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Pierre Campion : Changer de monde, changer de vie

Ce travail s'inscrit dans une sŽrie de trois enquêtes :
- Entre les actes 1. La vie des enfants Herbel (1829-1961)
- Entre les actes 2. Changer de monde, changer de vie (1812-1956)
- Entre les actes 3. Enquête sur un mariage (1850-1937)

Mis en ligne le 24 septembre 2018.
© : Pierre Campion.

Sur ce site, voir aussi trois textes de Pierre Campion :
Le 19 germinal, an VII de la République…
Classe 17
Le récit de généalogie, une poétique ?


Entre les actes 2

Changer de monde, changer de vie (1812-1956)

À Jean Le Bihan.

C'est un garçon, que je cherche à insérer dans l'ordre de sa généalogie, entre ses frères et sœur. Il s'appelle Pierre Jean Julien Brindejonc, il est né le 19 mai 1812, à Saint-Père, arrondissement de Saint-Malo, département d'Ille-et-Vilaine, de Julien Brindejonc, charpentier, et de Françoise Juhel, ménagère, deux noms et deux personnes du pays. Son père a déjà 49 ans et sa mère 43. Ce sera le dernier de leurs cinq enfants, une fille et quatre garçons, nés entre 1795 et 1812. Ni Julien Brindejonc, le déclarant de cette naissance, ni les deux témoins, Joseph Abraham, laboureur, et Pierre Després, tisserand, ne signent. Rien que des vies ordinaires et pauvres, restreintes à un territoire petit, mais plutôt singulier : deux populations, de paysans et de marins, intimement mêlées, l'un pouvant être attaché à l'horizon de son bout de champ et son frère capitaine au long cours sur les grands clippers qui contournent les Amériques par le cap Horn. Mais Pierre Brindejonc ne sera ni marin, ni laboureur, ni de quelque profession vraiment identifiable. Il sera quelqu'un.

Comment peut-on se marier à Mexico ?

Tout de suite, la grande base de données de Geneanet m'a donné les mariages et les enfants de ses sœur et frères, tous à proximité immédiate. Mais voilà que Pierre Brindejonc, lui, apparaît comme marié à Mexico City le 27 janvier 1851 avec Claudine Chevy, elle-même originaire d'Auxonne (Côte d'Or). Longtemps je suis arrêté sur cette seule information et sur toutes les questions qu'elle pose, y compris celle d'une homonymie survenue dans la base de données. Puis je découvre qu'ils étaient revenus, lui et sa femme, passer dans la région leurs vieux jours comme on dit, à Saint-Servan. Les actes de leurs décès, respectivement en 1888 et 1883, disent qu'ils étaient propriétaires, qu'ils habitaient place Constantine, et, par ailleurs, une décision du conseil général d'Ille-et-Vilaine l'avait nommé, pour le canton de Saint-Servan, comme membre du jury d'expropriation pour l'année 1880-1881, cela en compagnie de Léonard Bock, son voisin, qui déclarera son décès le 11 août 1888[1]. Y a-t-il brevet plus authentique de notabilité ? Pour aller de Saint-Père au monde bourgeois de Saint-Servan, le fils du charpentier était passé par Mexico : c'était donc l'un des chemins possibles.

Trouvé plus tard par le site de GenOm, il y a un acte de leur mariage, la traduction officielle d'un document original en espagnol, rédigé par un juge mexicain « au nom de la République du Mexique », traduction établie et certifiée bien plus tard à Paris, en 1892… Ils y sont dits domiciliés tous deux rue de l'Indépendance, n° 8. Deux témoins déclarés commerçants à Mexico, dont l'un porte un nom manifestement français. Cet acte porte aussi légitimation des deux enfants nés antérieurement à ce mariage, en 1846 et 1847 : Pierre Hippolyte et Michel Prosper. Peut-être y a-t-il aussi un acte établi au consulat français de Mexico, mais je n'ai pas pu me le procurer.

Que pouvaient-ils bien faire au Mexique, dans la capitale, à une adresse probablement centrale ? Comment y étaient-ils arrivés et quand étaient-ils revenus au pays ? En mars 1872, ils sont encore là-bas, cela est attesté par l'acte de décès de leur fils aîné, Pierre Hippolyte, marin, âgé de 25 ans, acte cette fois dressé au consulat de France : il habitait chez ses parents, toujours à Mexico, rue de l'Indépendance. Et quelles relations, à son retour, Pierre Brindejont entretient-il avec ses frères — sa sœur Françoise est décédée en 1863 — et avec ses nombreux cousins ou neveux ? Aucune mention de lui, que je sache, dans leurs actes à eux : apparemment il n'est pas l'oncle d'Amérique qu'on se plaît à produire comme témoin de mariage ou comme parrain d'un enfant.

En revanche, deux trouvailles, récemment, suggèrent le moment de son départ. Au recensement de 1836, il est compté chez son père à Saint-Père, comme caporal au 13e léger, entendons au 13e régiment d'infanterie légère — soit qu'il soit réellement présent, en permission, soit que l'on recense les militaires dans leur foyer d'origine. A-t-il été incorporé à ses vingt ans, en 1832, comme ayant tiré un mauvais numéro ou comme remplaçant rémunéré pour un malchanceux en état de le payer ? Toujours est-il que le voilà petit gradé, à 24 ans, avec assez d'instruction, d'allant et d'autorité pour commander une escouade de camarades. L'autre renseignement, puisé à l'immense base d'Ancestry, et plutôt sûr, laisse entendre sa présence sur une liste d'arrivants à New York. Le 6 avril 1841, venant du Havre avec d'autres passagers, il débarque du navire Albany. Le nom est légèrement écorché mais le prénom et l'âge assurent que c'est bien lui. Autrement dit, il serait passé des États-Unis au Mexique, ultérieurement. Dans cette liste, nulle mention d'une Claudine Chevy.

Et pour cause. Elle était arrivée au Mexique dès l'été 1830, dans une traversée d'émigrants partie du Havre vers le fleuve Coazacoalcos, un endroit où commençait à s'établir une communauté agricole de Français attirés là-bas dans des conditions douteuses. Cette aventure, à bien des égards désastreuse, est racontée dans un livre qui donne par bateaux les listes des émigrants[2] : dans un convoi d'individus et de familles venus de toute la France — le troisième et dernier convoi —, apparaît Claudine Chevy, 18 ans, couturière, d'Auxonne, qui survivait donc au Mexique quand Pierre Brindejonc y arriva, lui peut-être dix ans plus tard[3]. Comment se sont-ils rencontrés ?

Que cherchaient-ils dans les Amériques et qu'ont-ils trouvé ? De l'or peut-être, comme certains ? Au pays de Saint-Malo, les rumeurs couraient, alimentées par les marins : après tout, une génération plus tard, Jean-Marie Herbel, vingt ans, un garçon de Saint-Père justement, père et mère journaliers, avait débarqué à Melbourne en 1853, ouvert une mine d'or dans l'État de Victoria, épousé une jeune Irlandaise immigrante comme lui et fondé une famille aux nombreux enfants et petits-enfants, toujours là-bas florissante…

En tout cas, Pierre Brindejont et Claudine Chevy pouvaient revenir la tête haute, s'acheter ou construire une belle maison place Constantine à Saint-Servan et faire figure de notables — cette maison existe toujours. Comme beaucoup d'émigrants, Claudine était donc partie dans un groupe, peut-être pour fuir une condition difficile, mais pas forcément misérable : son père était marchand et son grand-père sous-chef des ouvriers à l'École royale d'artillerie d'Auxonne, là où étudia le jeune Bonaparte. Restent, sur le départ de Pierre, beaucoup de questions, et au moins celle-ci : pourquoi et comment avait-il quitté l'armée, peu avant ou après le moment (avril 1840) où son régiment allait être engagé dans la pacification de l'Algérie pendant plusieurs années ? S'il avait été incorporé en 1832, il devait avoir fini son temps et, peu motivé par ce terrain d'opérations ou porté par d'autres rêves, il avait pu ne pas se rengager ou démissionner…

Qu'est-ce que ces deux-là avaient dans l'esprit ? Elle part très tôt, dans une filière d'émigration, peut-être sur une impulsion, et elle persiste en dépit de tout. Il part seul, à près de trente ans, plus réfléchi apparemment. La tête brûlée, est-ce elle ? Sans le percevoir clairement, ils vivent à une époque où de nombreux individus, personnellement, peuvent rêver d'ailleurs et d'une autre vie et où certains tentent de mettre à exécution leur rêve. Encore une trentaine d'années et les uns et les autres, les filles surtout, s'en iront à Paris et s'y marieront, moins loin bien sûr que Pierre et Claudine, pour être femme de chambre ou simple domestique — car toute condition là-bas leur paraîtra préférable, à tort ou à raison. Le mouvement aura changé de signification, ce sera un exode de masse.

Toujours est-il que, la presque dernière fois où je trouve des nouvelles de Pierre et Claudine, c'est dans l'acte de mariage de leur fils Prosper Michel, mariage pour lequel ils ont fait parvenir leur consentement par leur notaire de Saint-Servan.

Cependant la toute dernière surprise viendra des déclarations des mutations par décès de Saint-Servan. Quelques semaines après la mort de Pierre Brindejont en août 1888, sa succession est évaluée à près de 215 000 francs en numéraire, à quoi il faut ajouter plusieurs maisons dont la valeur locative va à plus de 4 500 francs par an. Une fois déduits les cinq legs qui se montent tout de même à un peu plus de 100 000 francs, il reste à son seul héritier, son fils Michel Prosper, une somme de 113 527,53 francs, plus des maisons, qu'il vendit en 1889 et 1890[4]. La somme en numéraire est considérable, pour laquelle le convertisseur de l'INSEE donne, en pouvoir d'achat, 43,8 millions en euro 2017[5] ! Une fortune, gagnée au Mexique, en trente années. Comment ? Le document évidemment n'a pas à le dire.

Un beau mariage…

À Paris, à la mairie du IXe arrondissement, le 20 décembre 1882, Michel Prosper Brindejont, né à Mexico le 17 novembre 1847, épouse Marie, Léocadie, Benita, Joséphine Offenbach (dite aussi Pepita), oui la troisième fille de Jacques Offenbach, le compositeur, décédé deux ans auparavant. L'époux est « capitaine de la marine marchande, domicilié à Paris, 29 rue Caumartin et avant à Saint-Servan, chez ses père et mère » ; elle, chez sa mère, 2 rue de Mogador prolongée.

Quels chemins bien différents mais aussi improbables l'un que l'autre pour en arriver à cette mairie puis, le même jour, à l'église de la Trinité ! D'un côté, un certain Jacob Offenbach, né à Cologne, arrive à Paris en 1833, avec son frère Julius, conduits par leur père, Isaac Eberst. Julius devient Jules et Jacob devient Jacques, un jeune violoncelliste virtuose, qui, peu à peu et à travers de nombreuses péripéties, va conquérir Paris en tant que brillant homme de musique et de théâtre. Il s'était fait baptiser à Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle treize jours avant d'épouser Herminie d'Alcain, à Saint-Roch, le 13 août 1844. Il a quatre filles et un garçon, et quelques autres enfants naturels de plusieurs maîtresses. Si ses œuvres sont bien connues et même l'histoire et la technique de chacune très commentées, rien n'explique ni n'expliquera par raisons déterminantes le cours d'une carrière d'artiste comme celle-là : les origines obscures, les obstacles et les occasions, les amis et les envieux, les triomphes qu'il rencontre auprès d'une bourgeoisie ravie de ces spectacles où elle voit représenter, ironiser et exalter son propre mouvement, les échecs… L'histoire d'un créateur est aussi un combat incertain, jamais gagné, jamais perdu, de son vivant et ensuite.

De l'autre côté, un garçon venu de nulle part, muni d'un titre peu prestigieux — mais sans doute avait-il fait connaître ses espérances —, épouse la fille d'un artiste célèbre et d'une femme issue de la bourgeoisie commerçante de Bordeaux, elle-même fille d'un père espagnol, officier carliste en exil et mort très jeune. Des deux côtés, il y avait du mouvement et de l'énergie, des hasards et de l'intelligence, de l'aventure, mais, à aucun égard, ils n'appartenaient au même monde.

On se prend à imaginer que la rencontre se fit un été à Étretat entre le marin à casquette venu soi-disant du Havre en voisin et les dames Offenbach qui résidaient à la villa Orphée, payée par Offenbach avec les droits d'auteur d'Orphée aux Enfers. Et puis ce garçon sans doute séduisant parlait espagnol, l'espagnol du Mexique, à des femmes entichées de leurs ascendances ibériques et mexicaines plutôt que de l'œuvre d'Offenbach[6]… Quelles circonstances, quels appuis, pour devenir l'un des quatre gendres, les trois autres étant avocat, banquier, artiste peintre ? Quelles négociations ? Quels sacrifices, à commencer par l'absence de ses parents à son mariage ? Les avait-ils dissuadés de venir, ou l'avait-on dissuadé de les faire venir, un homme et une femme usés d'épreuves et d'exotisme obscur ? À moins que ce ne soit exactement le contraire, que ses parents n'aient ni compris ni approuvé ce mariage, et qu'ils aient choisi de ne pas y assister[7]. N'y avait-il pas, à Saint-Servan, quelque héritière bourgeoise qui aurait parfaitement convenu à leur situation ? N'oublions pas que Pierre Brindejont, quelques années plus tard, aura distrait de sa succession, par des legs institués dans son testament muni d'un codicille, presque la moitié de sa fortune en liquide.

« Il n'a pas été fait de contrat de mariage » : les dames Offenbach ne souhaitent pas de garanties autres que celles qu'il leur aura sans doute données. Les témoins sont François Antoine, baron Boissy d'Anglas, député, chevalier de la Légion d'Honneur, Robert Mitchell, publiciste, chevalier de la Légion d'Honneur, Gaston Mitchell, banquier, chevalier de la Légion d'Honneur (les Mitchell, de père anglais familier de l'Espagne et décoré de l'ordre d'Isabelle la Catholique, sont les demi-frères de Mme Offenbach), et Naphtali Mayrargues, banquier, intime de la famille[8]. Aucun témoin du côté du marié, aucun camarade, aucun supérieur à galons dorés…

Mais on ne se marie pas si facilement en France : comme le futur n'a pas présenté d'acte de naissance, il a dû fournir un acte de notoriété dressé le 12 novembre 1861 par le consul de France à Mexico — il avait 14 ans —, acte homologué par « un jugement du tribunal civil de la Seine rendu le 15 de ce mois », moins d'une semaine avant le mariage[9].

Le Figaro et le Gil Blas se font l'écho de la cérémonie religieuse à la Trinité, en notant tous deux la présence de membres de l'Opéra comique, la qualité de la musique et les allusions à celle d'Offenbach. Le nom et la personne du marié ne leur disant rien, ils n'en disent mot. Le Gaulois est plus disert. Sous le titre « Le mariage de Pepita » — un titre d'opérette —, dans une tonalité nostalgique et même mélancolique, un véritable article évoque les fêtes que donnait Offenbach pour les centièmes de ses pièces, « plus illuminées encore par les fusées de l'esprit et les pétards de la fantaisie que par les bougies des lustres », et les noms de ses familiers : Alexandre Dumas, Ludovic Halévy, Gustave Doré… « Où est le temps que nous avions tous vingt ans ou peu davantage, et où l'on se réunissait si gaiement autour de la bonne Mme Offenbach, étalant son écrin d'enfants ! », et de nommer chacune des filles ainsi que leur frère, « ce jeune garçon qui promet de marcher sur les traces paternelles, mais dans le chemin de la musique sérieuse, Auguste Offenbach, dont le duc de Morny voulut être le parrain », Auguste qui devait mourir un an plus tard à 21 ans. Proche probablement de Robert Mitchell qui travaillera plus tard au Gaulois et donc renseigné de l'intérieur de la famille ou même inspiré, le journaliste qui signe Tout-Paris note enfin « les jours de deuil, les séparations qui déchirent le cœur, les plaies que le temps endort, mais ne cicatrise pas ». Certes, « hier, nous avons revu sous ses blancs voiles de mariée la belle Pepita, entre sa mère et ses sœurs ; plus une légion de beaux petits-enfants auxquels on était loin de songer dans les fêtes d'antan. Tout finit ; tout recommence ». Mais la fête a quelque chose de triste et même de funèbre : le nom, l'œuvre et l'époque d'Offenbach ont commencé leur descente aux enfers et ce mariage bizarre en est le signe : pas un mot sur le marié.

Ainsi donc, et moyennant probablement quelques habiletés et humiliations, un garçon revenu du Mexique entre dans un monde qui fait penser — mais en plus cosmopolite — à celui des Verdurin, tel qu'il florissait en ces temps lointains du Septennat, écrit Proust : l'hiver à Paris, l'été sur la côte normande ; un salon ; des banquiers, des avocats et des médecins, des artistes ou assimilés — l'un des témoins, au mariage d'Albertine Offenbach, en 1886, sera Paul Gallimard, architecte, le père de Gaston… Charles Swann, juif et fils d'agent de change, habitant de Combray où il a son côté et ses soirées au jardin de ses voisins, parcourra ce genre de monde-là, après avoir conquis le vrai grand monde, celui du boulevard Saint-Germain, étranger dans les deux. Double incursion, et plusieurs déceptions : en ce siècle, les mondes ne sont plus étanches, il y a place pour l'aventure personnelle, que ce soit par l'intrigue, l'amour, l'argent ou le talent, mais aux risques et périls de l'aventurier. Après tout, la famille Offenbach elle-même venait d'Allemagne et était ouverte à plusieurs pays, à divers milieux, et à des péripéties comme ce mariage bizarre.

Un marin un peu singulier

Prosper Michel Brindejont n'aura jamais manqué d'entregent ni de culot ni même d'un peu de mystère. Ainsi, un rare document de sa jeunesse, procuré encore par Ancestry, nous le donne comme initié à la loge maçonnique de la Césarée à Jersey : cela se passe le 29 novembre 1866. Il n'a pas 20 ans, et il se déclare comme né à Mexico (c'est vrai) et ship owner, armateur (c'est curieux) ! L'indication ne concorde pas vraiment avec les registres de l'Inscription maritime. Inscrit au syndicat de Saint-Servan dès 1863 — il est donc revenu très jeune dans le pays de son père —, il suit le parcours d'un novice puis celui d'un matelot de catégorie 3, la plus basse : des embarquements plutôt au bornage (au cabotage) mais parfois plus lointains, à la Guadeloupe. Il a été appelé et recensé dans sa classe 1867 : parfaitement identifiable dans la liste des conscrits, il est noté comme habitant Saint-Servan, sans plus de précisions. Marin et inscrit maritime, il est dispensé de service militaire ordinaire mais non de servir « sous l'État », comme on dit à Saint-Malo : en 1868, à sa demande, il est « levé pour le service ». Mais aussitôt il est « remplacé », c'est-à-dire qu'il a rémunéré un remplaçant, sans doute avec l'argent de son père.

Régulièrement, et probablement après une formation en hydrographie, le 6 avril 1872 il reçoit son brevet de capitaine au long cours. Mais sur le registre qui devrait énumérer ses emplois, surprise : aucun embarquement désormais. En revanche, quelques lignes signalent trois « permis de séjour », le premier pour le Mexique entre 1872 et 1876 (celui-ci mentionne « un avis de son père », sans doute disposé à l'accueillir chez lui)[10], le deuxième en 1877, à nouveau pour le Mexique, et le troisième pour Paris en 1887, bien après son mariage ! Son dossier porte pour domiciles, en France, Saint-Servan puis, pour 1882, Paris, 30 rue d'Astorg, qui se trouve être l'adresse de son ménage avec Pepita Offenbach. Autrement dit, il reste dans les cadres de l'Inscription maritime comme capitaine au long cours, mais il n'a jamais exercé en tant qu'officier de la marine marchande : c'est pourquoi les échotiers parisiens n'ont aucun état de services à invoquer pour lui, aucun brillant commandement.

Mais à quoi pouvait-il bien s'occuper au Mexique pendant ces années-là ? Aurait-il repris les affaires de son père, dont nous ne connaissons rien ? Cependant tout cela suggère que ses parents ne sont revenus en France que peu avant 1875. De fait, ils apparaissent à Saint-Servan dans le dénombrement de 1876 : le ménage habite encore rue Surcouf, il comprend les deux parents et leur fils Prosper, déclaré comme « capitaine marin » et « français par ses parents » — et ils ont deux domestiques. Prosper est donc là mais, comme on a vu, il repart au Mexique en 1877 : il reviendra pour préparer son mariage. Quant à Pierre Brindejont, il est élu au conseil municipal de Saint-Servan dès janvier 1878 et il sera adjoint au maire de 1882 à sa mort, nouvelles preuves de sa notoriété et d'une retraite active.

Toujours est-il qu'après son mariage Prosper Michel Brindejont apparaît désormais dans les registres du département de la Seine, comme inspecteur des services de santé, chargé des enfants assistés — on lui aura trouvé ce poste. Entre 1892 et 1898, il sera maire d'Étretat — il y a sa rue —, où sont nés plusieurs des petits-enfants Offenbach, où la famille forma au moins l'une de ses alliances matrimoniales, avec celle de Georges Flory, magistrat parisien et lui aussi maire d'Étretat. Quand Prosper meurt, le 14 octobre 1920 (Pepita en 1925), il est déclaré « rentier » et ils habitent rue des Acacias, tout près des Champs-Élysées. Ils avaient les ressources propres de Pepita mais Prosper était riche, par lui-même : il avait pu ajouter à l'héritage de ses parents les fruits de ses propres activités au Mexique. On commence à comprendre pourquoi il préféra ne plus naviguer, même comme capitaine au long cours, et comment ses garanties purent convaincre la famille Offenbach entourée de banquiers.

« Les petits-enfants d'Offenbach »

Prosper Brindejont et Pepita Offenbach eurent deux enfants : Jacques, né en 1883 à Paris et Suzanne, née en 1886 à Étretat. À Paris, en 1911, Jacques Brindejont épouse Yvonne Flory. Cette fois, c'est un vrai grand mariage. Le Figaro raconte l'union religieuse, à Notre-Dame-de-Grâce à Passy, entre « notre confrère M. Jacques Brindejont-Offenbach, fils de M. et Mme Brindejont-Offenbach, avec Melle Yvonne Flory, fille de M. Georges Flory, vice-président au Tribunal de la Seine, maire d'Étretat, et de Mme Georges Flory ». Il évoque la « nombreuse et élégante assistance », nomme les témoins et les quêteurs (à leur tête, Melle Suzanne Brindejont-Offenbach, la sœur de Jacques), et il indique : « Après la cérémonie religieuse, Mme Georges Flory a donné une grande réception. » Voilà Jacques reconnu comme journaliste et la famille Brindejont liée nommément aux Offenbach.

Mais, en 1926, voilà que Jacques divorce et qu'il épouse civilement Sarah Suzanne Ben Nahmias, celle-ci en étant à son troisième mariage. Pour ce faire, avait-il attendu la mort de sa mère, l'année d'avant ?

Trouvant, à juste titre, que Pepita et ses tantes s'étaient désintéressées de l'œuvre et de la mémoire de son grand-père, Jacques Brindejont-Offenbach, journaliste, poète et homme de lettres, sÔy consacra activement. Il publia une biographie de Jacques Offenbach[11]. Surtout, avec sa deuxième épouse, qui avait un talent de chanteuse, il inventa une formule de récital. Quadrillant la France et l'Europe, Jacques proposait une causerie familière sur le caractère et la vie de son grand-père puis Suzanne Brindejont-Offenbach, accompagnée au piano par son mari, chantait des airs des opérettes, souvent le public réclamant tel puis tel de ces morceaux célèbres et faisant le programme. Dans la base de Geneanet, on trouve, pour les années 1930 et rien que pour la presse francophone, plus de soixante-dix annonces ou comptes rendus pour ces récitals[12]. Les organisateurs et les journalistes les appellent « les petits-enfants d'Offenbach », même si l'un se nomme Offenbach par un ajout à son vrai nom — ses actes officiels ne tiennent pas compte de cet appendice — et si l'autre l'est devenue par alliance[13]. C'est comme si, rompant avec une union bourgeoise devenue habituelle dans sa famille, Jacques retrouvait par ce mariage la personne et l'œuvre de son grand-père, et sa propre généalogie juive.

Récemment, Jean-Claude Yon, universitaire spécialiste de l'histoire culturelle de la France au XIXe siècle, s'est attaché à raconter et à analyser « la carrière posthume d'un musicien ou Jacques Offenbach aux enfers », dans un article qui fait une place à Jacques Brindejont :

[…] il faut citer le rôle de Jacques Brindejont-Offenbach, le petit-fils du compositeur. Celui-ci, rompant en effet avec l'inaction de sa famille depuis cinquante ans, s'est donné pour tâche de faire mieux connaître l'œuvre de son aïeul. Il organise des causeries musicales sur son grand-père. Jacques Brindejont-Offenbach est presque plus sollicité à l'étranger qu'en France car l'intérêt, pour Offenbach, durant ces années 1920 et 1930, est particulièrement marqué dans le monde germanique. L'Allemagne de la République de Weimar et l'Autriche nostalgique de son ancienne grandeur trouvent dans son répertoire des résonances avec leur actualité troublée[14].

C'est ce que Jean-Claude Yon appelle le retour d'Offenbach au pays natal, un nouveau voyage, inverse et inattendu. Et de citer en exemple les nombreuses lectures publiques de l'écrivain autrichien Karl Kraus, celui-ci chantant et lisant tous les rôles de quatorze ouvrages d'Offenbach, à Vienne et dans le monde germanique… Or, en 1930, pour le cinquantième anniversaire de la mort d'Offenbach, au cours d'une tournée qui les mène de Berlin à Vienne, Jacques et Suzanne participent à une conférence de Karl Kraus[15]. En même temps que l'amour, Jacques avait trouvé l'idée de ces tournées, et Suzanne une notoriété de petite-fille d'Offenbach. De cette époque date une affiche de Jean-Gabriel Domergue qui la magnifie en chanteuse flamboyante[16].

Ainsi le fils d'un gendre peu glorieux fut-il, dans la famille, le vrai défenseur d'un artiste tombé aux enfers de l'oubli : le narrateur de son personnage, le sauveur d'une partie de ses archives et le propagandiste de son œuvre.

Jacques avait eu un fils de son premier mariage : Michel Jacques Pierre Brindejont, ingénieur, né à Étretat en 1912, décédé en Angleterre en 1987, auprès de sa troisième épouse. Michel, comme son grand-père né au Mexique ? Jacques, comme son père et son illustre arrière-grand-père ? Pierre, comme son autre arrière-grand-père Brindejonc, parti du Havre à la conquête de l'Amérique ? Rien n'indique qu'il eut un lien avec l'œuvre du compositeur. S'il l'a su et s'il l'avait voulu, il aurait pu assister au retour en grâce de Jacques Offenbach et même à sa reconnaissance comme un précurseur de la modernité.

Le 21 juin 1830, quand le navire la Diane s'éloigne du Havre, la toute jeune Claudine Chevy ne peut pas imaginer les mésaventures qu'elle va connaître tout de suite là-bas, ni que, cinquante ans plus tard, elle vivra à Saint-Servan une existence bourgeoise, ni que, cent ans plus tard, ses petits-enfants parcourront la France et l'Europe sous l'appellation journalistique et romanesque de petits-enfants d'Offenbach — de ce Jacques Offenbach qui arrivait à Paris à peu près au moment où elle quittait la France.

Jacques Brindejont et Sarah Suzanne Ben Nahmias auront passé le flambeau de la défense et illustration d'Offenbach à deux de leurs petits-neveux, arrière-petits-fils de Berthe Offenbach, la fille aînée du compositeur[17]. L'un s'appelle Jacques Comte-Offenbach. En 2000, à Brest, quand il vient parler du compositeur, Le Télégramme le décrit en ces termes : « Un petit look à la Trenet, sans le chapeau, l'œil volontiers malicieux, superbe dans un tee-shirt bleu (une couleur fétiche chez les Offenbach), il défend avec véhémence la musique de son ancêtre. » L'autre est son cousin Jacques Bourdon, qui fut invité en 2016 par Benoît Duteurtre sur France Musique pour évoquer une fantaisie lyrique sur des musiques de Jacques Offenbach, créée au festival d'Étretat le même été. Ils sont toujours là, les descendants de Jacques Offenbach, comme pour réparer les méconnaissances de la deuxième génération et honorer l'aventure d'un créateur.

 

Par les moyens éprouvés des archives, à travers les grandes bases modernes de données et les ressources inopinées de l'Internet, grâce aussi à des organismes bienveillants, nous savons beaucoup de choses sur ces existences, d'autant que celles-ci nous sont proches dans le temps : là nous ne sommes plus chez les marins de la Rance partis à la découverte du Canada sous le commandement de Jacques Cartier. Mais combien de leurs actions essentielles nous échappent, que peut-être l'avenir nous apprendra… Ainsi les affaires de Pierre Brindejont et de son fils Prosper.

En fait rien de plus rebelle à l'investigation, rien de plus obscur à percer ni rien de plus fascinant que le désir même de changer de vie et la volonté déployée par quelques-uns pour réaliser un rêve. Que savons-nous de ces vies, des passions qui les animèrent, des événements, des doutes et des désespoirs qui les traversèrent ? Telle est la question qui nous porte vers cet inconnu que nous tentons de circonscrire mais qui demeurera, même après de nouvelles découvertes.

Relever le nom d'Offenbach, tombé en quenouille à peine inventé par Isaac Eberst à Cologne et illustré à Paris par son fils, cela en adjoignant ce nom à son nom personnel et légal, le défendre partout avec une femme talentueuse et probablement aimée — parce qu'elle chante Offenbach ? À vrai dire, Jacques Brindejont ne change pas de monde ; il se trompe de monde, il agit en aristocrate : comment peut-on se désintéresser de la mémoire de Jacques Offenbach, laisser se perdre ses archives, son œuvre, et son nom ?

Si la famille Offenbach pouvait peut-être trouver un intérêt patrimonial au mariage de Pepita, pourquoi, de son côté, Prosper Brindejont cherchait-il une reconnaissance dans une famille du monde fascinant des artistes ? Lui aussi il cherchait à changer de vie : il trouva une autre forme de la bourgeoisie et finit fonctionnaire du département de la Seine. Mais aussi, de l'autre côté, pourquoi donner Pepita à cet inconnu venu littéralement d'ailleurs, et aux intentions peu claires ? Comment, dans cet événement symbolique, s'abolit le monde que fit briller brièvement le génie d'un artiste ? Voilà bien les questions qui troublent jusqu'au sein de cette famille et dont Le Gaulois se fait le confident plus ou moins explicite. C'est aussi les questions que nous nous posons et qui n'ont pas de réponse.

Et puis, quelle force peut bien animer Pierre Brindejont et Claudine Chevy, des personnes de la basse classe, appliquées à réaliser leur rêve d'une vie autre, qui ne peut être que fortunée ? Quelle énergie à porter ce rêve jusqu'à un point longtemps espéré, c'est-à-dire jusqu'à la consécration d'un retour remarqué au pays — jusqu'à la preuve concluante de leurs vies d'émigrants, la belle maison de la place Constantine ? Certes, Jean-Marie Herbel (Saint-Père, 1833-Diamond Hill Australie, 1909) ne revint pas au pays. Mais, quand il se construisit là-bas une belle maison modern style, il l'appela « Saint-Malo ». Elle existe toujours, au 505 Hargreaves street, Bendigo, et une photo (dans son dossier d'Ancestry) donne à voir un John et un Kevin Herbel posant devant elle au soleil, en 2010.

On le sait, tout désir procède d'un manque, fût-ce celui d'une maison. Le désir d'une autre vie va très loin parce que c'est l'existence qui est en jeu, et qu'il implique le désir d'un autre monde. C'est ce vide-là qui nous retient dans son tourbillon, à chercher des raisons.

Pierre Campion



[1] L'autre déclarant de ce décès est Jean-Baptiste Moreau, teinturier et propriétaire, autre voisin, remarié en 1867 à Saint-Servan après avoir perdu sa première femme, une Mexicaine, du côté de Vera Cruz. Un compagnon de l'aventure mexicaine.

[2] Jean-Christophe Demard, Émigration française au Mexique, Dominique Guéniot éditeur, Langres, 1995. Il reprend des fiches conservées aux archives départementales de la Seine-Maritime.

[3] Cf. Jacques Penot, « L'expansion commerciale française au Mexique et les causes du conflit franco-mexicain de 1836-1839 », article du Bulletin hispanique, année 1973 75 1-2, p. 190, reproduit dans Persée : « En 1831, les malheureux colons français ne trouvent aucune protection auprès des autorités mexicaines. Abandonnés, épuisés, malades et sans ressources, beaucoup sont rapatriés par les navires de commerce et les bâtiments de guerre français. » L'auteur précise : « Recrutés par des sociétés françaises, six cents colons cultivateurs et artisans, presque tous Français, arrivent au Mexique en 1830 pour mettre en valeur certains territoires le long du fleuve Coantzacoalcos », et il décrit des conditions lamentables. Apparemment, Claudine Chevy ne demanda pas à être rapatriée.

[4] Sur les divers domiciles de Pierre Brindejont à Saint-Servan et sur ces transactions, je dois beaucoup à M. Yves Berthier, de la Société archéologique de Saint-Malo, et à Mme Tiphaine Colas, secrétaire des Archives de Saint-Malo.

[5] Cette table de conversion des monnaies part de 1901 mais on peut estimer qu'il n'y a pas eu d'inflation entre 1888 et 1901. Cette somme provient principalement des titres de l'Etat détenus par Pierre Brindejont. Trois legs importants, deux de 35 000 francs et un de 25 000, vont à deux neveux et une nièce, preuve que Pierre Brindejont avait renoué avec au moins une partie de sa famille. Son fils Michel Prosper est représenté par Jean-Baptiste Moreau, le compagnon du Mexique. Comme mandataire, celui-ci signe le document qui acte cette succession, évaluations et frais.

[6] Une grand-mère d'Herminie d'Alcain, en Espagne, porte exactement les mêmes nom et prénom qu'une noble personne, au XVIIIe siècle, au Mexique.

[7] À l'époque, un majeur de plus de trente ans pouvait se passer du consentement de ses parents pour se marier, moyennant une procédure compliquée et des plus humiliantes pour les deux parties.

[8] À la mort d'Offenbach, Naphtali Mayrargues avait été désigné comme subrogé tuteur d'Auguste, le fils mineur du compositeur. Source : Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, Gallimard, 2000, p. 629.

[9] On a bien un acte de naissance de Michel Prosper Brindejont, établi par la légation française de Mexico, mais sous la forme d'une copie délivrée à Paris le 29 mai 1912… À son adolescence, et pour préparer le retour en France qui eut lieu en effet vers ses seize ans, son père aura pu demander pour lui le document de notoriété délivré par une autorité française, dont il est question dans son acte de mariage.

[10] Prosper revient donc à Mexico quelques semaines après la mort de son frère aîné Pierre Hippolyte. Peut-être aussi remplace-t-il désormais celui-ci dans les affaires de son père.

[11] Jacques Brindejont-Offenbach, Offenbach, mon grand-père, Plon, 1938, réédité en 1940. Le livre porte en exergues une phrase de Goethe, « Ceux-là seuls sont éternels qui furent complètement expressifs de la mentalité de leur époque », et une autre, de Stendhal : « L'Opéra-Bouffe est le chef d'œuvre de l'esprit humain. »

[12] Ainsi la Gazette de Lausanne du 23 novembre 1931, sous le titre « Offenbach vous parle », détaille-t-elle le talent de Jacques Brindejont-Offenbach à dessiner « le portrait souriant de l'inventeur de l'opérette » et l'aisance de Suzanne, que le journaliste compare à Yvette Guilbert, en regrettant que le public n'ait pas été plus nombreux…

[13] Une ambiguïté de nom pouvait naître entre cette deuxième épouse et la sœur de Jacques, elle aussi Suzanne Brindejont-Offenbach. Celle-ci avait épousé en 1917 un officier anglais.

[14] Jean-Claude Yon, « La carrière posthume d'un musicien ou Jacques Offenbach aux enfers », dans la revue Histoire Économie et Société, 2003, n¡ 2, p. 267-268. Reproduit dans Persée. Sur ces lectures publiques de Karl Kraus et leur signification politique, voir aussi un article de 2008, par Marina Allal.

[15] Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, ibid., p. 656-657. Cette biographie détaille la conquête de la gloire, puis le passage d'Offenbach aux enfers, et enfin son retour à la lumière.

[16] Dans Comœdia n° du 18 mai 1932, on trouve un reportage sur la création de cette affiche, accompagné d'un dessin inédit du peintre, « Quand Jean-Gabriel Domergue écoute chanter Suzanne Brindejont-Offanbach et contemple les souvenirs du grand compositeur » : « Dans un salon qui donne sur la Seine à Neuilly. Il y a, sur la cheminée, un buste de Jacques Offenbach qui domine la pièce. […] Un chant s'achève ; c'est, déchirante, la lettre de la Périchole […] » (source procurée par Jean-Claude Yon).

[17] Sarah Ben Nahmias est morte en novembre 1956, quelques jours après Jacques Brindejont, à Nice où ils habitaient. Sa mère, son frère et le fils qu'elle avait eu de son deuxième mariage avaient été tués à Auschwitz en mars 1944.

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