temps de conter et d'échanger paroles et livres.», op. cit.

[97] Ettore GELPI : Savoir et découvrir, préface de J.-J. Morne « Une conscience terrienne en formation », Rennes, éd. Les Documents pédagogiques du DESS Cogef, coll. « Questions d'éducation », 1995.

[98] Eric FROMM, Le Langage oublié. Introduction à la compréhension des rêves, des contes et des mythes, Payot, 1989.

[99] Claude LÉVI-STRAUSS, Race et histoire, op. cit., p. 92-93.

[100] Tzvetan TODOROV, « La connaissance de soi au moyen des autres », Le Monde, 27 janvier 1995. Voir aussi « Nous et les autres » de T. Todorov cité par Gloria PONDÉ dans son article « Nouveaux langages du féminin », op. cit.

[101]Marcel MAUSS, Sociologie et anthropologie, préf. « Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss » par Claude Lévi-Strauss, PUF coll. « Quadridge », 1983, [1e éd., PUF, 1950]. « Essai sur le don, forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques » : selon l'anthropologue, le don et contre-don, c'est « donner-recevoir-rendre », mais c'est « aussi qu'on se donne en donnant, et, si on se donne, c'est qu'on se “doit” soi et son bien aux autres », p. 227.

[102] Camille CAMILLERI, Anthropologie culturelle et éducation, Delachaux et Niestlé, coll. « Sciences de l'éducation », Paris, Unesco/Lausanne, 1985.

[103] « Le Conte et le Groupe », in Contes et Divans, op. cit., p. 171.

[104] Les conditions nécessaires à une pratique culturelle liée à la médiation sont, pour Jean Caune, inhérentes au lieu, au temps, à la personne qui est susceptible de transmettre ses savoirs, in Pour une éthique de la médiation, Le sens des pratiques culturelles, op. cit., p. 170. Voir également dans la présente recherche : ch. 1, La Parole, et ch. 3, La Réception.

[105] Étymologiquement l'innovation c'est « introduire du nouveau, changer ». Dans cette notion de « changement », il y a obligation à reconsidérer « les rapports établis dans les lieux d'acquisitions du savoir », in « Propositions pour l'enseignement de l'avenir » par le Collège de France, éditions de Minuit, 1995.

[106] Tayeb SADDIKI, Les Sept grains de beauté. Contes et légendes en dix huit voyages, théâtre, Casablanca, éditions Eddif, 1991, p. 10-12. La première représentation fut donnée au théâtre de la Commune d'Anfa, à Casablanca, le 25 mai 1991.

[107] Tayeb SADDIKI, Les Sept grains de Beauté, op. cit., p. 55.

[108] Roland BARTHES, L'Obvie et l'obtus, in Essais critiques III : « Écoute », « Le Corps de la musique », coll.« Tel Quel », éd. du Seuil, 1982, p. 217-219.

[109] René KAËS, Contes et Divans, « L'étoffe du conte », op. cit., p. 14.

[110] René KAËS, La Parole et le lien, op. cit: : « La formulation large et générale vise à établir comment le sujet psychique, le langage — plus précisément la parole — et le groupe se fondent mutuellement », p. 8.

[111] Daniel COMTE, professeur des écoles, maître-formateur, CRAP (Cercle de recherche action pédagogique), mouvement pédagogique qui publie Les Cahiers pédagogiques. Cahiers pédagogiques, nĄ 385, juin 2000. « Désorganiser le silence », expérience d'« interactivité » par la parole en université.

[112] René KAËS, La Parole et le lien, op. cit. : « Les cas sont fréquents où le groupe est induit en crise par un membre du groupe en raison de la valeur économique que ce transfert accomplit dans la psyché de ce sujet », p. 167.

[113] René KAËS, La Parole et le lien, op. cit., p. 12. Cette pluralité de discours qui est bien plus qu'une pluralité, est appelée ici « interdiscursivité ».

[114] René KAËS, op. cit., p. 226.

[115] Jean-Pierre VERNANT, in L'Orient ancien et nous. L'écriture, la raison, les dieux, op. cit. : « L'allégorie est une espèce de discours , présenté d'abord sous un sens propre, et qui ne sert que de comparaison pour donner l'intelligence d'un autre sens qu'on n'exprime point. » « Le symbole abolit la distance entre le monde sensuel et même intellectuel (comme l'allégorie), et exprime l'unité de l'univers. Le symbole est susceptible d'interprétations variées et tend à être plurivoque. C'est ce qu'est pleinement le mythe. »

[116] Par exemple, nous avons travaillé durant quatre mois à la bibliothèque dans le cadre de l'action « Un conte par samedi ». Et, dans la démarche de l'atelier d'écriture collective, le désordre accepté de ressources polyvalentes sera à organiser en matière ordonnée, construite (à mettre en ordre).

[117] Tzvetan TODOROV, « La connaissance de soi au moyen des autres », op. cit.


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