Corrigé d'une composition française par François-Marie Mourad.
Mis en ligne le 11 décembre 2008.
© : François-Marie Mourad.
Composition
française
Sujet :
« Et si, dans la soumission de l'accueil naïf, dans l'empathie de la première écoute, je coïncide très étroitement avec
la loi de l'œuvre, la conscience que je gagne de cette loi, à travers son étude
objective, me met en mesure de la contempler du dehors, de la comparer à
d'autres œuvres et à d'autres lois, de former sur l'œuvre en question un discours qui ne sera plus la simple
explicitation du discours immanent de l'œuvre ».
Jean
Starobinski, Le Sens de la critique,
in L'Œil vivant II. La Relation critique,
Gallimard, 1970, p. 15.
L'écart
du liseur au critique littéraire est-il fondamental ou mesurable en terme de
degrés, ontologique ou relatif, nous conduit-il du ludique au sérieux, de
l'intuition à la compréhension, ou marque-t-il un divorce radical entre deux
régimes d'appréhension des textes ? Lequel est authentique, lequel
factice ? Cette distinction n'a peut-être pas lieu d'être et Jean
Starobinski, au cœur des débats sur la critique qui ont agité l'intelligentsia dans les années 1960-1970,
prend le parti de la conciliation en proposant une solution de continuité entre
le lire et le dire : « Et si, dans la soumission de l'accueil naïf,
dans l'empathie de la première
écoute, je coïncide très étroitement avec la loi de l'œuvre, la conscience que
je gagne de cette loi, à travers son étude objective, me met en mesure de la
contempler du dehors, de la comparer à d'autres œuvres et à d'autres lois, de
former sur l'œuvre en question un
discours qui ne sera plus la simple explicitation du discours immanent de l'œuvre ». Le propos, très
harmonieux, mimétique de l'effet à atteindre, postule une destination
singulière et régulière de la
réception de l'œuvre à la production du sens, et une fidélité, une confiance devrait-on dire, à faire
émerger des régularités, aussi bien celles du texte soumis à mon bon vouloir
que construites autour de lui, parce qu'il produit forcément son écho dans un
hors-texte, celui des significations mouvantes au sein du vaste champ du
savoir. C'est à un structuralisme rédimé qu'il nous est demandé
d'adhérer : si les mots « discours », « loi de
l'œuvre », « conscience », « étude objective »
connotent l'organisation, le processus et la maîtrise, la syntaxe progressive
d'une phrase toute en nuances — notamment par le jeu subtil des
prépositions — oriente l'attention vers des correspondances, des
« coïncidences » non mécaniques, quasi baudelairiennes. Par
précaution, nous devons résister au charme de cette envoûtante formule et nous
demander s'il ne s'agirait pas, in fine, d'une fiction critique. Tout d'abord nous devons reconnaître précisément
les concepts que la réflexion de Jean Starobinski adjoint pour les faire servir
à un même projet, ce qui revient à nous interroger sur le rapport de l'œuvre
aux discours, ceux qu'elle tient comme ceux qu'elle suscite, avant d'étudier
les éventuelles modalités de leur correspondance. Et, pour faire bonne mesure,
nous devons avant tout établir la complexité du phénomène usuel de la lecture,
pour justifier la possibilité, la nécessité,… ou la fatalité de la critique.
La conciliation
entre lecture et commentaire, supposée acquise par Starobinski, n'est pas une
évidence, elle prend plutôt les allures d'une réconciliation sur laquelle il faut s'interroger, d'autant que le
postulat de l'auteur lui-même repose sur une distinction entre la lecture et
l'étude. La première approche du livre est précautionneuse, délicate, patiente.
Si l'on se fie au style et aux mots — « soumission de l'accueil
naïf », « empathie de la
première écoute », coïncidence — elle désigne une posture plus qu'un postulat : quasi
effacement de l'individualité du lecteur, disponibilité, presque une
disparition… Ces indications entrent dans une stratégie argumentative. Elles
prétendent ne pas dissocier la critique méthodique de la lecture la plus
authentique (réclamée par les écrivains), elles réduisent un écart souvent
signalé au profit de l'une (la lecture) et au détriment de l'autre (la
critique). La première est réputée libre, autonome, désirante, introjective et
ludique, la seconde se serait complètement détachée de ce qui lui donne
pourtant naissance, insoucieuse de son objet,
irrespectueuse, proliférante et gratuite, voire nuisible. Le débat est ancien
entre les Homères et les Artistarques, entre les poètes et leurs censeurs,
« qui ont le goût difficile » (La Fontaine, Fables, II, I). Il fut toujours vivace, et dans son William Shakespeare, Hugo, profondément
indigné de la médiocrité des scoliastes, dresse contre eux un réquisitoire
épique et naturalise la distinction des régimes de lecture dans un chapitre
intitulé « Zoïle aussi éternel qu'Homère ». Et, dans un langage
forcément plus coloré et sonore que celui, plus proustien, de Starobinski, il
établit de mêmes règles pour la lecture : « N'espérez donc aucune
critique. J'admire Eschyle, j'admire Juvénal, j'admire Dante, en masse, en
bloc, tout. Je ne chicane point ces bienfaiteurs-là. Ce que vous qualifiez
défaut, je le qualifie accent. Je reçois et je remercie. Je n'hérite pas des
merveilles de l'esprit humain sous bénéfice d'inventaire. À Pégase donné, je ne
regarde point la bride. Un chef-d'œuvre est de l'hospitalité, j'y entre chapeau
bas ; je trouve beau le visage de mon hôte ». Puisqu'il ne s'agit
pas, pour nous, de parler de la lecture d'une part et de la critique de
l'autre, remarquons qu'en stigmatisant cette distinction, Hugo se pose
néanmoins en grand critique littéraire
et son livre, écrit en réaction à la critique courante, journalistique mais
surtout académique, est un chef-d'œuvre de ce que l'on appellera plus tard la
critique des beautés, à laquelle Starobinski et l'école suisse (Albert
Thibaudet, Albert Béguin, Marcel Raymond…) donneront carrière. Si elle est
sensible à la « loi de l'œuvre », elle entend par là une sorte de
donnée autotélique, un foyer de chiffrement, une puissance d'engendrement
débarrassés des considérations aporétiques sur l'auteur et le monde —
l'autogenèse ou la « création de soi par soi ». Se trouve ainsi
évacués, par la grâce d'une expression flaubertienne et/ou mallarméenne, moderne et littérairement correcte, les écueils du biographisme et de la
théorie du reflet, de la critique « externe ». La « loi de
l'œuvre » désigne, par consensus, la littérarité motivée et immanente.
L'expression est assez large pour réunir des projets aussi différents que ceux
de Michael Riffatere (d'inspiration stylistique), de Charles Mauron
(psychocritique) ou de Jean-Pierre Richard, qui détecte par exemple dans L'Univers imaginaire de Mallarmé
« un schème essentiel, celui de la négation féconde, de
l'anéantissement créateur ».
N'est-ce pas,
paradoxalement, l'incontournable Sainte-Beuve qui, le premier, a ouvert la voie
à cette critique d'identification, souple, insinuante et mimétique ? À de
nombreuses occasions, le « prince des critiques » du XIXe
siècle, qui fut d'abord poète, décrit une méthode de lecture effectivement osmotique : « L'esprit critique est
de sa nature facile, insinuant et compréhensif. C'est une grande et limpide
rivière qui serpente et se déroule autour des œuvres et des mouvements de la
poésie, comme autour des rochers, des forteresses, des coteaux tapissés de
vignobles, et des vallées touffues qui bordent ses rives » (1830, préface
à la deuxième édition de Joseph Delorme).
Cette rhétorique paysagère peut surprendre aujourd'hui, mais elle a signalé en
son temps l'originalité d'une approche nouvelle du commentaire, sa vocation littéraire en quelque sorte. Débarrassée
des modèles académiques, extraite du carcan de l'éloquence épidictique, séparée
nettement des genres et des registres mondains du portrait, de l'éloge et du
blâme, la critique, avec Sainte–Beuve, s'est inventée dans la dépendance
de la lecture érudite mais toujours aimable et bienveillante, du moins dans les
principes : si la subjectivité et l'étroitesse du goût menacent forcément
la faculté de juger, ce désaveu n'invalide pas les fondements de la
méthode : imprégnation lente, approche oblique, inspiration. La
conséquence prévisible de cette phénoménologie de la perception est peut-être
le redoublement de la création, sa continuation par le critique. Sainte-Beuve
ne l'a pas nié : « Je pense sur la critique deux choses qui semblent
contradictoires et qui ne le sont pas : 1. Le critique n'est qu'un homme qui sait lire, et qui apprend à lire aux autres. 2. La critique,
telle que je l'entends et telle que je voudrais la pratiquer, est une invention, une création perpétuelle » (1852, Derniers portraits littéraires). La position a le mérite de la
clarté programmatique et désigne peut-être la limite ou le péril, hâtivement
repoussé, de la méthode prônée par Jean Starobinski : son impensé. Le critique contemporain, s'il
revendique le postulat phénoménologique, n'accepte pas les conséquences de
l'empathie du sujet lisant : la rêverie, l'inspiration propre, l'écriture
sous influence pleinement littéraire. Ou bien il les écarte en refusant de les
mentionner.
Ce peut être pour nous un sujet d'étonnement, puisqu'un mouvement naturel semble ici ignoré, freiné ou
refoulé. Sainte-Beuve assumait plus franchement cette filiation. « J'aime, écrivait-il, que la critique soit une émanation des livres. » Jean-Pierre
Richard, dans un commentaire célèbre de cette « méthode »,
précise : « Le discours critique prolongerait donc en lui la parole
de l'œuvre. Il en serait — métaphore ici familière — le parfum ou
le nuage. Il formerait comme une couche de littérature seconde, indéfiniment
continuée à partir de la littérature première. »
Les mots et
expressions utilisés par Starobinski — « conscience »,
« loi de l'œuvre », « comparer »… —, et le jeu sur
les prépositions (la préférence marquée pour le « sur », comme
dépassement du « de ») sont des antidotes contre cette logique ou
plutôt cette rhétorique de l'émanation, contre la tentation de confondre
littérature, lecture et critique littéraire. La modernité — scientisme ou
structuralisme — est passée par là. La critique littéraire, prenant
conscience d'elle-même au XIXe siècle, a commencé à vivre sous le
règne d'un partage ou d'un dialogue un peu schizophréniques, propres à toutes
les sciences humaines, entre les aspirations à une scientificité plus ou moins
référée aux modèles des sciences exactes et la reconnaissance de la
subjectivité humaine irréductible, autant celle qui s'incarne dans l'œuvre que
celle qui l'appréhende. Wilhelm Dilthey, approfondissant les intuitions de
F. Schleiermacher (Hermeneutik,
1838) et de H. G. Droysen (Grundriss
der Historik, 1858), a postulé l'autonomie des « sciences de la
réalité humaine, historique et sociale » et proposé une distinction
épistémologique, reprise par Max Weber, entre l'explication et la
compréhension. Starobinski se situe dans le sillage de cette herméneutique. Son
essai sur la critique s'ouvre sur des justifications de la théorie et de la
méthode et vise à clarifier les concepts de la « recherche
compréhensive ». L'idée du trajet
corrige ce que les métaphores géographiques de Sainte-Beuve pouvaient avoir de
préscientifique. La rigueur et la continuité réflexive sont préférées à
l'impressionnisme : « Certes, l'on ne saurait en rester au cas particulier d'une œuvre ou d'un
auteur, pour lesquels il faut bien que la parole critique s'instruise et
s'ajuste de façon à offrir, au gré des circonstances, le complément réflexif le
plus adéquat. L'on ne peut réduire la méthode à un tâtonnement intuitif, variable
selon les occasions, et orienté par la seule divination ; il ne suffira
pas d'apporter à chaque œuvre la réponse spécifique qu'elle semble attendre. Ce
serait restreindre la critique au rôle d'écho sensible, de reflet
intellectualisé, docile à la séduction singulière de chaque lecture. La
critique, oublieuse de l'unité finale vers laquelle elle doit tendre,
s'abandonnerait ainsi aux sollicitations infinies de la multiplicité des formes
qu'elle rencontre sur son chemin. » En même temps, l'oscillation intellectuelle
marquée par la variation stylistique entre la « compréhension » et la
« contemplation » théoriques réintroduit un doute sur la destination
de la critique, un doute qui rejaillit sur la démarche elle-même, si subtile et
réconciliatrice qu'elle masque des apories. Peut-on serrer de plus près la ou
les spécificités de la critique littéraire ?
La première
question à régler est celle de la relation à l'œuvre. Certains, comme on l'a
pressenti, postulent une dépendance absolue et euphorique. La « soumission »
du lecteur renvoie à l'autotélisme de la création artistique, dans une sorte de
fusion mystique. En lisant en écrivant
désignent un régime commun, invasif et dilaté de la personnalité littéraire,
comme le postule Julien Gracq : « Le secret d'une œuvre réside bien
moins dans l'ingéniosité de son organisation que dans la qualité de sa
matière : si j'entre sans préjugé dans un roman de Stendhal ou un poème de
Nerval, je suis d'abord et tout entier seulement odeur de rose, comme la statue de Condillac — sans yeux, sans
oreilles, sans perceptions localisées —, et par là l'œuvre d'art me livre
son caractère opératoire distinctif, qui est d'occuper immédiatement et sans
différenciation aucune toute ma cavité intérieure, à la manière d'un gaz qui se
dilate. Révélant ainsi sa totale élasticité, et l'immanence impartagée de sa
présence vraie : non subdivisable, parce que sa vertu réside tout entière
dans chaque particule. » Remarquons que beaucoup d'écrivains, à l'instar
de Julien Gracq, exaltent la lecture pour mieux discréditer la critique
professionnelle. Ils maintiennent, dans leur propre pratique, une sorte de
distance incommensurable avec cette corporation et tracent une frontière
infranchissable. Si critique il y a, elle ne peut être qu'inspirée, de même
niveau que la création, ou, comme le postule Baudelaire, « partiale,
passionnée, politique, c'est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au
point de vue qui ouvre le plus d'horizon ». Dans son Salon de 1846, Baudelaire pose d'abord la question : « À
quoi bon la critique ? » Il répond qu'elle est inutile au bourgeois
obtus, puisqu'il « ne veut ni peindre ni rimer », et que l'Art n'en a
que faire, « puisque c'est de ses entrailles que la critique est
sortie ». La critique, après qu'ont été écartés le destinataire et la
fonction, n'a plus qu'à devenir un genre à part entière, doté de son
coefficient de littérarité : « Je crois sincèrement que la meilleure
critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide
et algébrique, qui, sous prétexte de tout expliquer, n'a ni haine ni amour, et
se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament ; mais, —
un beau tableau étant la nature réfléchie par un artiste, — celle
qui sera ce tableau réfléchi par un esprit intelligent et sensible. Ainsi le
meilleur compte rendu d'un tableau pourra être un sonnet ou une élégie. »
Même si l'on resitue ce propos dans le contexte de la chronique journalistique
du temps et des bien nommées Curiosités
esthétiques, insolentes et provocatrices, il nous invite à nous interroger
sur la critique d'auteur, manifestement exclue du propos de Starobinski.
Le cas de
Baudelaire est intéressant, puisque cet écrivain est réputé avoir réalisé la
fusion de l'activité créatrice et de la dimension critique, comme l'a
évidemment remarqué un Paul Valéry très sensible à cette tradition proprement
classique dans laquelle lui-même se situe : « Classique est l'écrivain qui porte un critique en soi-même, et qui
l'associe intimement à ses travaux » (Situation de Baudelaire, conférence du 19 février 1924, reprise
dans Variété). Le champ de la
critique littéraire — mais tout aussi bien musicale, picturale,
architecturale… — est alors considérablement exalté et sa valeur est
rehaussée, puisqu'il peut inclure des poèmes
comme Les Phares ou Une gravure fantastique, des
descriptions de tableaux comme dans L'Œuvre
de Zola, des pastiches (Proust),
des visites guidées comme dans Le Paysan
de Paris, des Fictions (Borges)…
des rencontres, des dialogues, des échanges entre les artistes, autant d'interactions qui transcendent
les distinctions que cherche à établir Starobinski, en se situant dans l'espace
circonscrit de la critique professionnelle professorale. Même si l'on se tient
ici à distance de cette prétendue critique artistique inscrite dans la
création, force est de constater que la critique des créateurs met à mal la
prudente et modeste objectivité prônée par Starobinski. Nous avons déjà évoqué William Shakespeare de Victor
Hugo : dans son appréhension romantique du génie, inspirée des
considérations de Chateaubriand sur les génies-mères, l'ouvrage, par sa
lucidité comme par son exubérance inspirée, tranche brutalement avec tout ce
que l'on connaît, et en particulier, à cette époque, avec la méthode
historico-allégorique et l'érudition qui triomphent dans la philologie. C'est
le statut du discours second sur la littérature qui est en débat. Ce que
beaucoup d'écrivains ont reproché aux critiques, c'est de méconnaître, par
nature, par manque, par impuissance constitutive, la « loi de l'œuvre »,
sa « poétique insciente » (Flaubert), et un reproche récurrent qui
oblige parfois les artistes à prendre la plume pour se justifier et faire la
leçon aux doctes, comme Corneille dans ses Discours,
Racine dans ses préfaces ou Molière dans sa Critique
de l'École des femmes. Le critique est l'artiste raté et l'artiste le
critique accompli. Le paradoxe de la position adoptée par les écrivains
eux-mêmes, pour pallier les incompréhensions ou les aberrations d'insuffisants
lecteurs, est qu'elle témoigne à la fois d'une lecture personnelle plus
authentique et d'une compréhension intellectuelle plus exacte. Zola, par
exemple, qui commence sa carrière dans les lettres en 1864-1865, comme chef du
service de la publicité chez Hachette puis chroniqueur dans la presse, discerne
assez vite, sous le flot envahissant des publications contemporaines, les
tendances essentielles de la modernité. Il propose par exemple un compte-rendu
saisissant du roman des frères Goncourt, Germinie
Lacerteux, aux lecteurs éberlués du Salut
public de Lyon (le 24 février 1865, texte repris dans Mes Haines) : « Je dois déclarer, dès le début, que tout
mon être, mes sens et mon intelligence me portent à admirer l'œuvre excessive
et fiévreuse que je vais analyser. Je trouve en elle les défauts et les
qualités qui me passionnent : une indomptable énergie, un mépris souverain
du jugement des sots et des timides, une audace large et superbe, une vigueur
extrême de coloris et de pensée, un soin et une conscience artistiques rares en
ces temps de productions hâtives et mal venues. » C'est alors ainsi, sous
la forme du manifeste esthétique en faveur de l'avant-garde, que l'on pratique
la critique moderne, « avant-courrière ». Mais, si l'on isole de
cette déclaration le mouvement réactif et offensif, et la dynamique énonciative
marquée par une stylistique intensive, que remarque-t-on ? Même s'ils sont
exaltés, les « sens » et l'« intelligence », c'est-à-dire
une saisie de l'œuvre qui débouche sur une analyse.
Dans sa démarche
de lecture, Zola se distingue très nettement à la fois des
« plaisantins » de la critique et des professeurs. Tout au long de sa
carrière de journaliste spécialisé, il a en vue la grande critique
« méthodique et naturaliste » incarnée par le Sainte-Beuve classificateur
et par Taine, il préconise une méthode et, quoique grand créateur, ne mélange
jamais les régimes d'écriture. Il dénonce par exemple les
« entortillements critiques » de la méthode introjective, sa tendance
au pastiche : « Sainte-Beuve, qui dans l'étude sur Théophile Gautier
a défendu ce que j'appelle l'entortillement critique, l'opinion cachée sous les
guirlandes de la phrase, émet ici une autre théorie : selon lui, le
critique, en jugeant un écrivain, doit prendre le ton de son modèle. Pour moi,
cela enlève toute hauteur au jugement rendu » (Documents littéraires, 1879). Il faut viser à une vérité durable du
jugement esthétique, discerner les tendances à l'œuvre dans ses textes, demander des comptes à l'écrivain sur
ses conceptions personnelles, interroger son rapport au monde. En tant qu'homme de lettres, Zola n'est
évidemment pas insensible aux choix esthétiques de ses confrères, il les
perçoit même mieux que beaucoup d'autres, mais il refuse de s'en tenir là, il
se place à un point de vue supérieur et global, il se met en quête de lois et
pratique une critique d'inspiration sociologique. À ce titre, il dénonce des
mythes, notamment ceux de la création inspirée et de l'indifférence au réel.
Pour lui, même avec quelques réticences parfois, il faut donner raison à Taine
qui déclare dans l'introduction à l'Histoire
de la littérature anglaise qu'« on a découvert qu'une œuvre littéraire
n'est pas un simple jeu d'imagination, le caprice isolé d'une tête chaude, mais
une copie des mœurs environnantes et le signe d'un état d'esprit », et,
dans la préface aux Essais de critique et
d'histoire, que « les choses morales ont, comme les choses physiques, des dépendances et des conditions ».
On lui fait d'ailleurs généralement grief de cette double spécialité — de
théoricien et de romancier — pour en dénoncer les inéluctables
discordances, les incompatibilités. Mais, allant peut-être plus loin que
certains de ses confrères, dans les deux champs, il a compris à la fois la
situation de la littérature et la fonction de la critique. Il a dénoncé le
dangereux repli des écrivains sur la littérarité, le manque d'ouverture aux
sciences et il a fait remarquer que toute critique obéit à des préceptes,
conscients ou inconscients, en même temps que toute activité de production
symbolique renvoie à son époque, même si ce n'est pas sous la forme d'une
« copie », comme le dit un peu naïvement Hippolyte Taine.
La critique
littéraire désigne une instance sociale médiatrice, elle exerce des fonctions
signalétiques, normalisatrices et didactiques. Si elle oscille entre la
célébration, la compréhension et le jugement, c'est parce que le rapport de la
littérature au monde est crucial certes, mais surtout variable et
problématique, jamais parfaitement clair, qu'il relève d'une concordia discors et nécessite d'établir
un régime spécial de lisibilité. Cette incertitude constitutive est à la fois
une chance et un risque. Dans les deux cas, il convient de préparer les
lecteurs, de les disposer à entrer dans un rapport complexe à ce que l'on nomme
une œuvre, pour dire qu'ont été
enserrées dans une unité remarquable (ce que Starobinski appelle la « loi
de l'œuvre ») des significations irréductibles, effectivement noyautées
dans le tissu verbal. De fait, la lecture compréhensive immédiate est un mythe,
comme le rappellent les préfaces, avant-propos et autres modalités de la captatio benevolentiae qui font plus
qu'orner les seuils des « grandes œuvres », des textes difficiles,
subversifs, écrits contre le public autant que pour lui : Gargantua, Les Essais de Montaigne, Les Confessions
de Jean-Jacques Rousseau, Les Fleurs
du Mal (instructifs projets de préface), Le Spleen de Paris (« À Arsène Houssaye » !)… Quand
Starobinski parle d'« accueil naïf », il renvoie à ce « bénévolent
lecteur », à ce lecteur modèle rêvé par tous les auteurs, apte à entrer correctement dans l'univers fictif, en
dépit des réquisits utilitaristes de la vie courante, ce lecteur qui accepte de
lui-même de suspendre un instant ses croyances les plus chères et d'entrer dans
un univers mental conditionné par ce que Coleridge appelle « the willing suspension of disbelief ».
Pour ne pas que cet effet se prolonge et pour éviter les identifications
périlleuses stigmatisées exemplairement par les écrivains eux-mêmes —
voir le chapitre VI de la première partie de Madame Bovary
—, la critique valorise ensuite le retour au réel, elle se lance dans une
série de propositions destinées à créditer la littérature d'une puissance autre
que celle de distraire. Elle montre
les enjeux et les conditions, préconise un usage
de la littérature, en donne des modes d'emploi. Pour ce faire, elle se situe
dans un entre-deux : fidélité à l'œuvre et responsabilité. À la fiction
littéraire répond, pour faire bonne mesure, la fonction critique. La méthode
préconisée par Jean Starobinski précise bien la nature de cette relation qui
doit unir le livre et la critique. Il faut d'abord avoir le sens de la structure, ce système original de
corrélations généralement pressenti comme un vertige par le lecteur. Les
écrivains apportent souvent de précieuses indications sur l'unité structurale
de leur projet. Flaubert, par exemple, revient souvent, dans ses lettres à
Louise Colet, sur la difficulté technique, quasi équationnelle, de son
sujet : « Toute la valeur de mon livre, s'il en a une, sera d'avoir
su marcher droit sur un cheveu, suspendu entre le double abîme du lyrisme et du
vulgaire (que je veux fondre dans une analyse narrative) » (20 mars 1852).
Lui–même, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, a appelé de ses
vœux une authentique critique littéraire,
capable, avant de se lancer dans des extrapolations, de saisir l'unité interne
de l'œuvre, c'est-à-dire son style :
« Je tâcherai de faire voir pourquoi la critique esthétique est restée si
en retard de la critique historique et scientifique : on n'avait point de base. La connaissance qui
leur manque à tous, c'est l'anatomie du
style, savoir comment une phrase se membre et par où elle s'attache. On
étudie sur des mannequins, sur des traductions, d'après des professeurs, des
imbéciles incapables de tenir l'instrument de la science qu'ils enseignent, une
plume, je veux dire, et la vie manque ! l'amour ! l'amour, ce
qui ne se donne pas, le secret du bon Dieu, l'âme, sans quoi rien ne se
comprend » (7 septembre 1853). Flaubert n'aurait sans doute pas été comblé
par les développements récents de la stylistique,
mais force est de reconnaître, malgré les errements d'un structuralisme parfois
appliqué sans nuances, les immenses progrès de l'analyse immanente.
L'histoire
littéraire, née véritablement au XIXe siècle, mais enrichie des
méthodes issues des sciences humaines, qualifie ensuite l'œuvre en son temps,
la situe dans son champ et l'interroge dans son actualité.
Comme le rappelle Starobinski dans son essai, une fois que l'on a traité
« l'œuvre comme un monde, régi par sa légalité propre », on ne peut
longtemps différer cette extrapolation :
« Je ne saurais trop longtemps méconnaître que l'œuvre est un monde dans
un plus grand monde, qu'elle m'impose sa présence non seulement à côté d'autres
œuvres littéraires, mais à côté d'autres réalités ou d'autres institutions qui
ne sont pas, elles, d'essence littéraire. Et même si je renonce à chercher la loi de l'œuvre hors de celle-ci (dans
ses ŇsourcesÓ psychologiques, dans ses antécédents culturels, etc.), il m'est
impossible d'ignorer ce qui, dans l'œuvre, implicitement ou explicitement,
positivement ou négativement, se rapporte à l'univers extérieur de
l'œuvre. » Voilà justifiés à la fois la comparaison aux autres œuvres et
le fait de rapporter la loi de l'œuvre à d'autres lois, psychologiques,
économiques, sociologiques, et même scientifiques, pourquoi pas ? Les
auteurs eux-mêmes nous invitent ou nous obligent à adopter les points de vue
qui sont ceux de la discipline qu'ils exploitent, qu'ils illustrent, qu'ils
inventent ou préfigurent : la sociologie pour De l'esprit des lois, la science politique pour Du Contrat social, l'histoire des mœurs
ou l'anthropologie culturelle pour La
Comédie humaine. Dans son célèbre avant-propos, Balzac ne posait-il pas un
important parallèle entre sciences naturelles et sciences de l'homme :
« La Société ne fait-elle pas de l'homme,
suivant les milieux où son action se déploie, autant d'hommes différents qu'il
y a de variétés en zoologie ? Les différences entre un soldat, un ouvrier,
un administrateur, un avocat, un oisif, un savant, un homme d'État, un
commerçant, un marin, un poète, un pauvre, un prêtre, sont, quoique plus
difficiles à saisir, aussi considérables que celles qui distinguent le loup, le
lion, l'âne, le corbeau, le requin, le veau marin, la brebis, etc. Il a donc
existé, il existera donc de tout temps des Espèces Sociales comme il y a des
Espèces Zoologiques ». On sait que l'impact de cet avant-propos fut
considérable sur la pensée de Taine, qui se lança, armé de théories
philosophiques ambitieuses (Spinoza, Hegel, Stuart Mill) dans une
« critique scientifique »
des œuvres qui n'aurait pas été dissociée d'un vaste ensemble destiné à rendre
compte des productions culturelles des civilisations humaines. Disqualifiée par
cette ambition même et par un style « à l'ancienne », enfermée dans
le reproche de scientisme, mal perçue dans son détail, cette critique est
pourtant singulièrement proche de la méthode prônée par Starobinski. Face aux
œuvres, Taine préconise la lecture la plus attentive possible. De cette
lecture, par imprégnation et disponibilité, attentive aux structures et lois
internes (système des personnages, action ou intrigue, façon d'écrire), doit se
dégager une « impression d'ensemble » : un lent travail de
reprise et de comparaison débouche sur la conception d'une « faculté
maîtresse », apte à caractériser de façon synthétique le talent
particulier de l'auteur. La valeur de l'opération dépend de la
« pratique » acquise par ce lecteur expert qu'est le critique
scientifique. La méthode de Taine réactive une culture du goût, résultant d'une
sensibilité exercée à saisir les « idées véridiques », les
« justesses » d'une composition et la qualité de leurs rapports et de
leurs suggestions. La multiplicité des points de vue donne le moyen de dépasser
les dimensions fragmentaires et tronquées de chaque point de vue. Par ses
lectures et par sa culture, le lecteur peut s'affranchir de la singularité et
rejoindre le pluralisme de l'objectivité. La fréquentation assidue de l'œuvre
de Tite-Live, par exemple, aboutit à prendre comme point de départ de l'analyse
la formule résumée par « un historien qui s'est fait orateur », et
donc à étudier la combinaison d'un rapport au passé compliqué par une rhétorique
de l'éloquence.
L'ambition
totalisatrice de Taine ne résistera pas à la ruine générale de l'épistémè positiviste, au bergsonisme
sensible chez Proust, qui pratique une critique faisant la part belle au
pastiche, et chez Thibaudet, qui, dans sa Physiologie
de la critique, pose des distinctions qui figent l'histoire d'un genre
restreint à une fatale oscillation entre la subjectivité et l'enseignement,
entre le journalisme et le didactisme. Il est devenu aujourd'hui bien difficile
de se repérer dans la multitude des protocoles à mettre en œuvre pour décrire
et comprendre les œuvres : critique des sources, critique thématique,
psychocritique, stylistique, sociocritique, esthétique de la réception,
génétique textuelle… Certaines disciplines s'acceptent comme adjuvants de la
recherche, d'autres prétendent à la suprématie et fonctionnent comme des
« écoles ». Mais il paraît aujourd'hui tout aussi difficile de faire
machine arrière et de se priver d'un certain nombre de savoirs sans lesquels
les études littéraires seraient, si l'on peut dire, lettres mortes. Jean
Starobinski parle, significativement et prudemment, de discours, en donnant à ce mot une amplitude, un degré d'élaboration
conceptuelle et une ambition supérieurs à la banale
« explicitation », à la paraphrase ou au commentaire scolaire.
Vocabulaire d'époque sans doute (L'Ordre
du discours, sa leçon inaugurale au Collège de France, est prononcée par
Michel Foucault le 2 décembre 1970),
mais qui a le mérite, tout en introduisant la relativité et la réflexivité au
sein de démarches essentiellement heuristiques, de rappeler la nécessité ou la
légitimité du dire sur, du dire de, pour sortir des illusions de
l'autotélisme et de la circularité où nous enferme une autre
« critique » de la littérature, celle, quasi mystique, qui prône
justement la disparition élocutoire de toutes les instances discursives autour
d'un phénomène improbable qui aurait quand même pour nom littérature. Écoutons
le chuchotement de Maurice Blanchot : « Une œuvre littéraire est,
pour celui qui sait y pénétrer, un riche séjour de silence, une défense ferme
et une haute muraille contre cette immensité parlante qui s'adresse à nous en
nous détournant de nous. Si, dans ce Tibet originaire où ne se découvriraient
plus sur personne les signes sacrés, toute littérature venait à cesser de
parler, ce qui ferait défaut, c'est le silence, et c'est le défaut de silence
qui révélerait peut-être la disparition de la parole littéraire » (Le Livre à venir). Si nous ne voulons
pas être réduits à une parole muette,
et si nous considérons que « la littérature est la hache qui brise la mer
gelée en nous » (Kafka), nous devons assumer notre destin de produire et
d'ajouter du commentaire au monde et aux œuvres et, tout en restant sensible
aux propos et aux accents de ces
dernières, adopter un point de vue qui soit le plus dialectique, le mieux
articulé aux discours disponibles sur le marché du savoir et le plus généreux,
ce qui nous renvoie à la fois à la théorie et à la publicité, au sens kantien. Qui niera donc les lectures fécondantes de la « grande » critique, ses
éclairantes « découvertes » ou ses providentielles redécouvertes,
celle de Balzac et de Stendhal par Taine, celle de Rabelais et de Dostoïevski
par Mikhaïl Bakhtine, celle d'Edgar Poe par Bachelard, celle de Montaigne par
Hugo Friedrich, celle de Racine et de Michelet par Roland Barthes. En outre, la
théorie n'est plus la prétention à détenir la
vérité sur une œuvre et le peine-à-jouir de la lecture, elle désigne au
contraire le caractère improbable de tout système clos, elle est un
« démon » qui « proteste toujours contre l'implicite »
(Antoine Compagnon, Le Démon de la
théorie) et l'informulé, et donc tout autant une incitation à comprendre
qu'à contester les propositions de telle ou telle idéologie. En prenant pour
base la déclaration de Mikhaïl Bakhtine selon laquelle « il est
extrêmement difficile de fonder une science dans tel ou tel domaine de la
culture et de la création culturelle, tout en conservant à son objet toute sa
complexité, sa plénitude et son originalité »,
la théorie préserve au-delà du discours critique un horizon ouvert à sa
succession et au discours sa fécondité. Si
la théorie est convoquée dans le commentaire, si l'on accepte qu'elle puisse
aussi l'enrichir voire l'étayer, sans l'instrumenter, c'est peut-être alors en
faisant éclater le caractère fini du texte pour l'environner de ses
compossibles et l'enrichir des virtualités qui le traversent sans le borner. On
s'intéresse à la puissance d'engendrement plutôt qu'on ne s'extasie sur le produit
fini.
« Et l'harmonie est trop exquise / Qui gouverne tout son beau
corps, / Pour que l'impuissante analyse / En note les nombreux accords »
(Baudelaire, Les Fleurs du Mal, XLI,
« Tout entière »)…
Les réactions contre une critique aspirant à la scientificité sont
nombreuses. Elles partent des écrivains eux-mêmes, on l'a vu, parce qu'ils sont
souvent gagnants à laisser perdurer les mythes de la création mystérieuse,
inspirée, élective, et qu'ils perçoivent, mieux que quiconque, les limites ou
les travers de commentaires puisant leurs raisons d'être ailleurs que dans un
système de valeurs étroitement dépendant de leur poétique, qui fait que le
Beau, par exemple, puisse régir le Bien. Entre critiques, les rivalités sont
celles qui interviennent, au sein de tout espace social, y compris
scientifique, pour conquérir le point de vue de la vérité, gérer le capital symbolique, distribuer les dividendes
liés à la domination symbolique. Entre ces deux excès, entre le monopole
revendiqué par l'auteur et la critique proliférante, les lecteurs, interpellés
par les uns et rappelés à l'ordre par les autres peuvent se sentir désemparés
et finalement assez seuls. L'indifférence n'est guère possible, leur
participation — révolte ou soumission — est requise. Leur résistance
au dogmatisme s'exerce à l'encontre des critiques qui leur disputent le plaisir
de l'identification naïve et de la rêverie, cette part d'inconscience réclamée
comme une compensation aux obligations de la vie normée et inféodée au
« dieu de l'utile » (Baudelaire, Les
Fleurs du Mal, « J'aime le souvenir de ces époques nues… »).
Mais, surtout face aux grandes œuvres — intimidantes et
monumentales — du patrimoine littéraire, ils peuvent vouloir
comprendre et raffiner leurs intuitions ; il s'agit alors pour eux de
pénétrer plus avant dans un ordre de difficultés réelles qui ne peuvent être
levées que par un enseignement rigoureux et systématique. Si la critique
littéraire universitaire présentée par Jean Starobinski a une raison d'être,
c'est bien celle qui consiste à cerner la nature de son objet pour en
comprendre toutes les fonctions et lui articuler une liberté. Si donc on
accepte de situer la lecture entre le mythe de l'infusion et les travers d'une
critique orgueilleuse, le sens d'une « relation » plus sereine avec
la littérature se dégage, à peu près conforme aux indications prônées par Jean
Starobinski, à ceci près qu'il convenait d'abord, nous semble-t-il, de mettre
au jour les tensions que sa formulation enveloppante tendait à sublimer et de
rappeler, enfin, que la (re)lecture doit triompher, rédimée ou bonifiée par une
critique fondamentalement médiatrice qui ne vaut effectivement que lorsque le
dépassement qu'elle a permis renvoie superlativement à ce qui la précédait.
François-Marie Mourad